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L'anémie falciforme, une maladie méconnue qui fait des ravages

Le 19 juin est la Journée mondiale de cette maladie génétique que peu de gens connaissent, mais qui est pourtant assez répandue.
HRAUN via Getty Images

Savez-vous quelle est la maladie génétique la plus répandue chez les enfants? Ce n’est pas la fibrose kystique ni la dystrophie musculaire... mais bien l’anémie falciforme. Pourtant, beaucoup de gens n’ont jamais entendu parler de cette maladie, qui entraîne parfois de nombreuses d’hospitalisations pour les enfants. À l’occasion de la Journée mondiale de l’anémie falciforme, le HuffPost Québec s’est entretenu avec le Dr Yves Pastore, pédiatre et hémato-oncologue à l’hôpital Sainte-Justine, pour démystifier cette maladie.

Qu’est-ce que c’est, l’anémie falciforme?

C’est une maladie génétique parmi les plus fréquentes à travers le monde. Elle affecte l’hémoglobine, la substance qui transporte l’oxygène dans nos globules rouges. Elle entraîne une mutation des gènes de l’hémoglobine, une anomalie qui fait en sorte que l’hémoglobine a tendance à déformer les globules rouges. Les globules perdent leur forme, deviennent plus fragiles, et ça conduit à l’anémie. Et comme ils se déforment, ils ont de la difficulté à circuler dans les petits vaisseaux sanguins, donc il peut y avoir des blocages. C’est ce qui mène à l’une des complications les plus courantes: les crises de douleur. Chaque année, à travers le monde, 300 000 enfants naissent avec l’anémie falciforme. Au Québec, on estime que 1500 patients vivent avec l’anémie falciforme. Au Canada, environ 5000.

Le Dr Yves Pastore
Courtoisie
Le Dr Yves Pastore

Quelles sont les autres formes de complications?

Parmi les complications graves, l’anémie falciforme peut conduire à des atteintes des vaisseaux sanguins, et quand ça survient au niveau cérébral, ça peut mener à une attaque cérébrale (ou un accident vasculaire-cérébral, AVC). Durant les 20 premières années de vie, le risque d’attaque cérébrale est 300 fois plus élevé chez les enfants atteints d’anémie falciforme que chez les autres enfants.

Aussi, le risque d’infection est accru. C’est dû au fait que l’un des organes qui est touché, la rate, est un organe qui filtre le sang et qui aide à combattre certaines infections. Une personne qui n’a plus de rate, par exemple, est à haut risque de faire des infections graves, si elle est exposée à certaines bactéries, comme le pneumocoque. Quelqu’un qui est atteint d’anémie falciforme, c’est comme une personne qui n’a plus de rate.

Donc, en cas de fièvre, on recommande de se présenter rapidement à l’hôpital pour une évaluation. Parce qu’une infection à pneumocoque peut entraîner le décès.

“Il y a un aspect très imprévisible dans cette maladie: on ne sait jamais quand une complication peut frapper.”

- Dr Yves Pastore

Donc les enfants qui sont atteints de cette maladie se retrouvent souvent à l’hôpital?

Oui... La douleur et la fièvre sont les deux causes parmi les plus fréquentes pour les visites à l’urgence. Ça illustre bien l’impact sur le quotidien de ces enfants. On ne sait pas à quel moment la douleur peut survenir et quelle complication elle peut entraîner. Il y a un aspect très imprévisible à cette maladie.

Cette maladie est une cause d’absentéisme scolaire. Chaque crise de douleur ne conduit pas nécessairement à une hospitalisation. Mais c’est clair qu’un enfant - qui a mal pendant quelques jours, et dont la douleur est contrôlée par des médicament forts comme la morphine - n’aura pas la concentration pour se rendre à l’école. Ces enfants sont plus susceptibles d’avoir des difficultés scolaires, et même de décrocher.

Vous avez développé de nouveaux protocoles, à Sainte-Justine, pour tenter de limiter les hospitalisations?

On a beaucoup travaillé en ce sens, au sein de nos équipes, pour repenser notre approche sur la prise en charge de la douleur.

La nouveauté a été d’utiliser plus de médicaments par voie orale, ce qui a permis de réduire le taux d’hospitalisation de 50%. Avant, quand des enfants se présentaient à l’urgence pour des crises de douleur, 90% d’entre eux étaient hospitalisés. À l’heure actuelle, on aide les patients à retourner à la maison avec un plan de traitement à domicile.

Quels sont les médicaments utilisés?

On utilise des médicament puissants, comme des opiacés. Par exemple, le fentanyl de façon intra nasale… C’est un médicament qui peut faire peur, mais si on l’utilise de manière contrôlée, bien encadrée, c’est excellent. Il offre un contrôle de la douleur assez rapide.

Quels sont les symptômes?

Au quotidien, les enfants peuvent présenter très peu de symptômes. Mais ils sont à la merci des crises de douleur. En très bas âge, il peut y avoir un gonflement des mains et des pieds, très douloureux. En vieillissant, ça se manifeste à n’importe quel endroit du corps et de manière aigüe. Il existe certains facteurs déclencheurs, tels que les changements de température. Exemple: quand les enfants sortent de la piscine.

Pourquoi cette maladie touche davantage la communauté noire?

Le gène qui cause la maladie est plus fréquent chez les personnes qui proviennent de pays africains ou de pays à haute endémie de malaria. L’hémoglobine S protégeait de certaines formes plus sévères de malaria, il y a eu donc comme une sélection. Mais quand on a deux gènes malades, la forme SS, c’est ce qui mène à l’anémie falciforme.

Est-ce qu’il existe des traitements?

Il y a des traitements préventifs. D’ailleurs, il y a beaucoup de recherches en ce sens. Il existe des antibiotiques préventifs qu’on peut donner à un bébé dans sa première année de vie et qui peuvent réduire la sévérité de la maladie.

C’est pour cette raison qu’il est important de prendre en charge les enfants tôt. Maintenant, depuis 2016, cela fait même partie du dépistage néo-natal pour tous les bébés.

Il est aussi possible de guérir de l’anémie falciforme, grâce à la greffe de moelle osseuse. À Sainte-Justine, nous avons été l’un des premiers centres au Canada à pratiquer cette intervention. On en fait maintenant régulièrement, mais c’est un traitement compliqué qui n’est pas sans risque. C’est une thérapie qu’on va utiliser pour les personnes les plus malades. L’enfant qu’on voit deux fois par année et qui n’a pas beaucoup de complications… on ne va pas le soumettre à cette intervention.

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