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Les accords de «libre-échange» sont une attaque contre la démocratie et les droits humains

Pour les porte-parole des organismes représentés, ces accords ne visent pas réellement à améliorer le commerce entre les pays, mais seraient plutôt des traités donnant de nouveaux droits spéciaux aux corporations, au détriment des droits démocratiques des peuples.
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Au premier jour du Forum social des peuples, le 21 août sur le campus de l'université d'Ottawa, une des centaines d'activités était une conférence sur un sujet d'actualité : l'accord dit de « libre-échange » entre le Canada et l'Union européenne. On pouvait y entendre six représentant-es d'organismes citoyens d'envergure provinciale, fédérale et internationale, dont trois sont du Québec.

Pour les porte-parole des organismes représentés, ces accords ne visent pas réellement à améliorer le commerce entre les pays, mais seraient plutôt des traités donnant de nouveaux droits spéciaux aux corporations, au détriment des droits démocratiques des peuples.

De nombreux accords pour nous fermer le clapet

Larry Brown (National Union of Public and General Employees, NUPGE) souhaite que les gens sachent que les accords de « libre-échange » incluent généralement le principe dit du clapet qui interdit aux gouvernements de rendre public un service ou un secteur économique une fois que ce dernier a été privatisé. L'accord de « libre-échange » entre le Canada et l'Union européenne contiendrait ce principe où, par exemple, une municipalité perdrait le droit de rendre public son service d'eau courante si ce service est privatisé pendant que l'accord est en vigueur. Si un conseil municipal ou un gouvernement change d'avis au sujet d'un service privatisé, une corporation ou un investisseur peut alors traduire les autorités devant un tribunal spécial pour « perte de profits ». Les démocraties n'auraient pas le droit, selon ces accords, de revenir en arrière, à moins d'assumer les coûts élevés des poursuites et des compensations à payer aux corporations.

Ces accords permettent aux corporations ou aux investisseurs de poursuivre si des lois nuisent à leurs entreprises. Les mouvements sociaux estiment que des lois légitimes, pour protéger notre environnement ou notre santé, entre autres, peuvent tomber sous ses poursuites. M. Brown prend l'exemple récent de la compagnie Lone Pine (États-Unis) qui veut exploiter le gaz de schiste sous le fleuve Saint-Laurent, qui a poursuivi (en vertu de l'ALÉNA) le Québec étant donné le moratoire sur ce type d'activité.

M. Brown fait remarquer que plusieurs accords de type « libre-échange » sont en train d'être produits à travers le monde : un entre le Canada et l'Union européenne (AÉCG/CETA), un pour les régions de l'Asie et du Pacifique (TPP) et un autre entre les États-Unis et l'Union européenne.

Des accords qu'il faut garder secrets jusqu'au dernier moment

Scott Harris (Trade Justice Network) dénonce les processus jugés antidémocratiques. Il fait valoir que les négociations de ces accords n'accordent strictement aucune participation citoyenne. En fait, même les député-es fédéraux sont exclus des négociations et sont maintenus le plus loin possible des textes. Certaines des corporations intéressées auraient reçu des informations privilégiées selon M. Harris.

« Ils ont réalisé que plus les gens ont accès aux textes de ce type d'accord, plus les gens les critiquent et les dénoncent », analyse Scott Harris. Sans l'accès aux textes, les mouvements sociaux émettaient de nombreuses hypothèses sans pouvoir en faire la preuve. Dans le cas de l'accord entre le Canada et l'Union européenne, les textes ont été rendus disponibles par la dissidence d'un fonctionnaire anonyme. Cette fuite est très récente et les organismes citoyens, en particulier les syndicats, en font présentement l'analyse.

Pendant qu'ils se donnent des droits, les droits humains...

Pour Alexa Conradi (Fédération des femmes du Québec), « ces accords commerciaux font partie d'un capitalisme mondialisé, or le capitalisme a des impacts négatifs sur les femmes et aussi sur les personnes marginalisées ». Si ces accords augmentent l'injustice entre les pays, surtout dans les pays du tiers-monde, ce sont les femmes et leur famille qui écopent davantage. Le contexte d'une compétition internationale injuste génère plus de violence, de militarisation et d'oppression. « Je ne dis pas que ces accords causent directement ces choses, mais ils font partie de ce contexte injuste et violent », ajoute-t-elle.

Jacques Létourneau (CSN) y est allé d'un exemple évocateur : « comme le disait Dorval Brunelle (Centre d'études sur l'intégration et la mondialisation, UQÀM), s'il s'agissait d'augmenter l'importation de vins chiliens et d'augmenter l'exportation de notre sirop d'érable, il n'y aurait pas de problème. Sauf que ce n'est pas l'objet de ces accords, qui donnent plutôt des droits aux riches investisseurs ». M. Létourneau ajoute, « j'aimerais voir une personne nous démontrer que le respect des droits humains s'est amélioré depuis les accords de libre-échange. La détérioration des droits humains des populations est assez flagrante.»

Jacques Létourneau rappelle que les organismes de défense des droits demandent, depuis toujours, la primauté des droits humains sur les accords ou traités. M. Létourneau a toutefois une bonne nouvelle : il semblerait que le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies espère donner aux droits humains un poids juridique équivalent au poids juridique des traités commerciaux.

Dans ce déséquilibre des droits, Alexa Conradi trouve intéressant que les droits de la nature sont désormais reconnus par deux Constitutions, celles de la Bolivie et de l'Équateur.

Les peuples, peuvent-ils gagner ?

À cette question, Scott Harris constate que plusieurs États ont refusé de tels accords. Le Conseil des Canadiens, un organisme altermondialiste réputé, est fier que près de 80 municipalités ontariennes exigent de ne pas être incluses, sans leur consentement explicite, dans l'accord de libre-échange avec l'Union européenne.

Selon ces conférencier-ières, si les mécanismes antidémocratiques sont exposés ou présentés au public, ces accords ne passeront pas, pourvu qu'une lutte citoyenne soit menée toutefois.

Pierre-Yves Serinet (Réseau québécois sur l'intégration continentale) conclut qu'il faut créer des espaces pour que les divers peuples du Canada et du Québec puissent lutter ensemble contre ces accords et puissent concevoir des alternatives.

Ce même jour au Forum social des peuples, le discours de Naomi Klein, auteure altermondialiste très connue, offrait une bonne suite à cette conférence. Voici un résumé francophone de son message.

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