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L'appellation «anges gardiens», un gros «high five» dans le vide

«Si nos travailleurs essentiels sont vraiment des anges, alors nos hôpitaux, nos CHSLD, nos épiceries etc... seraient tous des miniparadis et leurs gestionnaires seraient des petits Jésus. Quelle belle image!»
LukaTDB via Getty Images

On dit qu’il n’y a pas d’omerta dans le système de santé au Québec. Que tous les anges gardiens sont invités à parler des problèmes qu’ils rencontrent et que le système les écoute à grande oreille. Que le système de santé est transparent. Pourtant la réalité, c’est que la minute où un ange ose parler ouvertement de la réalité crue sur le terrain, le système entend mais il n’écoute pas (il y a une nuance), puis renvoie cet ange.

A-t-on oublié ce qui s’est passé la dernière fois qu’un ange a été renvoyé par Dieu? Est-ce que ce parallèle peut se faire? Parce que si nos travailleurs essentiels sont vraiment des anges, alors nos hôpitaux, nos CHSLD, nos épiceries etc... seraient tous des miniparadis et leurs gestionnaires seraient des petits Jésus. Quelle belle image!

Est-ce qu’«anges gardiens» est le bon terme pour désigner des travailleurs essentiels qui ne peuvent pas s’isoler après avoir fait un dépistage pour protéger leurs collègues, par peur de voir leurs paies diminuées? Qui n’ont pas droit à leurs vacances ou à leurs fins de semaines? Qui doivent gérer les crises des Karen de ce monde - qui veulent acheter des produits qui se trouvent dans des allées barricadées - ou les violences verbales de celles et ceux qui résistent encore et toujours à l’envahisseur, c’est-à-dire aux mesures sanitaires? Qui doivent s’occuper des manifestants anti-masques qui tombent maintenant gravement malades?

“Utiliser ce genre de vocabulaire, c’est comme donner un «high-five» à une main tendue qui cherche désespérément, et ce depuis des années, à s’agripper à nous, afin de ne pas tomber dans un précipice.”

Des termes comme «anges gardiens» enlèvent toute notion de réalité et de travail sur le terrain. Ce terme a une connotation vocationnelle, religieuse, alors que tous ces gens ont pourtant dû suivre une formation académique rigoureuse pour pratiquer leur métier.

Ça a une valeur sincèrement dégradante et paternaliste de parler d’«anges gardiens». Ce sont des professions qui méritent d’avoir de meilleures conditions, non pas parce qu’elles sont plus ou moins dévouées que d’autres corps de métier, mais parce que ces professionnels ont dû aller chercher leurs compétences par les mêmes mécanismes éducatifs rigoureux que n’importe quelle autre profession.

Utiliser ce genre de vocabulaire, c’est comme donner un high-five à une main tendue qui cherche désespérément, et ce depuis des années, à s’agripper à nous, afin de ne pas tomber dans un précipice. Le gouvernement actuel se tape dans le dos comme pour se féliciter de reconnaître les problèmes, mais ne fait strictement rien de concret pour remédier à la situation.

La réalité c’est que nos «anges gardiens» sont essoufflés. On leur a retiré le droit à leurs vacances de Noël. Et le comble de ces belles conditions de travail: on les oblige à faire des heures supplémentaires. On ignore, volontairement ou non, que nos anges habitent seuls ou qu’elles/ils ne voient pas leurs familles par peur de les contaminer. Ce sont les vraies personnes oubliées de cette pandémie.

L’art de jouer avec les mots

Certaines familles québécoises se permettent d’aller dans le Sud. Ce n’est pas illégal de voyager, c’est tout simplement «non recommandé». La preuve que jouer avec les mots est un vrai jeu olympique et que nos gouvernements se battent pour la première place! Et pendant qu’on voit ces nouvelles passer dans les médias, certains de nos ministres, ceux qui plaident le «on est tous dans le même bateau» font pareil.

Certains disent avoir des «regrets» dans leurs communiqués. Mais que regrettent-ils? D’avoir été assez hypocrite pour faire le contraire de ce qu’ils disent à la population, ou bien qu’ils se soient fait prendre? Nous ne sommes pas tous dans le même bateau, nous sommes tous dans la même tempête. Certains ont des radeaux, et d’autres ont des yacht.

Pourquoi est-ce que le commun des mortels n’aurait pas le droit de voyager alors que leurs politiciens ne se gênent pas? Et que personne ne s’y trompe: je ne mâche pas mes mots quand je dis que toute personne qui voyage dans le sud en pleine pandémie, pendant que des gens meurent ou en vivent des séquelles, fait preuve d’égoïsme et d’un manque de savoir civique marqué par l’absence d’amour pour l’humanité.

Le poisson pourrit toujours par la tête. Que ce soit un gouvernement envers son peuple, un gestionnaire face à ses employés ou un parent envers ses enfants, le résultat sera toujours le même. Un manque de compassion, d’humanité et de bon sens ne se transmet pas biologiquement, il est transmis idéologiquement.

Restez chez vous. Lavez-vous les mains. Mettez un masque si vous sortez.

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