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Projet de loi 17: pas de modernité sur le dos du transport adapté!

Le projet de loi 17 ne contient aucun mécanisme permettant de soutenir et de développer de manière structurée le service de transport adapté et les déplacements rémunérés par automobile des usagers en situation de handicap.
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On estime à 750 le nombre nécessaire de chauffeurs de taxi pour desservir quotidiennement la clientèle montréalaise du service de transport adapté et malgré les leviers actuellement en place, la STM peine à les trouver.
Courtoisie
On estime à 750 le nombre nécessaire de chauffeurs de taxi pour desservir quotidiennement la clientèle montréalaise du service de transport adapté et malgré les leviers actuellement en place, la STM peine à les trouver.

Cette lettre est coécrite par le Regroupement des Usagers du Transport Adapté et accessible de l'île de Montréal et Ex aequo au nom de la Table de concertation sur l'accessibilité universelle des transports collectifs de l'île de Montréal.

Le 20 mars dernier, le ministre des Transports M. François Bonnardel déposait à l'Assemblée nationale le projet de loi 17, Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile.

Si beaucoup a été dit sur les impacts désastreux que pourrait avoir l'entrée en vigueur de cette loi sur les chauffeurs de taxi, la plupart des médias ont été, à l'instar de la loi elle-même, muets sur ses impacts sur le transport adapté et les déplacements des personnes ayant des limitations fonctionnelles plus largement.

Pour pallier ce mutisme, nous avons déposé et rendu public le 16 avril un mémoire contenant 11 recommandations qui doivent faire l'objet d'une attention immédiate afin d'éviter que la modernisation tant vantée ne soit au contraire synonyme d'un recul majeur pour les personnes en situation de handicap.

Nous sommes conscients que la Loi actuellement en vigueur est loin d'être parfaite, mais elle contient des aspects qui ont été salutaires pour le déplacement des personnes en situation de handicap ces 20 dernières années.

A contrario, le projet de loi 17 ne contient aucun mécanisme permettant de soutenir et de développer de manière structurée le service de transport adapté et les déplacements rémunérés par automobile des usagers en situation de handicap.

Au fil des ans, le service de transport adapté de la STM a développé des liens d'affaires avec l'industrie du taxi afin d'assurer un service de transport fiable, de qualité et à un coût abordable. L'achalandage pour ce service ne cesse de croitre. À Montréal, en 2008, le service de transport adapté a effectué environ 2,3 millions de déplacements, dont 1,78 million par taxi. Dix ans plus tard, en 2018, il en a effectué plus de 4 millions, dont 3,5 millions par taxi.

La collaboration avec l'industrie du taxi est donc essentielle et elle aura permis d'absorber cette hausse d'achalandage. Le permis de taxi restreint est également une mesure considérable dans le développement du service de transport adapté. Les chauffeurs qui détiennent ces permis transportent exclusivement des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Jumelé à d'autres dispositions, ce type de permis avait été mis en place dans un contexte où le transport des personnes en situation de handicap était assuré sur une base volontaire. Il était alors très difficile de garantir aux usagers un service fiable.

On estime à 750 le nombre nécessaire de chauffeurs de taxi pour desservir quotidiennement la clientèle montréalaise du service de transport adapté et malgré les leviers actuellement en place, la STM peine à les trouver.

L'autorisation par le projet de loi de nouveaux modèles d'affaires, comme Uber, favorisera l'entrée dans l'industrie du taxi de simples citoyens pour qui ce travail, le plus souvent à temps partiel, constitue un revenu secondaire. De ce fait, une partie de la flotte sera fluide et le bassin de chauffeurs disponibles, instable.

La diminution prévisible du nombre de chauffeurs disposés à faire du transport adapté, particulièrement aux heures de pointe, est très inquiétante. Si les heures de pointe constituent des périodes d'achalandage élevé pour le transport par taxi privé, elles le sont également pour le transport adapté. C'est dans ces périodes de la journée, où le besoin est grand, que le manque de chauffeurs se fait le plus ressentir.

La capacité des transporteurs à assurer un service de transport adapté fiable et de qualité est mise en péril si le nombre de chauffeurs est imprévisible et s'il se voit réduit.

Pour tenter de réduire le manque de ressources véhiculaires en période de pointe, la STM propose une rémunération à l'heure aux chauffeurs de taxi, depuis février dernier. Avec le PL17, ces ententes pourraient vraisemblablement être renégociées pour intégrer la modulation des tarifs, selon la demande ou selon d'autres paramètres (le moment de la journée, la longueur du parcours, etc.).

On estime qu'une hausse de seulement 10% des prix dans les périodes de pointe entrainerait une augmentation des frais d'exploitation de quatre millions de dollars, uniquement pour la STM.Or, le projet de loi ne prévoit rien pour soutenir les sociétés de transport qui devront faire face à ces coûts supplémentaires.

Le projet de loi 17 est également demeuré silencieux sur la question de l'accessibilité des véhicules pour les personnes utilisant une aide à la mobilité motorisée. Actuellement, le Programme de subvention aux véhicules collectifs accessibles accorde 15 000$ aux chauffeurs qui désirent rendre accessible leur véhicule aux personnes se déplaçant en fauteuil roulant. Ces chauffeurs doivent toutefois débourser de leur poche les 6000$ restants pour couvrir le coût réel d'adaptation. Le gouvernement doit prendre des mesures pour stimuler l'acquisition de tels véhicules qui sont essentiels pour favoriser l'accès au taxi privé accessible.

Il est également impératif que les personnes qui utilisent une aide à la mobilité motorisée puissent obtenir un taxi privé à 30 minutes d'avis. Aujourd'hui, elles doivent réserver leur taxi 24 heures à l'avance.

Dans plusieurs grandes villes, le taux de taxis accessibles est largement plus élevé qu'à Montréal. À Vancouver, on observe que 19% de la flotte de taxis est accessible tandis qu'à Londres, c'est la totalité de la flotte des «black cabs» londoniens qui est accessible!

Enfin, il est inévitable que l'industrie du taxi se modernise, entre autres par le développement d'applications mobiles pour la réservation d'un véhicule. Il est toutefois indispensable que cela se fasse en tenant compte des besoins de toute la population, y compris des utilisateurs de dispositifs de synthèse ou de reconnaissance vocale, de grossissement de caractère, etc. L'accessibilité et la convivialité de ces applications doivent impérativement être encadrées par la loi.

Si l'usager est véritablement au cœur de cette réforme de modernisation de l'industrie du taxi, comme le prétend M. Bonnardel, celle-ci doit prendre en compte les besoins de tous les usagers, dont ceux ayant des limitations fonctionnelles.

La considération, dans la future loi sur le transport rémunéré de personnes par automobile, des préoccupations exprimées dans ce texte ainsi que dans notre mémoire permettra de développer une industrie moderne, apte à relever les défis toujours croissants du transport adapté et d'offrir aux personnes que nous représentons un service de transport répondant à leurs besoins.

Société de transport de Montréal, Rapports d'activité 2008 et 2018

Passenger Transportation Board, Wheelchair Accessible Transportation by Taxi and Inter-city Bus in British Columbia, Septembre 2017.

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