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Adoption: mon parcours pour retrouver mes parents biologiques

Je voulais dire à ma mère de ne pas se sentir coupable, que je n'ai pas été malheureuse dans la vie et que je n’ai manqué de rien. Je voulais qu’elle sache que le choix qu'elle a fait, c'était celui à faire à ce moment-là.

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

Je suis née en 1970, vers la fin de l’époque des crèches au Québec. J’ai été adoptée alors que je n’avais que quelques semaines. Ma mère adoptive, en raison de problèmes de fertilité, s’était fait dire de ne pas compter sur la nature pour tomber enceinte. Je suis arrivée dans ma famille adoptive comme un cadeau. D’ailleurs, ma mère est finalement tombée enceinte de ma soeur Annie quelques mois après que je sois arrivée à la maison.

J’ai toujours été considérée d’égale à égale avec ma demi-soeur. Annie et moi, on était considérées comme de vraies soeurs. On était toujours habillées et coiffées de la même manière! Encore aujourd’hui, elle travaille dans un lieu public et ses collègues de travail me reconnaissent comme étant sa soeur lorsqu’ils me voient. Ce n’est d’ailleurs pas tout le monde qui sait que j’ai été adoptée.

Annie et moi, on était considérées comme de vraies soeurs. On était toujours habillées et coiffées de la même manière!
Courtoisie/Linda Courchesne
Annie et moi, on était considérées comme de vraies soeurs. On était toujours habillées et coiffées de la même manière!

En grandissant, c’est comme si je n’ai jamais eu à apprendre que j’ai été adoptée. J’ai eu des informations petit à petit, au fil du temps. Vers l’âge de 10 ans, ma mère nous a remis, à ma soeur et moi, notre petit livre de bébé respectif. On le regardait une à côté de l’autre et on comparait ce qui était écrit. Pour moi, le mot adoption, ce n’était pas péjoratif, c’est comme si ça faisait partie du quotidien.

À l’âge de 14 ans, j’ai appris que ma mère biologique avait elle-même 14 ans quand elle m’a mise au monde. Ça m’a permis de comprendre que ma mère biologique n’aurait pas pu être mère et m’élever à cet âge-là. À l’époque, je ne me posais pas de questions à savoir si j’étais venue au monde dans un contexte d’inceste ou à la suite d’un viol. Ces questions-là, elles sont venues plus tard...

J’ai su que ma mère a grandi dans une famille dysfonctionnelle. Après avoir accouché, elle ne m’a pas gardée, elle n’avait pas le choix. Ma mère biologique a dû m’abandonner, tandis que mes parents adoptifs, eux, voulaient un enfant et n’y arrivaient pas, puis je suis arrivée dans leur vie comme un événement heureux.

Connaître mes origines

C’est quand je suis tombée enceinte de mon fils, en 1994, que j’ai voulu faire des recherches concrètes. Je m’apprêtais à devenir mère et ça a soulevé des choses à l’intérieur de moi. J’ai tenté d’avoir accès à mon baptistaire à ce moment-là, mais on a refusé ma demande étant donné que j’avais été adoptée. J’ai aussi passé une petite annonce dans le journal de ma région, mais je n’ai eu aucune nouvelle.

En 2015, je vivais une séparation difficile et j’ai fait une dépression. Durant cette période-là, ma mère m’a appelée un jour pour me dire de passer la voir. Elle m’a donné une enveloppe dans laquelle il y avait mes papiers d’adoption. J’avais alors accès à des informations sur mes parents biologiques, mais pas suffisamment pour les retrouver.

“Ce qui était d’abord une curiosité devenait plus viscéral.”

En 2018, j’apprenais que la loi sur la recherche des origines allait être modifiée et que je pourrais faire mes démarches pour possiblement connaître l’identité de mes parents. J’ai pu avoir l’aide d’une intervenante pour m’aider dans le processus. J’avais envie de savoir qui était ma mère et ce qui s’était passé pour qu’elle tombe enceinte et qu’elle me donne en adoption. Ce qui était d’abord une curiosité devenait plus viscéral.

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L’intervenante m’a rapidement appelée après que j’aie entrepris mes démarches pour me dire qu’on avait retrouvé ma mère, qu’elle était toujours en vie et qu’on avait ses coordonnées postales. J’ai alors su que ma mère biologique habitait aujourd’hui à Trois-Rivières, alors que moi je ne suis pas très loin, à Shawinigan. L’intervenante qui m’aidait lui a écrit une lettre lui demander de l’appeler pour un dossier qui la concerne. La lettre ne contenait que mon année de naissance, mais pas plus d’informations sur la nature de la demande.

“J’apprenais tout en même temps: que ma mère est en vie, et que j’ai une demi-soeur.”

