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Les angles morts de l'aide médicale à mourir

Pour faire l’économie d’un débat de société, le gouvernement vient de créer une mer d’incertitudes.
La ministre de la Santé Danielle McCann
Jacques Boissinot/La Presse canadienne
La ministre de la Santé Danielle McCann

De manière cynique, il semble bien que le gouvernement soit en train d’appliquer l’aide médicale à mourir au débat sur l’aide médicale à mourir. D’un coup de baguette magique, le gouvernement du Québec tente de trancher un débat épineux en voulant se conformer d’un trait de plume à ses obligations légales dans la foulée du jugement sur le cas Gladu-Truchon. Mais les choses ne peuvent être aussi simples.

Lorsque le gouvernement nous a annoncé qu’il voulait rendre accessible l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale, on a ressenti dès lors un immense malaise dans la société québécoise. Au point où le secrétaire du Collège des médecins disait à la radio: «Prenons notre temps,
faisons les choses correctement, il n’y a pas d’urgence à mourir...»

Les angles morts

La plupart des citoyens, heureusement, sont peu souvent confrontés à ces moments dramatiques où il faut décider s’il y aura un lendemain. Ils apprécient souvent la situation à distance. En revanche, les médecins spécialistes sont nombreux à fréquenter cette frontière; de la médecine d’urgence à l’oncologie, en passant par la neurologie ou la gériatrie. Des spécialistes de presque tous les domaines de soins peuvent se retrouver dans ces situations ultimes. Cette fréquentation de la fin de vie nous permet d’apporter un éclairage particulier
sur la réalité de l’aide médicale à mourir.

Mais, pour faire l’économie d’un débat de société, le gouvernement vient plutôt de créer une mer d’incertitudes. Par exemple, à quel moment une personne diagnostiquée bipolaire ou en dépression pourrait-elle être considérée apte à décider que sa vie ne vaut plus la peine d’être vécue?

On peut étendre le questionnement aux personnes souffrant de l’Alzheimer. Celles et ceux qui côtoient des personnes atteintes de démence savent qu’elles peuvent vivre des moments de joie, rire, chanter des airs enfouis, même si elles ne reconnaissent plus leurs proches. Alors, à quel moment on jugera que le temps est venu pour l’aide médicale à mourir?

Entendre les Québécois

Il est approprié que le Collège des médecins élabore un guide de pratique pour éviter les dérives. Mais il faut aussi que tous puissent s’exprimer et pas seulement durant une journée ou deux. Sinon, on fait porter une
responsabilité beaucoup trop grande sur les épaules des médecins. En effet, c’est aux médecins que revient le geste gravissime de provoquer la mort. Ils ont besoin de l’avis de la population. Ils ont besoin de saisir le consensus populaire, malgré la très grande émotivité qui entoure ce débat.

Les médecins spécialistes veulent une vraie discussion publique sur la question. Ils veulent contribuer à éclairer le débat et ainsi assurer à tous les Québécois une fin de vie digne et décente.

Élargir l’aide médicale ne peut en effet se faire en rétrécissant le champ de vision. Sinon, on ne voit plus les angles morts.

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