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Témoignage: ce que c'est d'être abusée quand on est une ado

Je n'oublierai jamais mon excitation quand le garçon populaire que j'aimais bien m'a invitée à venir regarder un film chez lui. Je me suis pomponnée durant des heures (après tout, j'étais une adolescente qui se débattait avec sa propre sexualité). Quand je suis arrivée, il n'a pas mis le film que nous avions décidé de regarder mais un film porno. Je n'en n'avais jamais vu avant. Il a déboutonné son pantalon, m'a poussée et m'a tirée vers lui. J'ai pleuré sur tout le chemin du retour. Nous ne parlons pas avec assez d'honnêteté de ce que signifie vraiment être une adolescente, de ce à quoi cela ressemble.
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TEGUCIGALPA, HONDURAS - JULY 20: A young girl cries as her home and neighborhood are forcefully dismantled in a shanty town after the government claimed that the settlement was illegal on July 20, 2012 in Tegucigalpa, Honduras. Land disputes are becoming increasingly frequent in Honduras which is alarming the nation's business class while sowing fears of increased political violence. In a nation where 72% of the poorest landowners hold only 11.6% of cultivated land, tensions are rising as the poor have few places to go and little opportunities for productive employment. Honduras now has the highest per capita murder rate in the world and its capital city, Tegucigalpa, is plagued by violence, poverty, homelessness and sexual assaults. With an estimated 80% of the cocaine entering the United States now being trans-shipped through Honduras, the violence on the streets is a spillover from the ramped rise in narco-trafficking. (Photo by Spencer Platt/Getty Images)
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TEGUCIGALPA, HONDURAS - JULY 20: A young girl cries as her home and neighborhood are forcefully dismantled in a shanty town after the government claimed that the settlement was illegal on July 20, 2012 in Tegucigalpa, Honduras. Land disputes are becoming increasingly frequent in Honduras which is alarming the nation's business class while sowing fears of increased political violence. In a nation where 72% of the poorest landowners hold only 11.6% of cultivated land, tensions are rising as the poor have few places to go and little opportunities for productive employment. Honduras now has the highest per capita murder rate in the world and its capital city, Tegucigalpa, is plagued by violence, poverty, homelessness and sexual assaults. With an estimated 80% of the cocaine entering the United States now being trans-shipped through Honduras, the violence on the streets is a spillover from the ramped rise in narco-trafficking. (Photo by Spencer Platt/Getty Images)

Les violences ont commencé tout doucement. J'avais 12 ans, j'étais assez grande, avec une belle poitrine toute neuve. Pendant longtemps, ma mère n'a pas voulu m'acheter de "vrais soutiens-gorge". Cela ne m'a pas paru bizarre jusqu'à ce que les garçons de ma classe commencent à me conseiller "d'arrêter de porter des soutiens-gorge de sports" parce que "ça tombait un peu".

C'est encore un garçon qui m'a dit qu'il fallait que je commence à me raser les jambes si je voulais qu'un jour quelqu'un s'intéresse à moi. J'ai répondu que ce n'était pas vrai. Il m'a rit au nez et m'a traitée de gouine.

Ce soir-là, après que je me suis rasée, ma mère m'a demandé pourquoi j'étais si vaniteuse.

Ils ont commencé à trouver des prétextes pour me toucher, me pincer les fesses, faire claquer les bretelles de mes nouveaux "vrais soutiens-gorge"("Ils te vont beaucoup mieux, tu as mis du rembourrage?") ou me tripoter carrément les seins. Faisaient tomber des stylos en se penchant bizarrement. Me bousculaient à dessein.

Une fois, pendant que mes parents étaient encore au travail, un garçon qui habitait dans ma rue a forcé ma porte jusqu'à mon salon et s'est battu avec moi pour attraper la télécommande juste pour pouvoir me peloter. En parler n'était pas une option - pas la peine d''être ostracisée encore plus et étiquetée "timbrée". Qui plus est, qui aurait pu croire qu'il voulait juste me toucher?

Ils ont donné un surnom à chaque fille, en fonction des défauts de nos corps. Dont ils considéraient qu'ils leur appartenaient. Ils les écrivaient sur les tableaux de classe pour se moquer de nous. Faisaient des dessins osés.

Si jamais on montrait que cela nous blessait, c'était encore pire. Je me retrouvais à pleurer dans les toilettes, espérant être frappée d'une grave maladie pour ne pas devoir aller à l'école, même si cela ne devait être que pour un seul jour.

Quand j'ai embrassé un garçon, il m'a encouragé à embrasser aussi ses copains. Pas parce qu'il pensait que j'en avais envie, mais parce que j'étais un jouet qu'il voulait partager. Une expérience qu'il voulait offrir à ses amis "plus malchanceux". Pour eux, c'était une fête. Pour moi, une forme de suicide social.

