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La poudre pour bébé est-elle vraiment toxique?

Y aurait-il un risque associé aux phtalates dans les poudres de talc et le cancer des ovaires? Cette question demeure sans réponse.
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Les tristes histoires derrière les poursuites contre Johnson & Johnson soulèvent tout un débat en science : comment réglementer l’utilisation de produits dont on sait peu de choses quant à leurs effets toxiques à long terme?
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Les tristes histoires derrière les poursuites contre Johnson & Johnson soulèvent tout un débat en science : comment réglementer l’utilisation de produits dont on sait peu de choses quant à leurs effets toxiques à long terme?

L'entreprise américaine Johnson & Johnson fait partie du quotidien de nombreuses familles, entre autres grâce à ses produits de toilette pour nourrissons. Plus particulièrement, nous connaissons tous leur fameuse poudre pour bébé, en vente depuis 1894. Un produit apparemment inoffensif, mais qui cause bien des maux de tête aux dirigeants de Johnson & Johnson. En effet, en 2016 seulement, la compagnie a été condamnée à payer 192 millions $ à trois victimes affirmant avoir développé un cancer des ovaires à la suite de l'utilisation de leur poudre pour bébé. En juin 2017, c'est un quatrième jugement obligeant Johnson & Johnson à verser 110 millions $ à une femme de la Virginie qui vient entacher la réputation de la multinationale.

La poudre pour bébé est en fait une poudre de talc, dont l'ingrédient principal est le silicate de magnésium. Plusieurs femmes utilisent ce produit dans leur routine d'hygiène personnelle, en particulier près de la région génitale. Depuis les années 1970, certaines études ont observé une association entre l'utilisation de poudre de talc et l'augmentation du risque de cancer des ovaires. Mais une association entre deux facteurs ne traduit pas nécessairement d'un lien de cause à effet. Alors, qu'en est-il du véritable pouvoir cancérigène de la poudre de talc?

La pause-science

Outre les associations entre utilisation de poudre de talc et cancer de l'ovaire démontrées dans certaines études de cas, nous savons également que des particules de talc sont retrouvées en plus grandes quantités dans les cellules ovariennes cancéreuses. Pourquoi? Il semblerait que le tractus génital féminin permettrait le mouvement de ces fines particules à travers l'utérus, puis les trompes de Fallope, jusqu'à la surface des ovaires!

L'inflammation produite par l'exposition aux particules de talc engendrerait notamment la production de petits messages chimiques, qu'on appelle cytokines.

Une fois à l'intérieur des cellules ovariennes, les particules de talc pourraient initier une réponse inflammatoire aiguë, qui est un facteur de risque connu du cancer des ovaires. Une inflammation trop importante peut, par exemple, promouvoir la division de cellules cancéreuses. L'inflammation produite par l'exposition aux particules de talc engendrerait notamment la production de petits messages chimiques, qu'on appelle cytokines. Certaines de ces cytokines favoriseraient le processus métastatique du cancer des ovaires. Ces explications, ne faisant pas tout à fait consensus dans la communauté scientifique, expliquent tout de même en partie la toxicité de la poudre de talc, et donc, sa possible implication dans le développement du cancer des ovaires. Cette pathologie est hormonale, et la scientifique en moi ne peut s'empêcher de penser que c'est là que réside en partie la réponse à l'énigme.

Les phtalates: imposteurs du système endocrinien

Le corps des femmes produit une panoplie d'hormones, comme les œstrogènes, qui sont impliqués dans la puberté, la reproduction, la santé cardio-vasculaire, et j'en passe! Notre cycle menstruel naturel et l'arrivée de la ménopause permettent de réguler les concentrations d'œstrogènes produites. Lorsque cette machine délicatement contrôlée ne l'est plus, on peut assister au développement de certaines maladies qu'on appelle « hormono-dépendantes ». Le cancer des ovaires en est un bon exemple, puisque la tumeur répond à l'œstrogène en se développant davantage. Mais qu'est-ce qui explique ce « trop-plein » d'œstrogènes? Les causes sont variées, mais les facteurs environnementaux comme l'exposition à des contaminants sont au banc des accusés.

Y aurait-il un risque associé aux phtalates dans les poudres de talc et le cancer des ovaires? Cette question demeure sans réponse.

Prenons les phtalates, par exemple : petites molécules chimiques couramment utilisées dans les cosmétiques, car elles stabilisent le parfum et augmentent l'absorption du produit. Vous l'aurez deviné, on retrouve des phtalates dans la poudre pour bébé. Le problème avec les phtalates, c'est que ces substances sont des perturbateurs endocriniens : elles modifient la synthèse, le transport ou l'élimination des hormones naturelles de notre corps. Par exemple, nous savons que les phtalates peuvent altérer le développement normal des ovaires et mimer les œstrogènes. Les études documentant les effets des phtalates sur la santé des femmes sont peu nombreuses, mais certaines associations ont été démontrées avec le développement de cancer du sein. Y aurait-il un risque associé aux phtalates dans les poudres de talc et le cancer des ovaires? Cette question demeure sans réponse.

Agir avec précaution?

Les tristes histoires derrière les poursuites contre Johnson & Johnson soulèvent tout un débat en science : comment réglementer l'utilisation de produits dont on sait peu de choses quant à leurs effets toxiques à long terme? En qualité de scientifiques, comment cibler et mesurer efficacement les effets de ces contaminants auxquels nous sommes exposés de façon chronique et à faibles doses? Une question bien épineuse, qui méritera un (ou plusieurs!) autre article.

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