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Andrée-Anne, 30 000$ de dettes étudiantes: «Je ne suis plus sûre de vouloir continuer»

«Doit-on vraiment choisir entre la passion et l’argent? La société ne valorise pas assez ses jeunes, ça me déçoit.»
Andrée-Anne Lefebvre
Courtoisie
Andrée-Anne Lefebvre

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

C’est ma septième année d’université, j’ai 28 ans. Je suis bachelière en sciences biomédicales et étudiante à la maîtrise en santé publique, et je travaille comme auxiliaire de recherche à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Même si je n’ai pas le droit de travailler plus de 15 heures par semaine, je fais partie des chanceuses. En ce moment, j’apprends le métier de chercheuse, et je mange mes croûtes comme on dit, pour ensuite pouvoir obtenir un emploi dans le secteur académique ou politique, en tant que recherchiste ou analyste en santé politique.

En 2014, j’ai effectué un prêt à l’Aide financière aux études (AFE). Avant ça, je n’étais pas éligible, entre autres parce que je n’avais pas habité assez longtemps hors de chez mes parents.

Au total, entre les bourses (environ 4 000$) et les prêts, mon emprunt s’élevait à 7 000$ par année. Il faut multiplier ce nombre par trois pour mon baccalauréat.

Avec l’AFE, mes dettes s’élèvent au total à plus de 20 000$. À cela, il faut ajouter une marge de crédit d’environ 10 000$.

“C’est sûr qu’il y a plusieurs conséquences sur ma vie, ça rend ma poursuite d’études très anxiogène, alors que j’aimerais beaucoup poursuivre au doctorat. Mais ça voudrait dire encore plus d’endettement.”

Je me dis qu’aller sur le marché de travail me permettrait de rembourser mes dettes plus rapidement. Ma situation financière vient limiter mes choix.

Au quotidien, cela signifie aussi beaucoup de précarité, une fois qu’on a fait l’épicerie, un peu de loisirs, il ne reste pas grand-chose. Je fais parfois des travaux «on the side» comme de la révision ou de l’édition de textes. De petits contrats.

Je limite mes sorties, les achats évitables comme le linge, les restaurants, les sorties. Je vais cuisiner mon lunch moi-même. Quand je voyage, j’opte pour le camping. À la maison, je pratique le zéro déchet. Mais il y a les imprévus. Récemment, mon ordinateur m’a lâchée, et ce fut une dépense d’environ 2 000$ de plus.

L’endettement est une situation qui préoccupe beaucoup les étudiants, selon Andrée-Anne Lefebvre.
Witthaya Prasongsin via Getty Images
L’endettement est une situation qui préoccupe beaucoup les étudiants, selon Andrée-Anne Lefebvre.

L’endettement, je le vois autour de moi, c’est une situation qui préoccupe beaucoup les étudiants, il n’y a pas un jour où je n’entends pas une plaisanterie là-dessus, ou quelqu’un qui lance: «on est trop pauvres pour un café!»

Les stages obligatoires non rémunérés sont une autre difficulté. En ce qui me concerne, ça a fait un trou dans mon budget, ça a creusé ma marge de crédit.

J’aurais pu travailler davantage peut-être, durant mes études, mais j’ai préféré faire le choix de m’endetter plus pour mieux me consacrer à ma réussite. J’aurais aussi pu ne pas prendre une année pour m’investir dans le mouvement étudiant. C’est un choix que j’assume mais je n’aime pas le défendre devant des personnes qui n’auraient pas les mêmes valeurs que moi.

“Dans la société, on dirait qu’il faut juste faire de l’argent, certains domaines d’études comme les sciences sociales sont moqués, certaines personnes ne valorisent pas le savoir. Ce n’est pas ma vision de la vie.”

Il y a des choses que j’aurais aimé connaître. D’abord, j’aurais aimé plus de conseils sur «l’après». Par exemple, l’AFE offre la possibilité de rembourser 15% de son prêt, mais ce n’est pas ou peu publicisé, j’aurais aimé le savoir.

Ensuite, les seuils financiers ne sont pas connus. Quand j’ai reçu une bourse d’excellence dans mon programme, j’ai reçu 4000$ et j’ai perdu mes bourses pour l’année, car j’avais dépassé les seuils! C’est bon pour mon CV mais financièrement, ça va être un casse-tête.

Aux étudiants, je conseillerais d’appliquer à l’AFE pour obtenir la portion de bourses, qui est intéressante, quitte à ne pas toucher au montant équivalant aux prêts.

Quand on a une convention de prêts, il est bon de se faire ami avec son conseiller en service financier, de ne pas traiter ça comme un rendez-vous chez le dentiste. Ils sont formés pour bien nous conseiller, pour bien négocier nos marges de crédit. Ça, ça peut vraiment faire la différence.

“J’assiste à une dégradation de la situation des étudiants autour de moi. On met beaucoup l’accent sur la santé psychologique des étudiants, mais ça commence avec cette précarité financière-là.”

Cela, jumelé à la performance académique que l’on doit maintenir, pousse à l’endettement. C’est très stressant.

Doit-on vraiment choisir entre la passion et l’argent? La société ne valorise pas assez ses jeunes, ça me déçoit.

On a de la chance de vivre dans un pays qui peut financer les études supérieures, alors il me semble qu’on gagnerait à investir dans nos jeunes davantage, non?

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Céline Gobert.

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