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Accompagner un parent atteint de la maladie d'Alzheimer

Accompagner un parent en fin de vie est un moment intense, particulier, douloureux et sacré qui nous resitue face à notre temporalité, et souvent bouleverse l'équilibre familial.
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Accompagner un parent en fin de vie est un moment intense, particulier, douloureux et sacré qui nous resitue face à notre temporalité, et souvent bouleverse l'équilibre familial.

Les rôles sont inversés. Le parent autrefois tout puissant devient l'enfant à protéger, à couvrir, à nourrir. Les défenses s'amenuisent chez les parties en jeu. Il faut à l'aidant rencontrer en lui des ressources insoupçonnées jusqu'alors, pour permettre au parent sur le départ de s'en aller apaisé.

C'est l'opportunité également de partager, exprimer ce qui avait été laissé de côté, dans un parler vrai, afin de ne pas laisser l'inachevé ternir les souvenirs.

Le «non terminé» laisse une empreinte dans notre psychisme, porteur de pressions qui souvent empêchent le deuil de se faire. Celui-ci devient alors interminable, voire même pathologique.

Accompagner un parent étiqueté d'Alzheimer est un processus semblable, mais ô combien différent, engendrant des problèmes spécifiques et un désarroi majeur. Les difficultés de communication déstabilisent les relations en place. La parole véhiculée par la conscience n'occupe plus la même place dans l'échange. Nous sommes ici dans une situation paradoxale. L'intelligence souvent intacte ne parvient plus à fonctionner dans la «normalité». L'entourage et le parent atteint vont se retrouver dans une sorte de communication erratique. Les codes se transforment. Aménager un nouveau mode d'être à l'ascendant devient urgent. Souvent, le découragement et l'impuissance se conjuguent, et l'aidant a besoin lui aussi d'être accompagné par un tiers pour déposer son propre mal-être face au devenir familial embrumé.

Cette maladie neurodégénérative, irréversible, apparaît de façon sournoise. Des signes précurseurs sonnent l'alerte, souvent occultés par l'entourage effrayé par le diagnostic d'une mort psychique qui va révolutionner l'écologie quotidienne dans son fonctionnement. On remet à plus tard l'épreuve de la sentence médicale, on banalise les symptômes récurrents.

Face au changement inéluctable, et pour composer avec ce qui se met en place, cinq phases vont se vivre, inspirées des étapes sur le processus du deuil observées par la psychiatre américaine Elisabeth Kübler-Ross, pionnière de l'accompagnement des mourants,

Ces cinq stades à l'œuvre dans tout bouleversement de vie : maladie, divorce, deuil, peuvent survenir dans un ordre différent.

Lors de la confirmation du diagnostic, le choc, tel un tsunami, frappe très fort. Le patient et sa famille sont foudroyés.

  • Dans un déni de la réalité, les proches, mais aussi le malade, sont confrontés à une situation qu'ils peuvent refuser d'accepter. La vie se poursuit comme auparavant... On fait «comme si».
  • Puis, cette phase de choc ou de déni passée, un temps se vit, durant lequel le changement est considéré comme absurde, injuste. On y réagit violemment par de la révolte. Pourquoi lui, pourquoi elle, pourquoi moi?
  • Puis, peu à peu, on négocie avec cette situation irréversible. Comment trouver un arrangement avec le changement, comment se projeter dans un avenir différent? De nouveaux comportements doivent se mettre en place, nécessaires au bien-être du malade et de l'entourage.
  • C'est un temps qui semble très long, insurmontable. Une phase dépressive s'ensuit, plus ou moins longue et, peu à peu, face à cette situation d'accompagnement, une réflexion intérieure se fait jour. Il va falloir opérer un changement personnel, se «repenser» pour continuer à fonctionner.
  • Enfin, c'est l'acceptation de cette nouvelle tranche de vie, avec les mutations que cela implique. Tout est à réorganiser, tant sur un plan pratique que psychologique.

La famille éprouvée face à cet électrochoc doit impérativement se faire aider pour lui permettre d'avancer. Ce n'est pas la fin de la vie, mais la fin d'une vie aux jalons bien posés, avec ses habitudes, ses codes, ses principes.

À cette maladie terrible peuvent se surajouter d'autres pathologies organiques. On ne meurt pas de la maladie d'Alzheimer, mais d'autres maux connexes.

Le parent vit une agonie interminable dans son corps et sa psyché.

Il serait souhaitable de ne pas privilégier le respect d'un principe, celui de maintenir en vie une personne qui souhaite partir.

Or, on demande souvent au patient de s'accrocher, dans la douleur et l'absence!

Le père d'Ariane, l'héroïne de mon livre, «Mon père au loin», crie ces mots bouleversants dans un moment déchirant de lucidité : «Mon cerveau, c'est du fromage mou, si j'avais du courage, je me balancerais des quatre étages, je suis devenu une loque».

Puissions-nous bientôt offrir au malade la possibilité de partir dans la dignité, lorsqu'il est prêt, et son désir irrévocable. Lorsque la médecine, impuissante, a terminé son travail souverain.

Quel bonheur alors, malgré le chagrin, de pouvoir dire : tout s'est bien passé. Tout s'est passé au mieux.

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