J’ai su par après que la première chose que ma mère a faite quand elle a ouvert la lettre, c’est d’appeler sa fille (ma demi-soeur) Annie - elle a le même nom que ma demi-soeur de ma famille adoptive! - en disant: «Ma fille me cherche.» J’ai pleuré quand j’ai su ça. Pour moi, ça vaut beaucoup. Ma mère biologique a dit qu’elle voulait me rencontrer, en présence de sa fille, ce que j’ai accepté.

Une nouvelle famille

Tout comme moi qui ai su à 14 ans que ma mère m’avait eu à cet âge-là, c’est aussi à 14 ans que ma demi-soeur a su que j’existais. J’ai su que malgré les événements, malgré que c’était une grossesse cachée, je n’étais pas un mauvais souvenir à ses yeux. Quand j’ai su que ma mère était vivante mais très malade, je me suis dit que oui, j’avais réussi à la retrouver, mais il est minuit moins une... Pour moi, tout ça a été très gros. J’apprenais tout en même temps: que ma mère est en vie, et que j’ai une demi-soeur.

Je voulais dire à ma mère de ne pas se sentir coupable, que je n’ai pas été malheureuse dans la vie et que je n’ai manqué de rien. Je voulais qu’elle sache que le choix qu’elle a fait, c’était celui à faire à ce moment-là. Avant de la rencontrer, j’essayais de ne pas avoir d’attentes. Je savais que ça se pouvait qu’on ne se revoit plus pour différentes raisons et que j’aurais peut-être un deuil à faire. C’était une possibilité.

Ma demi-soeur Annie, ma mère et moi lors de notre première rencontre.
Courtoisie/Linda Courchesne
Ma demi-soeur Annie, ma mère et moi lors de notre première rencontre.

Ma mère, ma demi-soeur et moi, on s’est rencontrées pour la première fois en octobre dernier. Quand j’ai vu ma soeur, je me suis vue. On se ressemble, c’est fou. C’est vraiment spécial de me reconnaître dans quelqu’un d’autre que mon fils.

Notre première rencontre a duré plus de deux heures. J’ai fait une grosse accolade à ma mère. Après cette rencontre, je n’ai pas été capable de retourner travailler. C’était beaucoup d’émotions pour moi. Le plus important, c’est qu’on voulait toutes les trois se revoir. J’ai surtout gardé contact avec ma demi-soeur les semaines suivantes, et j’ai vraiment su que pour ma mère, il n’en restait pas pour longtemps.

Ma mère m’a raconté plus tard que mon père avait 17 ans quand elle est tombée enceinte, que ça avait été une histoire d’un soir et qu’elle ne l’avait pas revu après. J’ai fait des démarches pour retrouver mon père. Je l’ai trouvé par moi-même sur Facebook et je lui ai écrit. Il m’a répondu: «Je ne veux rien savoir, ne me harcèle pas et n’harcèle pas ma famille.» J’ai eu beaucoup de peine au début. Mais avec le temps, je me dis qu’il n’avait peut-être jamais parlé de cet événement à personne et que s’il ne veut pas me connaître, je ne pense pas que je manque grand-chose...

Ma soeur et ma mère biologiques habitent près de chez moi. On se voit, on s’appelle, on s’écrit. La connexion s’est faite tout de suite et on s’est rapidement présenté nos familles. La deuxième fois qu’on s’est vues, elle m’a dit qu’elle était rassurée de savoir que sa fille ne serait pas toute seule dans la vie. C’est dommage d’avoir retrouvé ma mère pour la perdre bientôt.

Chaque fois que je vois ma mère, elle me raconte de nouvelles choses sur sa vie. Et chaque fois qu’on se voit, je lui dis que je l’aime et que je suis heureuse de l’avoir retrouvée. D’un autre côté, je dois faire le deuil de ne pas connaître mon père. Au début, j’étais fâchée, j’avais de la peine, j’étais déçue. Maintenant, je me dis que j’ai réussi ma vie, je suis heureuse et lui, il a peut-être été heureux sans moi aussi.

J’ai fait le choix de me concentrer sur le bon côté. Je voulais savoir d’où je venais et ma mère a répondu à possiblement 99% de mes questions, parce que c’est elle qui m’a mise au monde, c’est elle qui a dû cacher sa grossesse, qui a dû vivre la grosse séparation.

Je trouve que ces retrouvailles arrivent dans un bon moment de ma vie. Je suis vraiment chanceuse. Je reconnais que les planètes se sont alignées rapidement pour moi. Certaines personnes adoptées l’apprennent tellement tard dans leur vie ou ne retrouvent jamais leurs parents biologiques.

Je ne veux pas vivre les moments avec ma mère en mode rattrapage. Je veux les vivre intensément, au moment présent.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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