Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Pourquoi est ce qu'on préfère prendre la même chose que les autres au restaurant

Nos choix alimentaires sont très souvent influencés par les autres. La théorie du restaurant démontre que chaque convive adapte sa préférence initiale (ce qu'il aurait spontanément commandé s'il avait été seul) au moment de la commande des plats au restaurant, en fonction de son objectif vis-à-vis du groupe.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

L'influence des autres sur nos choix....

Avez-vous remarqué comment nos choix en tant qu'individu peuvent être influencés par l'appartenance à un groupe? Dans tous les domaines de la vie, nos préférences individuelles sont parfois mises de côté pour la simple (et bonne?) raison que, face à la pression (souvent inconsciente) du groupe, un individu préfère souvent imiter le groupe (au risque de se tromper et/ou de s'oublier) plutôt que faire bande à part (et avoir raison tout seul). Evidemment si l'on est un tant soit peu honnête, les situations où le groupe "décide" pour nous sont légion! Intérêt pour la cuisine thérapie oblige, regardons ici de plus près comment les autres impactent notre façon de manger.

Nos choix alimentaires sont en effet très souvent influencés par les autres. La théorie du restaurant, brillamment explicitée dans cet article, démontre que chaque convive adapte sa préférence initiale (ce qu'il aurait spontanément commandé s'il avait été seul) au moment de la commande des plats au restaurant, en fonction de son objectif vis-à-vis du groupe. Que l'on veuille prioritairement:

  • s'intégrer au groupe (et donc faire comme tout le monde),
  • ou au contraire se distinguer absolument de ce que font les autres,
  • commander son plat habituel pour éviter à tout prix la déception,
  • ou au contraire privilégier le fait de tester un truc nouveau,

peut nous amener à nous éloigner de nos préférences individuelles et à adapter notre commande!

Cette influence des autres sur nos prises alimentaires, c'est ce qu'on appelle le modelage. Et à bien y regarder, cela arrive bien plus souvent qu'on ne le croit. Nos voisins de table inspirent ainsi directement nos choix de plats, quand on n'attend pas tout bonnement qu'ils se soient positionnés avant de s'exprimer à notre tour. Avouez, cela vous est déjà arrivé, alors que toutes les têtes sont plongées avec concentration dans la carte, d'être la petite voix qui interroge timidement (ou l'air de ne pas y toucher) "vous faites quoi, vous prenez le menu?". Et souvent, sans doute parce qu'on a toujours peur d'être exclu du groupe, on fait comme eux, rejouant ainsi un réflexe primitif ! Rassurez-vous, c'est humain, on fonctionne souvent comme ça, et l'on est souvent plus heureux de son plat quand on a fait un choix similaire à celui des autres convives.

Une étude américaine récente établit même que consommer la même nourriture que des personnes qui nous sont étrangères incitait à la coopération, rien que ça! On se sentirait plus proche et plus enclin à faire confiance à quelqu'un qui mange comme nous. Voire même, des points communs dans les préférences alimentaires pourraient augmenter l'attraction ressentie vis-à-vis d'une personne que l'on vient de rencontrer. A bien y réfléchir, c'est d'ailleurs le postulat des sites de rencontre qui permettent d'entrer en relation (de sélectionner? de discriminer ?) sur la base des régimes alimentaires (Steamsurfing ou Glut'aime pour ne citer qu'eux). Evidemment, manger pareil ne dit rien sur la capacité de deux personnes à s'entendre sur le long terme (même si l'on a tendance à projeter que c'est un bon point de départ!), mais cela rassure, a fortiori quand on a peu d'information sur l'autre et que l'on en est au stade des premières impressions.

D'où vient cette tendance à faire comme l'autre?

La raison est simple: en calquant notre choix sur celui des autres, on marque inconsciemment notre souhait de nous intégrer au groupe, de faire corps avec lui. Manger comme l'autre nous invite à l'accueillir et à accepter ce qu'il est. Pour le Professeur Jean Trémolières, considéré comme l'un des pères de la nutrition moderne en France, "on n'est ami que quand on a mangé ensemble", au sens où l'on a partagé la même nourriture. Il est d'ailleurs malvenu (voire offensant) de refuser un mets local lorsqu'on est invité par des hôtes à l'étranger, même si leur culture gastronomique est très différente de la nôtre. Par une sorte de mimétisme au restaurant, on rejoue "la parenté par la bouillie" chère au sociologue Jean-Claude Kaupfmann, à savoir l'acte de se retrouver ensemble pour manger et partager quelque chose d'essentiel, ce moment de communion par lequel la tablée incorpore la nourriture et par là socialise.

Autre explication à notre tendance à faire comme les autres, le besoin de se rassurer. Très souvent en effet, faire différemment est appréhendé comme une prise de risque. Sortir des sentiers battus en essayant un plat nouveau plutôt que la sempiternelle et classique spécialité de la maison, c'est prendre le risque de se tromper et d'être déçu. Quitte à se tromper, autant alors ne pas être seul et faire confiance à la majorité! A noter, cette aversion au risque nous pousse bien souvent à rester dans nos habitudes et à reproduire les mêmes expériences gustatives dans certains restaurants. Voire, avouons-le, à tourner sur quelques établissements testés et approuvés, sans s'aventurer ailleurs!

Prendre comme les autres, c'est aussi parfois l'occasion de se lâcher, de justifier un comportement et de se désinhiber sous couvert qu'on n'est pas le seul. Des études récentes montrent par exemple que nous commandons beaucoup plus au restaurant si nous sommes servis par des employés en surpoids ou qu'on aura tendance à manger plus si l'on voit un compagnon de table manger beaucoup. L'hyperphagie (le fait de manger en trop grandes quantités) ou plutôt la convivialité est communicative et s'y adonner en groupe aurait quelque chose de déculpabilisant. La caution du groupe pour lâcher de temps en temps du lest sur son comportement habituel, ce peut être au choix festif, salutaire ou carrément jouissif.

Evidemment, on peut plus prosaïquement être tenté de prendre la même chose que l'autre:

  • par facilité ou fainéantise quand la carte est très étendue et que le choix nous semble difficile par exemple,
  • pour des raisons de coût, pour simplifier le partage de l'addition,
  • par désintérêt pour la chose alimentaire, quand on se fiche un peu de ce qu'on mange
  • ou bien encore par confiance totale dans les choix de l'autre et souhait de s'en remettre totalement à lui...

Le secret pour honorer ses préférences individuelles?

Du coup, quelle est la clé pour avoir véritablement ce qu'on veut manger quand on passe une commande au restaurant? La solution comme toujours, c'est de rester centré sur ses besoins propres et d'interroger son ventre plutôt que d'être tenté de manger avec sa tête (vaste question, nous y reviendrons!).... et de se prononcer en 1er! Et oui, c'est souvent la solution la plus évidente pour ne pas se laisser influencer. Personnellement, autant j'arrive à faire l'impasse sur le dessert faute de faim, autant je suis admirative de ceux qui sont systématiquement à l'écoute de leurs besoins authentiques, et sont capables de se contenter d'un plat quand toute la tablée opte pour un menu. A condition bien sûr qu'ils ne le fassent pas pour se distinguer et ne surtout pas faire comme tout le monde!

Plus d'infos sur la cuisine créative à retrouver sur le site papilles-creatives.com

À voir également:

Osteria Francescana

Les 10 meilleurs restaurants au monde, selon «50 Best»

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.