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Après une double mastectomie, j'ai choisi de ne plus avoir de poitrine, et je le vis très bien

Avec ou sans seins, je suis toujours moi.
Quand j’ai exposé mon choix, j’ai senti de la réticence. Pas de la part de mon compagnon qui m’a soutenue dans cette décision, mais plutôt de certains soignants, des femmes surtout. On m’a dit que j’étais jeune, que je pourrais changer d’avis. Encore aujourd’hui, un an après cette chirurgie, les médecins me demandent si je pense à la reconstruction.
Christel A.
Quand j’ai exposé mon choix, j’ai senti de la réticence. Pas de la part de mon compagnon qui m’a soutenue dans cette décision, mais plutôt de certains soignants, des femmes surtout. On m’a dit que j’étais jeune, que je pourrais changer d’avis. Encore aujourd’hui, un an après cette chirurgie, les médecins me demandent si je pense à la reconstruction.

Tout a commencé en avril 2018. À ce moment-là, je ne me doutais pas de ce qui allait arriver. Cette boule dans mon sein, c’était forcément bénin. Vous l’avez deviné, la suite me prouvera que non.

C’est donc à 32 ans que j’ai appris que cette masse était un cancer en mon sein. Passé le choc de l’annonce, la succession des traitements: tumorectomie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie.

Et en toile de fond cette question: pourquoi? Pourquoi moi, pourquoi un cancer si jeune?

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Un risque accru d’avoir encore un cancer

Dès l’annonce, mon chirurgien m’avait parlé d’oncogénétique. Ce sujet n’était pas totalement inconnu pour moi. J’avais lu au fil de ses publications la bande dessinée de Lili Sohn, La guerre des tétons. J’avais aussi appris l’histoire d’Angelina Jolie. Mais dans la vraie vie, enfin, surtout en France, les résultats sont longs, vraiment très longs à obtenir. Déjà, il m’avait fallu patienter 4 mois pour avoir rendez-vous dans le service d’oncogénétique, puis 4 mois de plus pour enfin avoir la réponse. Certaines attendent une année.

Le jour des résultats a été la confirmation de ce que je soupçonnais déjà, une mutation avait été trouvée. Les pièces du puzzle familial se mettaient en place. Je savais désormais que j’avais un risque accru d’avoir un cancer du sein, d’autant plus que j’avais déjà été touchée jeune.

La douloureuse question de la reconstruction

Il était hors de question de revivre ces traitements, de vivre dans l’angoisse à chaque contrôle, chaque année. Je n’avais aucun doute sur ce que je voulais: réaliser une mastectomie bilatérale prophylactique, et rapidement. Là n’était pas la question. Non, la vraie question était surtout de savoir quelle technique de reconstruction j’allais choisir. Prothèse? Lambeau dorsal? DIEP? Lipofilling? Il existe de nombreuses méthodes. Je m’étais énormément renseignée grâce à internet, j’avais assisté à une conférence au centre Léon-Bérard, j’avais consulté deux chirurgiens-plasticiens. Mais rien de tout ça n’était pour moi. Je ne voulais pas de corps étranger, je ne voulais pas de nouvelles cicatrices sur mon corps, et je n’avais pas assez de graisse pour un lipofilling. Je ne voulais pas me lancer dans une succession d’opérations au résultat incertain.

Alors j’ai choisi de ne pas faire de reconstruction, du moins, au sens où on l’entend habituellement. J’ai préféré ne pas reconstruire de volume. Non, moi ce que j’ai choisi, c’est une reconstruction à plat. D’avoir de belles cicatrices qui épousent le torse. Pas de plis, pas de bosses, pas d’oreilles de chien. Simplement, un torse lisse. Si vous saviez à quel point cela a été compliqué de trouver des photos de femmes au torse plat. Comme si cela n’existait pas. Alors j’ai parcouru les forums, discuté avec des femmes de tous pays. J’ai eu l’immense chance d’échanger avec Marie-Claude Belzille, pionnière québécoise pour le droit à la reconstruction plate.

Quand j’ai exposé mon choix, j’ai senti de la réticence. Pas de la part de mon compagnon qui m’a soutenue dans cette décision, mais plutôt de certains soignants, des femmes surtout. On m’a dit que j’étais jeune, que je pourrais changer d’avis. Encore aujourd’hui, un an après cette chirurgie, les médecins me demandent si je pense à la reconstruction.

Comme si on ne pouvait pas vivre sans seins

Doit-on rappeler que 70% des femmes ne font pas une reconstruction de volume après une mastectomie, restant amazones?

Aujourd’hui, je partage mon expérience et milite pour que la reconstruction à plat soit proposée aux femmes. Que chacune puisse faire le choix qui lui convienne, en ayant connaissance de toutes les possibilités. Je ne veux plus entendre de «je ne savais pas que c’était possible», «si j’avais su, je n’aurais pas fait de reconstruction», «je ne dois pas être la seule à ne pas vouloir de reconstruction». Je ne veux plus que le personnel soignant se projette dans le corps de leurs patientes et ne respecte pas leur sensibilité et leur choix.

Il n’y a pas de mot pour désigner les femmes comme moi. Double amazone, extra-plate, platine? Qu’importe, avec ou sans seins, je suis toujours moi, toujours la même. Et je me moque de ce que peuvent penser les gens. Ma vie n’est pas la leur. J’ai choisi de vivre.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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