Le gouvernement fédéral a récemment déposé son projet de loi sur la légalisation de la marijuana. Alors que les consommateurs de cannabis se réjouissent en cette journée du 4/20, personne ne peut nier que le sujet a enflammé les médias au Québec.
Chez les chroniqueurs, le sujet polarise. Certains s'opposent avec virulence à la légalisation de la substance, tandis que d'autres croient qu'il est temps de mettre fin à notre hypocrisie collective.
Faut-il légaliser ou non le cannabis? Le débat n'est plus utile à ce stade-ci, puisque le projet de loi sera adopté, les libéraux étant majoritaires à Ottawa. Il ne s'agit pas tant de débattre de la pertinence de la légalisation que de ses conséquences pratiques.
Et c'est là que le bât blesse. Alors que le gouvernement Trudeau réalise sa promesse électorale la plus spectaculaire, les provinces vivent un gros lendemain de veille. En effet, il s'agit d'une promesse fort compliquée à réaliser... surtout pour les provinces!
Tout d'abord, soyons honnêtes. La marijuana a beau être illégale, sa consommation est en hausse constante dans la dernière décennie au Canada dans tous les groupes d'âge. En 2015, chez les 18-24 ans, elle était consommée par plus de 40% des individus (comparativement à 35% en 2008). Après l'alcool et le tabac, il s'agit certainement de la substance la plus «socialement acceptée».
Toutefois, sa légalisation entraîne une foule de questions qu'il serait irresponsable de banaliser. Le gouvernement Couillard vient donc d'hériter d'une belle patate chaude. Ironiquement, même s'il s'agit d'un dossier qui vient du fédéral, ce sera un des sujets les plus délicats que le gouvernement Couillard devra gérer dans la prochaine année.
Le projet de loi déposé par Ottawa est minimal sur le plan du contenu. Les provinces hériteront de l'application de la loi, ainsi que de la vente et la distribution du cannabis. Elles pourront également ajuster l'âge légal d'achat et de possession, de même que la quantité autorisée.
Une foule de questions sont soulevées et deviennent des enjeux politiques pour les provinces, puisque ce sont elles qui devront légiférer ou réglementer pour apporter des réponses à ces questions.
Une foule de questions sont soulevées et deviennent des enjeux politiques pour les provinces, puisque ce sont elles qui devront légiférer ou réglementer pour apporter des réponses à ces questions. Comment dénicher les conducteurs avec facultés affaiblies? Où le cannabis sera-t-il vendu? À la SAQ? À quel prix? Sera-t-il permis de fumer un joint à l'intérieur de son logement?
Déjà, ces problèmes causeront bien des maux de tête au gouvernement Couillard. Comme si ce n'était pas assez, un autre problème de taille survient: l'appui financier du fédéral sera à peu près inexistant, ce dernier arguant que les sommes sont déjà incluses dans les transferts en santé aux provinces.
De plus, la coïncidence avec le calendrier électoral à Québec ne doit certainement pas plaire au premier ministre. En effet, la légalisation est prévue pour l'été 2018, si rien n'est retardé du côté d'Ottawa. Les élections provinciales auront lieu en octobre 2018 au Québec.
Le gouvernement Couillard devra vivre avec les conséquences de ses décisions. Et des décisions à prendre, il y en a des tonnes. Déjà, au sein du gouvernement, le malaise est palpable. Des comités sont mis en place. Plusieurs ministères sont touchés : santé, transport, justice, services sociaux, finances, éducation, etc. Il s'agit d'une mobilisation considérable de ressources.
À chaque décision qui sera prise par le gouvernement Couillard, les partis d'opposition monteront aux barricades. Imaginez le scénario. Le PQ s'en servira sans doute pour raviver les tensions avec le fédéral, invoquant le respect des champs de compétences appartenant aux provinces. La CAQ pourrait être tentée de vouloir séduire une partie importante de l'électorat qui ne voit pas d'un bon œil la légalisation de la substance.
Bref, les débats seront animés. Le hic, c'est qu'il s'agit de sujets sensibles, comme la santé publique, la consommation chez les jeunes, etc. L'autre hic, c'est qu'il s'agit d'un dossier qui s'étirera en longueur, ce qui est rarement une bonne nouvelle en politique, car les risques de «pelures de bananes» sont importants pour le gouvernement.
Bref, loin de régler tous les problèmes, le dépôt du projet de loi sur la légalisation du cannabis ne fait que mettre la table à un ensemble de débats. Des choix devront être faits. Après le party du fédéral, voici un dur lendemain de veille pour les provinces.
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