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Arrêtez de demander aux femmes si elles sont enceintes

Dans quelles circonstances peut-on demander à une femme si elle est enceinte? Je vais vous le dire: JAMAIS.
Jason Reed/Reuters

Ça peut arriver n’importe où: au restaurant, en faisant la queue aux caisses, dans un ascenseur. On est là, à vaquer à ses petites affaires quand, sans crier gare, un inconnu vous pose une question qui vous la coupe. Ca m’est arrivé en prenant l’avion avec mon mari et ma fille d’un an pour rentrer chez nous après un week-end passé en famille.

Devant le peu de monde qui attendait aux portiques de sécurité (du jamais-vu), j’ai cru qu’on allait passer en quelques minutes. Mais, au moment où je franchissais le portique, ma fille dans les bras, un agent de sécurité est venu me dire que la languette test passée sur notre poussette avait déclenché une alarme et qu’ils allaient devoir palper l’un de nous et fouiller nos affaires.

Comme j’avais déjà passé le portique et installé ma fille dans la poussette pendant que mon mari rassemblait nos bagages, une agente de sécurité de l’aéroport d’une cinquantaine d’années, grandes lunettes et coiffure à la Farrah Fawcett, a proposé de me fouiller. Voyant ma fille en larmes, elle a proposé de tourner la poussette pour que la petite puisse me voir.

Elle m’a expliqué ce qu’elle allait faire et j’ai acquiescé. J’avais déjà connu ça quand j’étais enceinte et j’avais proposé de me faire fouiller à la main pour éviter de passer dans une machine à rayons X. L’agente a commencé à me faire la conversation en passant le dos de ses mains sur mes bras, à l’intérieur de mes cuisses et dans le dos.

“Qu’est ce qu’elle est mignonne”, m’a-t-elle dit. Je l’ai remerciée du compliment en parlant à ma fille pour essayer de la calmer. Alors qu’elle me palpait au niveau de la ceinture de mon pantalon de yoga, elle a demandé: “Il y un autre bébé en route?”

“Que les choses soient claires: faire des commentaires sur le corps des femmes, quelle que soit la situation, est inadmissible.”

C’est comme si les bruits et la lumière autour de nous s’étaient soudain éteints. Je n’arrivais pas à croire qu’elle m’ait demandé si j’étais enceinte. J’ai ri nerveusement, choquée.

“Non, juste ce qui reste du premier”, ai-je répondu sarcastiquement.

“Ne m’en parlez pas: j’ai mis une éternité à perdre mes kilos de grossesse.”

Pardon? Avais-je bien entendu? Est-ce qu’une totale inconnue avait présumé que j’étais enceinte puis, en apprenant que non, avait conclu que j’essayais de perdre ce qu’elle percevait comme des kilos en trop?

Que les choses soient claires: faire des commentaires sur le corps des femmes, quelle que soit la situation, est inadmissible. Mais c’est pire encore quand ça vient de quelqu’un que l’on ne connaît pas pendant qu’il vous palpe.

“Pardon? Avais-je bien entendu? Est-ce qu’une totale inconnue avait présumé que j’étais enceinte puis, en apprenant que non, avait conclu que j’essayais de perdre ce qu’elle percevait comme des kilos en trop?”

Et si j’étais enceinte mais n’étais pas encore prête à en parler? Et si je venais de faire une fausse couche et ne pouvais pas évoquer mon ventre renflé sans fondre en larmes? Et si j’essayais de tomber enceinte depuis des années, mon ventre gonflé à force de médicaments et d’injections pour stimuler ma fertilité? Et si ma fille était adoptée et ces “kilos de la grossesse” n’étaient dus qu’à quelques excès lors des repas des fêtes qui venaient de passer?

Ça ne vous regarde pas. Je le répète pour que ça soit bien clair: ÇA NE VOUS REGARDE PAS. En échangeant des banalités avec une femme, il n’y a aucune raison de glisser des commentaires sur son corps. Surtout, ça ne devrait jamais vous autoriser à présumer des choses à propos de son corps.

Voilà ce que j’aurais aimé dire à cette agente: non, je ne suis pas enceinte et, non, je n’essaie pas de perdre du poids. J’essaie de prendre soin de moi malgré le stress que génère mon nouveau rôle de mère, et de donner à ma fille un bon exemple de ce qu’est une image saine de son corps. Je me sens merveilleusement bien.

Il n’y a pas de réponse simple à une question concernant mon corps, car ce sujet est tendancieux. Voilà la vérité qu’ignorent les inconnus: mon corps a subi des traitements contre l’infertilité, porté un superbe bébé de 4,5 kg jusqu’à 41 semaines et demi de grossesse, survécu à un accouchement avec 48 heures de travail, 4 heures à pousser, puis une césarienne, et s’en remet doucement. Je me sens comme une guerrière.

Oui, je choisis de porter un maillot une pièce car j’ai encore un bidon tout mou marqué par la cicatrice de la césarienne, mais cette cicatrice est pour moi un souvenir de l’arrivée au monde de ma fille. À mes yeux, mon corps est fort et beau, et aux yeux de ma fille aussi.

Chaque jour, j’utilise mon corps pour prendre ma fille dans mes bras, la porter dans ce monde, la nourrir quand elle a faim, la bercer quand elle pleure. C’est un foyer sacré, un lieu de repos, un réceptacle qui a donné la vie à un enfant et qui en portera peut-être un autre si, et quand, je le décide. Et toi, qui ne me connais pas, tu n’as rien à dire là-dessus.

Beaucoup de mes amies à qui j’ai raconté cet épisode m’ont confié avoir vécu des situations similaires avec des inconnus. Pour moi, c’était une première, et ça m’a sidérée. J’aurais dû regarder cette femme droit dans les yeux et lui dire: “Je n’arrive pas à croire ce que vous venez de me dire” pour retrouver mes esprits et ma répartie, dont je ne manque pas. Au lieu de ça, j’ai eu un rire nerveux face à la réplique extrêmement outrageante que je venais d’entendre.

“Dans quelles circonstances peut-on demander à une femme si elle est enceinte? Je vais vous le dire: JAMAIS. Si une femme est enceinte et veut en parler avec des inconnus, elle le fera. C’est son choix, pas le vôtre.”

J’étais prête à filer en vitesse et à chercher la porte d’embarquement de notre vol. Nous nous sommes éloignés pour remettre nos chaussures sur un banc voisin. Plus tard, j’ai raconté à mon mari ce qu’avait dit cette femme et ça l’a mis en colère autant que moi.

Je sais ce qu’elle essayait de faire. Elle a vu que la situation me mettait mal à l’aise et tenté de me détendre en bavardant de sujets, pour elle, anodins. Je sais qu’elle n’avait pas de mauvaises intentions. Comme sans doute tant d’autres qui posent cette question chaque jour, dans le monde entier. Mais laissez-moi vous suggérer quelques sujets de conversation plus adaptés pour bavarder avec une inconnue: la météo, les projets de vacances, vos équipes préférées, la marque de ses chaussures… La liste est longue.

Dans quelles circonstances peut-on demander à une femme si elle est enceinte? Je vais vous le dire: JAMAIS. Si une femme est enceinte et veut en parler avec des inconnus, elle le fera. C’est son choix, pas le vôtre. Arrêtons de prendre le corps des femmes pour un sujet de conversation banal. Tout ce que ça banalise, c’est l’étroitesse d’esprit.

Ce texte initialement publié sur le HuffPost américain a été traduit par Valeriya Macogon pour Fast ForWord, pour le HuffPost France.

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