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Adult Time: le «Netflix de la porno» prend ses quartiers à Montréal

«Imaginez Game of Thrones avec de vraies scènes de sexe. C’est ce que tout le monde a envie de voir!»
Koga Photo

Place forte de l’industrie du XXX depuis une vingtaine d’années, la métropole a accueilli un nouveau joueur répondant au doux nom d’Adult Time. Cette nouvelle plateforme payante, qui compte déjà plus de 100 000 abonnés, propose de visionner des films et autres séries pour adultes moyennant 19,95$ par mois et compte concurrencer les tubes gratuits tels Pornhub et YouPorn.

«Les gens sont prêts à payer pour de la porno, à condition qu’on leur offre du contenu de qualité», assure Bree Mills, rencontrée par le HuffPost Québec autour d’un café dans l’arrondissement Saint-Laurent. La réalisatrice et productrice américaine de 38 ans - qui partage son temps entre ses bureaux à Montréal et son domicile à Los Angeles - a lancé Adult Time à la fin de l’année dernière avec la ferme intention de révolutionner une industrie aujourd’hui largement dominée par les plateformes gratuites d’hébergement de vidéos.

Du cul et des algorithmes

«Avec Adult Time, on ne veut pas faire de la porno», précise Mills, qui n’a pas caché par le passé son admiration pour des cinéastes comme David Fincher ou Michael Mann. «On veut faire des séries, des films, des documentaires, tout ce qu’on pourrait retrouver sur un site de streaming grand public, mais avec du sexe en plus. Imagine Game of Thrones avec de vraies scènes de sexe. C’est ce que tout le monde a envie de voir!»

Présentée comme le «Netflix de la porno», Adult Time s’appuie à la fois sur des productions à gros budgets et des algorithmes chargés de mieux cerner les désirs et fantasmes de ses abonnés. «J’ai toujours été fascinée par les principes d’ingénierie derrière les sites de streaming comme Netflix, explique Mills. L’idée était de ramener tous les contenus que l’on tourne sous un même toit, et d’utiliser les technologies et outils dont se servent les sites de streaming grand public pour pouvoir étudier et comprendre ce que les gens regardent.»

En étant basé à Montréal, Adult Time vient chasser sur les terres de MindGeek, la nébuleuse compagnie du boulevard Décarie qui héberge en toute discrétion une multitude de sites, tels YouPorn et Pornhub, et dont les revenus se chiffrent en centaines de millions de dollars. Mais à l’inverse du premier diffuseur de porno au monde, Bree Mills entend privilégier la qualité sur la quantité, tout en espérant arriver à un million d’abonnés payants actifs d’ici quelque temps.

Adult Time

Rendre à la porno sa grandeur

«Aujourd’hui, le plus gros de l’industrie pour adultes ne cherche pas à produire du contenu de qualité, mais surtout à générer du trafic et de la publicité», confie la réalisatrice, qui a d’abord fait ses armes au département marketing de Gamma, autre géant de l’industrie implanté à Montréal, boulevard de la Côte-Vertu. «En lançant Adult Time, je voulais retrouver une qualité de production semblable à celle qu’on pouvait avoir dans cette industrie avant l’arrivée d’Internet. Pourquoi ne pas utiliser les technologies d’aujourd’hui pour revenir à l’âge d’or de la porno? Ce n’est pas parce qu’on fait une série pour adultes qu’on ne doit pas faire une bonne série.»

Pour engendrer du «contenu de qualité», la réalisatrice et productrice s’échine à développer des scénarios et des personnages travaillés. «Les gens sont choqués de voir que les performers pour adultes peuvent aussi être de très bons comédiens, dit-elle. Bien sûr qu’ils sont bons, c’est juste qu’ils n’ont pas souvent l’opportunité de montrer leur talent, parce qu’on leur donne des scénarios bidons. Leur offrir des rôles intéressants avec une profondeur dramatique est aussi un bon moyen de lutter contre la stigmatisation qu’ils subissent. Ce ne sont pas juste des objets sexuels, ce sont des personnes avec du talent, de vrais comédiens.»

La beauté sous toutes ses formes

Adult Time propose, par ailleurs, une grande variété de productions à l’esthétique soignée. On y trouve les plus gros succès des studios Girlsway, spécialisé dans le sexe lesbien, et Pure Taboo, focalisé sur le «fauxcest» (le faux inceste), mais aussi de nouvelles séries originales comme Shape of Beauty dont Mills a tourné le premier épisode à Montréal avec l’acteur québécois Alex Duca et la star du porno aux formes généreuses Karla Lane.

«Je voulais créer une série qui souligne la beauté de ces modèles grandes tailles comme Karla Lane, Sofia Rose, Mazzaratie Monica et Alexa Grey, qui peuvent être sexy, cool, et pleines d’assurance», explique Bree Mills. En plus de mettre en valeur des actrices souvent victimes de «body-shaming», la réalisatrice a également lancé une autre série dédiée aux femmes d’âge mur, Age & Beauty.

Le Black Mirror du sexe

«Les femmes de plus de 50 ans sont généralement rejetées par le monde du porno, déplore Mills. Dans ce monde-là, quand tu as plus de 25 ans, tu es une MILF, alors quand tu passes la cinquantaine, on te voit comme une arrière-grand-mère! Tu te retrouves complètement marginalisée par cette industrie qui est profondément âgiste».
Le «Netflix du porno» peut aussi, et surtout, se targuer d’avoir son propre Black Mirror. Conçue comme une série de science-fiction pour adultes et un dérivé érotique de la fameuse création de Charlie Brooker, Future Darkly explore, entre autres perversités, les déviances de la sexualité 2.0. L’occasion notamment pour Bree Mills de diriger un sulfureux plan à trois avec un sexbot en silicone et les pornstars Whitney Wright et Tommy Pistol. Si elle a beaucoup fait jaser, cette séquence n’a pas manqué de bousculer les codes bien établis du triolisme dans l’histoire du X. Et si finalement l’industrie du porno trouvait son salut dans les algorithmes et les robots?

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