
COVID ou pas, rĂ©apparaĂźt avec chaque saison froide « la » solution pour combattre le rhume, Ă laquelle bien des gens aiment croire : prendre un verre dâalcool tuerait le microbe. Voici ce quâil faut savoir
Lâorigine de la rumeur
LâĂ©thanol, câest-Ă -dire lâalcool contenu dans les boissons alcoolisĂ©es, a des propriĂ©tĂ©s dĂ©sinfectantes reconnues. Il est notamment utilisĂ© dans divers produits servant Ă nettoyer les surfaces et la peau. LâĂ©thanol peut tuer des bactĂ©ries, des champignons microscopiques et des virus. Selon lâorganisme amĂ©ricain de surveillance des maladies (CDC), son action antimicrobienne proviendrait de sa capacitĂ© à « dĂ©naturer » les protĂ©ines. LâĂ©thanol causerait aussi des dommages aux membranes cellulaires des microbes. De lĂ Ă croire quâil pourrait aussi tuer les virus Ă lâintĂ©rieur de notre corps, il nây a quâun pasâŠ
Une efficacité douteuse
Le premier problĂšme est que, pour Ă©liminer les microbes, lâalcool doit ĂȘtre prĂ©sent dans une concentration de 60 Ă 90 %. En bas de 50 %, lâactivitĂ© dĂ©sinfectante de lâalcool diminue rapidement. Rappelons que, selon ĂducâAlcool, la concentration moyenne dâune biĂšre est de 5 %, et celle dâun verre de spiritueux, de 40 %.
Le deuxiĂšme facteur Ă considĂ©rer est la durĂ©e dâexposition des microbes Ă lâalcool. Selon des Ă©tudes qui Ă©valuaient lâefficacitĂ© de diffĂ©rents dĂ©sinfectants pour les mains, ce genre de produit met environ 30 secondes pour tuer les rhinovirus ou lâinfluenza prĂ©sents Ă la surface de la peau.
Toutefois, lorsquâon consomme de lâalcool, celui-ci est dirigĂ© en quelques secondes vers lâestomac et ne reste donc pas trĂšs longtemps en contact avec le pharynx, lâendroit oĂč le systĂšme digestif et le systĂšme respiratoire se rencontrent. De plus, ces virus sâinstallent dans des rĂ©gions des voies respiratoires qui ne sont pas accessibles aux boissons alcoolisĂ©es, notamment les muqueuses nasales, les sinus et le larynx.
Lâalcool peut-il prĂ©venir ?
Quelques Ă©tudes ont tentĂ© de dĂ©montrer que lâalcool pourrait prĂ©venir les infections respiratoires, Ă dĂ©faut de les Ă©liminer. Pour une recherche publiĂ©e en 1993 dans lâAmerican Journal of Public Health, des sujets ont Ă©tĂ© infectĂ©s volontairement avec diffĂ©rents virus causant le rhume et les chercheurs ont notĂ© que ceux qui buvaient davantage dâalcool dĂ©veloppaient moins de symptĂŽmes. Mais bizarrement, câĂ©tait vrai seulement chez les non-fumeurs : la mĂ©thodologie de lâĂ©tude incluait en fait beaucoup de variables, pour un minuscule groupe contrĂŽle (26 personnes).
En 2002, une autre Ă©quipe a voulu savoir si câĂ©tait le cas des personnes exposĂ©es naturellement au rhume. Ils ont donc demandĂ© Ă 4287 participants de remplir un questionnaire sur leur consommation dâalcool et de noter dans un calendrier la prĂ©sence et lâintensitĂ© de leurs symptĂŽmes. La quantitĂ© totale dâalcool nâa pas Ă©tĂ© associĂ©e Ă une rĂ©duction des Ă©pisodes de rhume, quoique, bizarrement lĂ aussi, les amateurs de vin rouge semblaient davantage protĂ©gĂ©s que les buveurs de biĂšre.
Ces deux Ă©tudes associaient la prĂ©valence des rhumes Ă la quantitĂ© dâalcool consommĂ©, sans tenir compte de la frĂ©quence de cette consommation. En 2012, des chercheurs japonais sont arrivĂ©s Ă la conclusion que la consommation frĂ©quente dâalcool serait associĂ©e Ă une diminution des rhumes. Dans leur cas toutefois, leurs sujets consommaient plus de biĂšre et de spiritueux que de vin.
Dans tous les cas, il faut rappeler que la plupart des mĂ©decins sâentendent sur le fait quâune consommation Ă©levĂ©e dâalcool peut avoir des effets nĂ©gatifs sur la santĂ©.
Verdict
Lâalcool contenu dans les boissons alcoolisĂ©es ne peut pas tuer les microbes responsables du rhume ou de la grippe. Un dĂ©bat se poursuit quant Ă la possibilitĂ© quâil rĂ©duise le risque de dĂ©velopper des symptĂŽmes, mais les Ă©tudes sont peu nombreuses et mĂȘme ceux qui dĂ©fendent cette hypothĂšse admettent que le mĂ©canisme est encore mal compris.