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Autisme : le jour où nos vies n'ont plus jamais été les mêmes

Le 7 novembre 2012, on nous apprend que notre merveilleux fils souffre d'un trouble du spectre autistique. On nous remet notre petite feuille pliée en deux de la clinique de développement de l'hôpital Sainte-Justine et puis on nous renvoie chez nous.
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Ce billet est la suite de L'autisme, ça n'arrive pas juste aux autres, publié la semaine dernière.

Le 7 novembre 2012, on nous apprend que notre merveilleux fils souffre d'un trouble du spectre autistique. On nous remet notre petite feuille pliée en deux de la clinique de développement de l'hôpital Sainte-Justine et puis on nous renvoie chez nous.

De retour à la maison, il faut expliquer aux gens qui nous aiment que notre enfant a un TED (trouble envahissant du développement). C'est moins inquiétant que de dire qu'il est autiste! «Alors ce n'est pas de l'autisme?» nous demande-t-on. «Euh, en fait, ça veut dire la même chose». On se console en se disant que c'est léger. Puis, après avoir évalué toutes nos options, on décide de l'inscrire dans un centre spécialisé pour enfants ayant des troubles de développements. C'est le prix d'une hypothèque sur une maison, mais c'est mieux que d'attendre deux ans que le centre de réadaptation nous appelle pour nous offrir des services!

Première visite du centre spécialisé à but non lucratif que nous avons choisi. Visite de famille : on y est tous et on est ravis. Tout y semble normal. Les enfants sont mignons. Leurs petits casiers ont leur nom et leur jolie photo dessus. L'ambiance est joyeuse, les locaux sont propres, modernes et colorés. Malgré la peine qui nous habite, nous savons que notre fils sera bien ici. Enfin, on va pouvoir respirer. Il commencera en janvier 2013, 4 heures par jour, dans un programme d'intervention intensive et précoce. Toutes les études démontrent que c'est ce qui fonctionne le mieux pour les enfants autistes et que le cerveau est encore malléable jusqu'à l'âge de 6 ans.

Nouvelle année, nouveau départ

2013 débute bien différemment de 2012. On sait où l'on s'en va ou du moins, on a une direction. Notre fils fait des progrès, il apprend les bases de la socialisation et les précurseurs du langage. On nous invite à des ateliers pour les parents sur des sujets d'intérêt pour nous, comme les troubles du sommeil et du langage. On commence seulement à avoir la sensation de ne pas être des Martiens. D'autres parents vivent la même chose que nous. Évidemment, chaque cas est unique. Chaque enfant autiste aussi. Certains parlent, d'autres pas. Certains ont des problèmes moteurs, d'autres pas. Mais tous ont des parents. Et ces parents, ce sont les oubliés du système. Jamais on ne considère ce qu'ils vivent. Sauf sur internet où ils se retrouvent et se renseignent. Ils forment des groupes d'entraide, des forums de discussion où l'on parle de toutes sortes de traitements pour guérir nos enfants de cette épidémie, car lorsqu'un enfant sur 88 est touché (les nouveaux chiffres en 2013 sont de 1 sur 54), on parle d'épidémie...

Nous, parents d'enfants autistes?

Quand on a un enfant spécial, on devient, par la force des choses, un parent spécial. Certains parents diront que l'autisme de leur enfant a donné un sens à leur vie; qu'ils ont découvert une spiritualité insoupçonnée en eux. Nous, non. Ou pas encore... L'autisme de notre enfant n'a pas ajouté de sens à nos vies. C'est un non-sens, un château de cartes qui s'effondre, une bombe qui a explosé dans nos vies. Notre quotidien est devenu plus compliqué, notre vie sociale quasi inexistante, car nous sommes trop fatigués. Et puis nos intérêts et nos inquiétudes ne sont plus les mêmes que ceux de nos amis aux enfants neurotypiques. Leurs problèmes nous semblent souvent mineurs et nous avons l'impression de vivre dans un autre univers. Qu'on le veuille ou non, un fossé s'est creusé entre nous et les autres et une nouvelle vie a débuté avec tous ses défis, ses peines et ses joies.

La plupart des gens font des enfants pour se projeter dans l'avenir. C'est un peu leur continuité, leur immortalité. L'accomplissement égoïste de tout ce qu'ils ont voulu pour eux, mais n'ont pas eu la chance d'avoir. L'enfant sera réparateur, valorisant. Pour nous, c'est différent. On est obligés de vivre un jour à la fois. Impossible de faire des plans d'avenir. Et puis, on doit constamment relativiser ce que l'on vit. Il y a des parents qui souffrent plus que nous. On en rencontre tous les jours. Il y a des enfants qui souffrent constamment ou qui meurent, le nôtre est en vie et il sourit tout le temps! Certes, nous ne savons pas ce que demain nous réserve. Nous ne savons pas non plus ce qui a causé ce trouble de développement de notre enfant. Est-ce génétique? Causé par les vaccins? Les antibiotiques? L'environnement? Dans le fond, cela ne change rien à notre réalité. Ce que nous savons, c'est que cet enfant on l'aime plus que tout au monde. Et probablement même qu'on l'aime encore plus, car on se soucie de lui et on le protège depuis qu'il est né. Et même si on avait rêvé d'un autre scénario moins ardu, on l'accepte tel qui est. Évidemment, on lui souhaite d'évoluer et d'être un adulte heureux et épanoui. Mais c'est ce qu'on souhaite à tous les enfants.

Une chose est certaine, l'autisme nous a appris la patience, une vertu inestimable, et surtout l'amour inconditionnel. Notre enfant est qui il est, indépendamment de nous. Le mieux que l'on puisse faire, c'est de lui tenir la main tant qu'il en aura besoin. Tous les jours, on l'encourage dans ce qu'il fait et on l'aime très fort. Et à chaque progrès que nous constatons, nous gardons espoir. Espoir qu'un jour, nous aurons une conversation avec lui, qu'il aura des amis, des intérêts ou des passions et surtout une vie qui lui plait. D'ici là, il est urgent d'éduquer les gens sur ce que sont réellement les troubles du développement et l'autisme. Rain Man, c'est un film. La vraie vie avec un enfant autiste est toute autre. Et quand les parents nous regardent avec l'air inquiet ou confus au parc, je me dis qu'ils ne peuvent pas savoir. Ou même comprendre. Et que c'est à moi de leur expliquer.

Le blogue d'Emmanuelle Assor est publié dans le cadre de l'opération Voyez les choses à ma façon, une initiative de la Fondation Miriam. Cette campagne rappelle l'importance de faire preuve d'empathie envers les personnes atteintes d'un TSA et met en évidence le caractère unique de leurs besoins en termes de traitement, de soutien, de sensibilisation et de mobilisation. Visitez voyezleschosesamafacon.org pour vous joindre au mouvement.

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Ils soutiennent l'opération «Voyez les choses à ma façon»

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