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La misanthropie est le fruit d'un espoir déçu, ai-je déjà lu quelque part. Un genre de traumatisme « post-écoeurantite aiguë ». Après le visionnement du documentaire, exposant l'institutionnalisation de la brutalité policière comme méthode d'intimidation politique, majoritairement durant la grève étudiante de 2012, on pourrait en venir à vouloir gerber sur le genre humain, une réaction un poil adolescente.
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La misanthropie est le fruit d'un espoir déçu, ai-je déjà lu quelque part. Un genre de traumatisme « post-écoeurantite aiguë ». Après le visionnement du documentaire Dérives, exposant l'institutionnalisation de la brutalité policière comme méthode d'intimidation politique, majoritairement durant la grève étudiante de 2012, on pourrait en venir à vouloir gerber sur le genre humain, une réaction un poil adolescente.

À l'aide d'extraits inédits des manifs du Printemps Érable, gracieuseté 99%Média, on peut se remémorer des moments peu glorieux des longues marches nocturnes, alors que les policiers se défoulaient sur tout ce qui bouge, aspergeaient allègrement, saucissonnaient les poignets avec les maudits « Tie-wraps », injuriaient les passants, menaçaient vieillards, soupçonnaient les enfants, etc. Pour ceux qui n'ont eu droit qu'aux images diffusées sur les grandes chaines, on découvre peut-être avec incrédulité le fascinant pouvoir de l'information sélective. La diffusion en boucle d'une vitrine de banque fracassée, d'un policier se faisant tabasser à Victoriaville, le sempiternel rappel que le rassemblement a été déclaré illégal, les cônes mis au bûché; et pourtant, le passage à tabac quotidien de manifestants était consciencieusement omis.

Étrangement, ce n'est pas la barbarie des « agents de la paix » qui me choque le plus, malgré le condensé de saloperies répertoriées par 99%Média au cours des mois de grève. N'en demeure pas moins que leur comportement est infâme, qu'on ne se méprenne pas sur ma réflexion. Par contre, il faudrait être un tantinet naïf pour croire que l'organe policier, dans notre société, est voué à la protection du citoyen. Pour beaucoup, le réveil peut être brutal. La mission du SPVM était, est et sera toujours, selon moi, le contrôle social, le maintien du statu quo, la conservation d'une hiérarchie, la répression; désignons-le comme bon nous semble, le constat demeure. Et c'est le cas également pour la SQ, la GRC, les CRS français et tous les PD de ce monde.

Médias complices

Une fois cela dit et accepté, quelques problèmes flagrants m'apparaissent. Premièrement, la quasi totale impunité qu'ont les policiers de leurs agissements. Pour des actes criminels, ils disposent d'une immunité qu'aucun autre citoyen ou corps social ne possèdent. La traduction en justice des forces de l'ordre relève du rarissime. Cette problématique est soulevée alors que l'on constate, bien que filmés et photographiés, ce qui pourrait faire figure de preuve en cour, que les policiers non seulement ne retiennent pas les coups qu'ils distribuent, mais n'en tiennent tout bonnement pas compte. Ils sont conscients d'avoir le droit d'agir avec violence et mépris. Il y a donc une culture qui s'inscrit dans leur Modus operandi, à savoir que les actes répréhensibles sont non seulement tolérés, mais institutionnalisés.

Deuxièmement, pour que ce statut d'impunité demeure, la couverture médiatique des manifestations exige un travail de sélection de l'image. L'information véhiculée par les grandes institutions, comme le souligne Christian Nadeau, professeur de philosophie à l'UDM, interviewé pour le documentaire, implique une dérive dans leur devoir « d'impartialité ». Comme il explique, la faute n'est pas qu'imputable aux nombreux chroniqueurs ayant avec acharnement critiqué et vilipendé le mouvement étudiant, « Richard Martineau n'aurait pas existé qu'on l'aurait inventé », mentionne-t-il. Les textes incendiaires oui, mais aussi et plus insidieusement le choix de l'image présentée, l'omission volontaire des coups de matraque, l'oubli de filmer tel jet de poivre, l'obsession à montrer les manifestations qui dégénèrent comme le résultat d'un débordement de la part des manifestants, l'utilisation des termes émeutiers, vandales ou casseurs pour désigner un coupable. Aucune grande chaine n'a pensé nécessaire ou pertinent de montrer les agents de la SQ bloquer le passage d'une ambulance à Victoriaville, lors de la manifestation du 4 mai dernier, mettant potentiellement la vie ou du moins l'intégrité physique d'une personne en danger. Protéger ainsi la réputation des policiers permet le maintien d'une salubrité nocive de leur travail.

Et de cela découle le troisième danger, soit l'impact d'une telle propagande sur la population. Une indifférence malsaine parvient à s'instaurer, laissant libre cours au « fessage » des policiers, autant sur des manifestants que sur des individus discriminés. Le nombre incalculable de fois où je me suis fait servir le principe simpliste et aberrant suivant : « si tu ne veux pas te faire taper dessus, tu n'as qu'à ne pas aller manifester! » Une autre intervenante de Dérives, Sophie Desbiens, membre des infirmiers et infirmières contre la hausse, fournit une preuve appuyant ce dangereux manque d'empathie. Alors qu'à Victoriaville, la SQ tirait les surplus de grenades lacrymogènes accumulés des dernières années malgré les nombreux blessés gisant ci et là, elle dut se résoudre avec d'autres à déplacer un jeune grièvement atteint à la tête, chose à ne faire qu'en dernier recourt. Arrivés sur une rue résidentielle, s'installant sur un terrain privé, ils reçoivent un accueil plutôt dégueulasse : on leur demande de quitter les lieux, « ils n'ont pas d'affaires là. » Les autres manifestants pris de toux venant se réfugier à proximité eurent droit à la même générosité de la part des voisins.

Un pet vers les Grands

De ces trois constatations, une particularité me frappe dans Dérives, un film indépendant et non assujetti aux grands médias, il s'agit de l'absence de personnalisation du corps policier. Le documentaire ne résume pas les coups de matraque ni les blessures infligées au comportement déviant d'une personne. On ne réduit pas les bavures à des cas isolés, à certains individus psychotiques comme l'agent 728, qui sert de bouc émissaire de circonstance pour calmer le jeu. Avec UNE SEULE policière mise au banc, on cherche à donner figure au problème, à préserver l'institution d'une souillure, c'est l'arbre qui cache la forêt en somme.

Enfin un travail journalistique vient contrebalancer la pieuse objectivité des médias de masse avec une position tout aussi neutre et non partisane (Bibi rit jaune mégot). J'espère de tout cœur que Dérives provoquera un quelconque débat, que quelques têtes sortiront du sable. Mais connaissant le poids écrasant des biens pensants, les critiques (si un tribun ose en parler, misère!) risquent immédiatement d'être servies à la sauce Manque d'objectivité, aucune voix n'est donnée aux forces de l'ordre et pleurnichage d'anarchistes. Heureusement, les médias sociaux sont là pour répandre les images accusatrices.

Le documentaire Dérives, produit par 99%Média, est disponible ici.

Une pétition est également en ligne sur le même site, exigeant une enquête publique sur le travail policier.

EN IMAGES:

Manifestation des 100 jours - 22 mai 2012

Manifestation des 100 jours - 22 mai 2012

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