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La COVID-19 empêche des parents de rencontrer leur enfant adoptif

«Je demande à M. Legault de laisser les familles aller chercher leur enfant», lance Mona Laflamme, qui attend depuis près d'un an de rencontrer son fils adoptif.

Après plus de neuf mois d’attente, Anne-Marie Morel s’apprêtait à aller chercher son fils adoptif aux Philippines lorsque la COVID-19 a fait dérailler ses plans. Le lundi 16 mars, le Secrétariat à l’adoption internationale du Québec (SAI) a suspendu tous les déplacements des familles adoptives dans le pays d’origine de leur enfant.

Trois jours plus tôt, Mme Morel avait finalement reçu le passeport de son fils, Liam. «On était prêt à partir, mais ça a été interrompu», raconte celle qui est aussi présidente de la Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ). Elle n’a maintenant aucune idée de quand elle pourra rencontrer son troisième enfant.

«Tous les jours, mon fils de quatre ans demande où est son petit frère. Est-ce que la maladie le touche? Est-ce qu’il s’en vient bientôt?»

Autant de questions auxquelles elle ne peut pas répondre, puisqu’elle est sans nouvelles de l’état de santé de son fils de deux ans et demi, très fragile aux infections et donc à risque de complications s’il devait contracter la COVID-19 aux Philippines.

Anne-Marie Morel n'a vu que deux photos de son fils à ce jour: celle-ci et sa photo de passeport.
Courtoisie
Anne-Marie Morel n'a vu que deux photos de son fils à ce jour: celle-ci et sa photo de passeport.

La famille d’Anne-Marie Morel n’est pas la seule que la pandémie a plongé dans l’incertitude. Selon le SAI, les procédures d’adoption et d’obtention de statut canadien sont complétées pour quatre enfants, qui attendent maintenant que leurs parents québécois viennent les chercher.

Un nombre qui n’inclut pas les parents comme Mona Laflamme et son conjoint, qui devaient faire un premier voyage en Corée du Sud en juin afin d’obtenir un jugement d’adoption pour leur fils de 17 mois, une exigence particulière de ce pays.

Normalement, les parents retournent chercher leur enfant dans un délai de quelques semaines à trois mois. Interdits de déplacement, Mme Laflamme et son conjoint ignorent quand ils pourront obtenir le jugement. Sans compter qu’une éventuelle deuxième vague de contaminations - au Québec ou en Corée du Sud - pourrait ensuite retarder leur deuxième voyage.

«On ne sait pas ce qui va arriver. On veut continuer à aller le chercher et on a hâte, mais en même temps... On n’est pas sûr de voir une issue», désespère Mme Laflamme.

Des impacts réels

«Ce qui est unanime chez les familles qui m’ont contactée, c’est vraiment l’inquiétude et l’incertitude», résume Anne-Marie Morel.

Au-delà de la difficulté pour les parents de vivre dans l’attente de rencontrer leur enfant, les délais supplémentaires dans le processus d’adoption ont des impacts non négligeables sur les tout-petits.

«Notre enfant vieillit pendant ce temps-là, il est rendu à 17 mois. On sait que plus tard on va le chercher, plus il va avoir des défis d’attachement», souligne Mme Laflamme. Travailleuse sociale en petite enfance dans le réseau public, elle comprend très bien l’impact que ces délais peuvent avoir sur le développement de son fils.

«Je sais que ça va avoir un impact sur sa relation d’attachement avec nous», dit-elle. «Et ça va avoir un impact toute sa vie sur la façon dont il interagit avec les autres, sur comment il se développe, comment il réussit à l’école. J’ai le souci du temps qui passe.»

D’autant plus que le processus d’adoption internationale pour les familles québécoises s’allongeait déjà avant la pandémie. «Quand j’ai adopté ma fille [en 2010], ça prenait environ trois mois et on était réuni. Là aujourd’hui, c’est pas rare que ça prenne plus de six mois, plus de neuf mois», déplore Anne-Marie Morel. Ces délais, que la FPAQ n’est pas en mesure d’expliquer, se sont particulièrement exacerbés depuis environ un an, note-t-elle.

C'est la deuxième fois qu'Anne-Marie Morel et son conjoint vivent le processus d'adoption internationale.
Courtoisie
C'est la deuxième fois qu'Anne-Marie Morel et son conjoint vivent le processus d'adoption internationale.

De son côté, Mona Laflamme implore le gouvernement de prendre en compte les impacts sur le développement des enfants alors que la province entame le déconfinement. «Je demande à M. Legault de considérer le plus tôt possible de laisser les familles québécoises aller chercher leur enfant, tout en prenant des mesures de sécurité», supplie-t-elle.

Sa famille et elle s’engagent à respecter la quarantaine obligatoire à leur arrivée en Corée, ainsi qu’à leur retour au Québec, si on leur accorde le droit de voyager. «Je me dis que je ne mettrais personne à risque. Mais ça, c’est sûr que c’est ma vision parce que j’ai un enfant qui m’attend là-bas.»

Mais le Québec n’est qu’une pièce dans l’engrenage complexe de l’adoption internationale.

«Outre les conditions de santé publique et des mesures appliquées au Québec, la situation dans l’État d’origine des enfants devra aussi être considérée», écrit Marie-Claude Lacasse, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dans un courriel au HuffPost Québec. Le Secrétariat à l’adoption internationale est sous la responsabilité du MSSS.

«Certains pays ont fermé leurs frontières aux étrangers alors que d’autres limitent l’accès à leur territoire aux circonstances exceptionnelles», souligne Mme Lacasse.

Pour dénouer l’impasse, le SAI dit explorer «différentes options pour les enfants qui ont fait l’objet de décisions finales dans leur pays et ont obtenu un statut permanent», comme le fils d’Anne-Marie Morel.

L’option de permettre aux enfants d’être escortés par une tierce partie est «envisagée», affirme Mme Lacasse. C’est la stratégie qui avait été préconisée par Haïti à la fin mars, lorsque la pandémie de COVID-19 commençait à prendre de l’ampleur. Le 29 mars, cinq orphelins haïtiens ont pu prendre l’un des derniers vols d’Air Transat vers Montréal afin de rejoindre leur famille adoptive plus tôt que prévu.

Une telle escorte requiert toutefois «plusieurs conditions» pour se réaliser: il faut notamment trouver une personne de confiance pour accompagner l’enfant, obtenir l’accord du pays d’origine et organiser les aspects logistiques d’un tel déplacement.

Malgré tout, Anne-Marie Morel garde espoir de rencontrer Liam bientôt, même si elle sait très bien que les circonstances ne seront pas celles qu’elle a imaginées. «Ça fait longtemps qu’on a mis derrière nous le rêve, les belles histoires que l’on voit quand on rencontre notre enfant, le sourire. On sait très bien que la rencontre se fera masqués de part et d’autre, au minimum.»

«Il faut comprendre que quand on adopte un enfant, on est un étranger complet pour lui», rappelle-t-elle. «Donc déjà c’est un bouleversement et [les mesures de sécurité] vont complexifier la tâche de le rassurer.»

Mais comme beaucoup d’autres parents adoptants, elle est prête à se plier à toutes les exigences des autorités pour enfin ramener le petit Liam à la maison. Elle souhaiterait simplement savoir quand ce sera possible.

«C’est de ne pas savoir qui est le plus difficile, d’attendre une date. Surtout pour les familles qui avaient eu cette date et pour qui cette date a été effacée.»

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