Même si je l'avais voulu, ça n'aurait jamais été une victoire.

Je n'oublierai jamais mon excitation quand le garçon populaire que j'aimais bien m'a invitée à venir regarder un film chez lui. Je me suis pomponnée durant des heures (après tout, j'étais une adolescente qui se débattait avec sa propre sexualité). Quand je suis arrivée, il n'a pas mis le film que nous avions décidé de regarder mais un film porno. Je n'en n'avais jamais vu avant. Il a déboutonné son pantalon, m'a poussée et m'a tirée vers lui. J'ai pleuré sur tout le chemin du retour.

Ces garçons, un groupe en particulier, savaient mettre le doigt sur nos faiblesses. Pire, ils savaient qu'ils avaient tort mais ne subissaient jamais les conséquences de leurs actes. Ils savaient que faire ça - nous traiter comme des objets à leur disposition - étaient ce qui était attendu d'eux.

J'aimerais pouvoir dire qu'ils ont arrêté. Mais certains ne l'ont jamais fait.

Je n'ai jamais cessé d'être rappelée à mon statut de : "A disposition des hommes". Je m'en rappelle quand je suis violée dans mon sommeil, ou tripotée dans un bar, ou plaquée au sol par un ami de longue date. Je m'en rappelle quand je refuse de parler avec un type bizarre et qu'il crache en ma direction ou me traite de "salope". Je m'en rappelle quand on me demande pourquoi j'ai mis une si jolie robe si je n'essayais pas de "me faire embarquer". Je m'en rappelle quand on me dit d'être moins en colère et plus avenante. Je m'en rappelle quand je parle de mon vécu et qu'on me demande "d'arrêter d'être si négative à propos de tout". Je m'en rappelle quand des jeunes filles sont agressées si gravement par des hommes qui voulaient voir leur corps qu'elles se suicident.

Nous ne parlons pas avec assez d'honnêteté de ce que signifie vraiment être une adolescente, de ce à quoi cela ressemble. Si nous en avions parlé, raconté ce que cela avait été pour nous, peut-être ne serions-nous pas si durs avec elles. Peut-être que nous ne nous exclamerions pas, en levant les bras au ciel : " Oh, les adolescentes, elles sont si difficiles!". Peut-être qu'elles ne seraient pas si effrayantes. Peut-être que nous verrions la façon dont leurs vies sont souvent faites de petites et de grandes violences. Et des conséquences de ces violences.

Peut-être que nous serions moins surpris aujourd'hui d'apprendre qu'un garçon de 15 ans a été arrêté en pleine agression sexuelle, liée à une série d'agressions sexuelles à Toronto. Peut-être que nous serions moins choqués par le fait que ce sont les garçons de 12 à 17 ans qui sont les plus enclins à commettre des agressions sexuelles (Statistique Canada). C'est après tout, ce qu'ils m'ont fait.

Mes histoires n'ont rien d'exceptionnel. Elles sont plus communes qu'on ne veut le croire. Comme mon ami Panic le dit : "Demande à n'importe qui étant ou ayant été une adolescente. Des garçons de 15 ans qui agressent des femmes, c'est courant. C'est normal." C'est tellement normal en réalité que nous n'en parlons pas jusqu'à ce que l'on devienne des femmes et qu'on réalise que ça n'aurait pas dû se passer ainsi.

Presque tout dans la culture nord-américaine dit aux garçons et aux hommes que les filles et les femmes sont là pour eux. Alors je vous en prie, rendez-nous quelques faveurs. Arrêtez de nous dire que nous devons apprendre le self-défense. Arrêtez de nous dire que nous ne devrions pas boire, ou sortir, ou aller à des rendez-vous. Arrêtez de nous dire que nous devons nous préparer à des violences "parce que les garçons seront toujours des garçons": c'est des conneries. Nous n'avons pas à l'accepter, ni à vivre avec en silence.

Commencez par parler aux garçons et aux hommes du message qu'ils renvoient aux filles et aux femmes. Dites leur qu'ils n'ont pas "droit" à notre corps, en aucune circonstance. Parlez-leur honnêtement et de façon compréhensive de la sexualisation et de la chosification. Arrêtez d'être effrayé de parler de limites, de sexe et de plaisir - laisser cette tâche aux écoles, à l'Internet, et à leurs camarades revient à ne pas interrompre ce cycle. Montrez leur ce qu'est vraiment un consentement.

Et puis, ça a l'air de rien, mais rappelez-leur quand même que nous sommes des personnes. Nous méritons au moins ça.

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