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Le sexisme dans le milieu académique: ben oui, on en parle encore!

Il y a quelques années, j'ai eu un incident fâcheux avec un étudiant.
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Sans surprise, entre 1998 et 2012, 92% des hommes blancs du corps professoral ont obtenu un poste permanent, alors que la même promotion n'a été accordée qu'à 55% des femmes.
Jacob Ammentorp Lund via Getty Images
Sans surprise, entre 1998 et 2012, 92% des hommes blancs du corps professoral ont obtenu un poste permanent, alors que la même promotion n'a été accordée qu'à 55% des femmes.

En tant que jeune femme blanche, ayant eu le privilège de grandir avec des parents merveilleux, éduqués et bien nantis, je ne suis probablement pas la personne la plus qualifiée pour parler, au cours des deux prochains articles, du sujet complexe du sexisme et racisme dans le milieu académique. Donc, c'est avec beaucoup d'humilité que je vais les aborder.

J'ai envie de commencer cet article par deux anecdotes personnelles. Outre mon occupation principale stagiaire postdoctorale, je suis également chargée de cours à l'université. Il y a quelques années, j'ai eu un incident fâcheux avec un étudiant. Cet étudiant était beaucoup plus vieux que moi, et ne faisait manifestement pas confiance en mes qualifications. Il avait un comportement passif agressif et m'interrompait constamment. Lorsqu'il avait une question, il la posait toujours au technicien de laboratoire (un homme d'environ 50 ans, tout à fait charmant. Ce technicien était choqué et outré par l'attitude de cet étudiant, et refusait systématiquement de répondre à ses questions, en lui rappelant que j'étais la professeure et que donc, j'étais la plus habilitée à répondre) et non à moi: il ne suivait jamais mes directives, et finissait inévitablement par rater ses expériences. Il y a deux ans, j'ai commencé à travailler sur un projet de recherche, qui me tient particulièrement à coeur avec un collaborateur. Ce collaborateur a été d'une aide précieuse aux premiers balbutiements de ce projet, en me mettant en contact avec des personnes clés avec qui je travaille depuis. Le reste du projet (recherche de financement, recrutement des participants, analyses des résultats, écriture des articles, promotion, etc.) a été accompli par moi-même et le chercheur principal. Me voilà donc surprise de voir que ce collaborateur, à chaque occasion publique qui lui est donnée, s'attribue le mérite de ce projet. Dans une interview qu'il a donnée, on jurerait que c'est moi qui ai été questionnée par la journaliste: il a même fait référence à mon sujet de recherche de doctorat comme étant un de ses chevaux de bataille. Une amie a mis le doigt sur ce comportement: de la misogynie décomplexée.

Il y aussi le nombre effarant de fois où, lors de conférences, les gens pensaient que j'étais la copine d'un chercheur ou une stagiaire, et non une chercheure moi-même.

Il y aussi le nombre effarant de fois où, lors de conférences, les gens pensaient que j'étais la copine d'un chercheur ou une stagiaire, et non une chercheure moi-même. Malheureusement, ces situations n'ont rien d'extraordinaire. Elles sont fréquentes lorsque vous êtes une femme travaillant dans le milieu académique. Pour illustrer ce propos, Benjamin Schmidt, un professeur associé à la Northeastern University, a créé un outil en ligne «comparant la fréquence de mots donnés dans les évaluations des hommes et femmes professeurs». Par exemple, les mots comme «brillant», «intelligent», «doué», sont souvent utilisés pour décrire les professeurs masculins. Cependant, des adjectifs comme «méchante», «rude», «injuste» ou «sévère» étaient fréquemment employés lors des évaluations des professeures.

De plus, dans les universités américaines, 32.5% des femmes du corps professoral ont un poste non permanent, comparativement à 19.6% des hommes. Sans surprise, entre 1998 et 2012, 92% des hommes blancs du corps professoral ont obtenu un poste permanent, alors que la même promotion n'a été accordée qu'à 55% des femmes. Les femmes font également face à des défis spécifiques à leur genre lors de la poursuite de leurs études graduées: elles sont plus fréquemment aidantes naturelles (pour leurs enfants, ou leurs parents vieillissants), ce qui les force à jongler avec leurs responsabilités familiales et tenter de demeurer compétitives dans un milieu de travail qui favorise les candidats pouvant facilement travailler à l'étranger.

Le sexisme dans le milieu académique est aussi présent avant même de commencer son parcours scolaire. Une étude menée par Katherine L. Milkman de l'Université de Pennsylvanie a mis en lumière des inégalités dans le mentorat. Plus précisément, l'équipe de recherche a envoyé à 6548 professeurs de diverses universités américaines un courriel fictif présentant un(e) potentiel(le) candidat(e) au doctorat. Ils ont analysé les réponses des professeurs, et ont démontré que les candidats mâles blancs recevaient une réponse positive pour rencontrer le professeur 26% plus souvent que les femmes ou les candidats issus des minorités racisées. Également, les professeurs répondaient plus rapidement aux candidats mâles blancs.

Même si les femmes ont accès de plus en plus aux études graduées, ces dernières sont néanmoins plus susceptibles d'être harcelées sexuellement dans le milieu académique, ou encore de se faire accuser d'être «distractingly sexy». Tim Hunt, un scientifique et récipiendaire d'un prix Nobel, a fait ce commentaire pertinent au sujet de ses collègues féminines, lors d'une conférence en Corée du Sud: «le problème avec les filles, c'est qu'elles tombent en amour avec vous, vous tombez en amour avec elle, et lorsqu'elles sont critiquées, elles pleurent».

Alors, si vous êtes assez chanceux de côtoyer des femmes brillantes dans le milieu académique, en tant qu'étudiante ou professeure, vous devriez leur dire à quel point elles sont inspirantes.

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