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«Animaux»: eux et nous

Comment ne pas aimer une pièce avec un chat qui s'appelle Baudelaire?
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Comment mes vieux chats, Hubert et Picabou, voient-ils le monde? Est-ce qu'ils pensent? Comment me perçoivent-ils? Que suis-je pour eux? Une déesse tutélaire dispensatrice de bouffe, de gâteries et de caresses ou une vestale mise à leur service qui consacre sa vie à leur bien-être et ouvre la porte 12 000 fois par jour? (Je penche pour la seconde option).

Je prête souvent à mes chats des sentiments humains. Me croient-ils capable d'émotions félines? Comment appréhendent-ils le temps, l'espace, les couleurs, les textures? Quand ils me regardent de leurs pupilles vertes et insondables, que voient-ils? Habitent-ils le même monde que moi?

La pièce de Daniel Brière et Alexis Martin, Animaux, présentée à l'Espace libre ouvre grande la porte à toutes ces interrogations familières pour quiconque possède ou a déjà possédé un animal domestique. Et même pour ceux qui n'en ont pas. Avec de véritables bêtes, sur une scène couverte de paille et de bran de scie et avec un écran où des projections illustrent le propos, deux narrateurs, Pierre Lebeau et Anne Dorval, vont nous tenir un discours rempli de considérations parfois métaphysiques, parfois ludiques sur notre place dans l'univers et sur le rapport que l'homme entretient avec ces bêtes qui partagent cette planète avec nous.

On y entend des théories sur la réconciliation avec la nature, sur le côté obscur de l'animal en nous, sur la nécessité de rapatrier une humanité qui se serait égarée en cours de routes et que nos compagnons à quatre pattes nous rappellent parfois. Avons-nous domestiqué l'animal en tenant compte de notre propre tendance à rejoindre le troupeau, nous demande-t-on? Avons-nous conscience que l'odorat extrêmement développé du chien recèle les trésors d'une poésie qui nous restera à jamais inconnue? Savons-nous vraiment, et voulons-nous vraiment savoir ce qui se passe dans les abattoirs?

La jolie vache Jersey s'appelle Nestea, le chien c'est Shiloh, il y a le chat Baudelaire (qui miaule comme s'il suivait des indications de mise en scène) et le micro cochon (mignon comme tout) qui se nomme Cachemire. Une chèvre, un cheval miniature, des poules très sympathiques, des poissons et des grillons complètent la distribution. Ah! J'oubliais! Il y a aussi deux humains: Sophie Cadieux (la superwoman du moment qui joue aussi à compter de cette semaine dans Des arbres à la Licorne) et Hubert Proulx (aucun lien avec mon chat).

Les spectateurs étaient visiblement enchantés et avec raison puisque c'est un moment de théâtre qu'on voit rarement: rempli d'odeurs différentes, avec un propos illustré par des animaux et qui, paradoxalement, nous ramène à la plus profonde des humanités.

La force du texte, à part le fait qu'il est d'une grande densité et je reviendrai là-dessus, c'est qu'il n'est jamais moralisateur. Pédagogique sans avoir l'air d'y toucher, ça oui, ce qui est très bien d'ailleurs. Mais Brière et Martin ne sont pas tombés dans le prêchi-prêcha et ne tentent nullement de nous convaincre de manifester contre les manteaux de fourrure ou de nous convertir au végétarisme. Ils nous livrent des faits dans cette parfaite narration livrée par Pierre Lebeau et Anne Dorval et je m'incline avec admiration devant la recherche exhaustive qui l'a manifestement précédée.

Sophie Cadieux et Hubert Proulx endossent des identités diverses et ont finalement peu de texte. Il y a une vignette amusante sur la jeune femme qui vit avec un fermier à la campagne et qui le quitte parce qu'elle a l'impression que les animaux l'espionnent mais c'est évident qu'ils s'attendaient à être davantage les faire-valoir des adorables bêtes qui partagent la scène avec eux.

Si j'ai un (doux) reproche à formuler c'est qu'il y a trop de bonnes idées dans ce show, trop de filons, trop de pistes de réflexion, on n'a pas le temps de tout saisir. Si le propos avait été, disons, un peu dilué, il aurait été plus accessible, on aurait eu plus de temps pour assimiler toutes ces notions.

La narration fait état de propos de biologistes, d'éthologues, de philosophes, tous plus intéressants les uns que les autres et c'est essoufflant intellectuellement. Mais je rends hommage une fois de plus à la recherche minutieuse d'Alexis Martin qui a condensé une incroyable somme d'informations dans cette heure et quart fort agréable au demeurant. C'est plein de charme et c'est souvent irrésistible. Et comment ne pas aimer une pièce avec un chat qui s'appelle Baudelaire?

Animaux , à L'Espace libre jusqu'au 20 mars 2016.

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