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Prince: le bas de laine pour assister à son prochain concert qui ne me servira plus

Jeudi dernier, un coup d'oeil furtif à mon fil d'actualité Twitter m'apprenait la mauvaise nouvelle; le bas de laine que je m'étais constitué pour assister à son prochain concert ne me servirait jamais...
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Le 21 mai 2015, je me suis permis de prendre ma pause-déjeuner une heure à l'avance avec la ferme intention de revenir munie d'un trésor convoité depuis que j'ai une dizaine d'années.

Cette fois-ci encore, hélas, 21e siècle digital et connecté oblige, je n'ai pas pu mettre la main sur les précieux billets qui étaient disponibles uniquement en ligne.

Jeudi dernier, un coup d'oeil furtif à mon fil d'actualité Twitter m'apprenait la mauvaise nouvelle; le bas de laine que je m'étais constitué pour assister à son prochain concert ne me servirait jamais...

Dans un monde où certains trouvaient à redire sur le fait que ma sœur et moi possédions autant de poupées que de petites voitures, passions de la dînette aux jeux vidéos sans transition, dans un monde où à l'extérieur du cocon familial, on essayait de nous imposer l'idée que chaque sexe avait un rôle et un comportement bien défini, la découverte de ce grand artiste, que dis-je, de cette légende, a été une véritable révélation autant qu'une révolution.

Son côté androgyne totalement assumé, à grand renfort de talonnettes, de regards savamment soulignés d'un trait d'eye-liner, de tenues toutes plus flamboyantes et sulfureuses les unes que les autres et de cheveux coiffés-décoiffés à la perfection, m'offrait une nouvelle perspective des choses.

D'aucuns le traitaient d'efféminé et autres termes dégradants que je ne me donnerai pas la peine de retranscrire mais, j'attends encore l'avènement d'un homme noir d'à peine 1m57 doté d'une beauté aussi insolente que troublante, d'une voix grave et dégageant un sex-appeal qui ne saurait être décrit que par cette perle de gazouillis (tweet):

«Prince te ravira ta femme, lui piquera ensuite ses habits et ravira une autre femme, vêtu des habits de ta femme.» (traduction libre)

Dans un monde donc, qui cherche à mettre tout le monde, et surtout les hommes noirs dans une case bien définie, dans un modèle de masculinité unique et préétabli, il affirmait dans sa chanson I would Die 4 u «Ni femme, ni homme, je suis quelque chose que vous ne comprendrez jamais». Avec les années, il a mis son côté androgyne en veilleuse, mais il a été sans contredit une inspiration pour bien de jeunes hommes et femmes de couleur, qui ne correspondaient pas à ce que l'on attendait d'eux.

Un des aspects qui me le faisait apprécier encore plus est la place qu'il donnait aux femmes dans sa vie et tout au long de sa carrière. Il les poussait à s'affirmer et s'assumer dans leur entièreté, à ne pas avoir peur ni honte de leur sexualité.

Vanity, Sheila E., Appolonia, 3rdeyegirl... il en a pris plusieurs sous son aile. Des femmes aussi sulfureuses que lui, fortes, qu'il a mises sur le devant de la scène, qu'il a aimées et épousées pour certaines, avec lesquelles il a collaboré, allant même parfois jusqu'à produire leurs albums solo sous des pseudonymes, pour ne pas leur faire de l'ombre. Je vous l'accorde, il n'était pas toujours parfait dans sa représentation des femmes ni dans son rapport avec elles - il est franchement exécrable avec Appolonia dans Purple Rain - il n'en demeure pas moins qu'il vouait un véritable culte à la gent féminine.

Au-delà de sa flamboyance, de son côté provocateur et de son statut d'icône de la mode, c'était surtout un musicien de génie. Auteur, compositeur, interprète, multi-instrumentiste, virtuose, possédant une tessiture incroyable, c'était un des rares artistes qui pouvait se targuer d'être indépendant.

Sa capacité à se réinventer et à rester pertinent d'une décennie à l'autre, sans jamais se compromettre, était un rappel constant (pour ceux qui l'ont oublié) que le Rock and roll et le Funk sont des styles musicaux créés par les Noirs.

Prince était un homme noir et fier de l'être, qui s'assumait pleinement et entièrement et ne faisait aucun compromis à ce propos. Lors de la cérémonie des Grammys en 2015, alors qu'il présentait le titre d'album de l'année, il affirmait «Tout comme les livres et la vie des Noirs, les albums restent importants» (traduction libre), une référence claire au mouvement Black Lives Matter.

Je me joins donc à la pléthore de gens connus et moins connus qui rendent hommage à l'artiste et à l'homme qu'il était. Merci Prince. Pour ton talent, ta musique, ton authenticité, ta fierté d'être un homme noir. Merci de m'avoir transmis l'amour des pantalons à taille haute et des chemises à jabot. Et surtout, merci de m'avoir fait comprendre que je n'avais en aucun cas à me laisser définir par autrui et que mes prétendues excentricités sont ma force.

Le Prince n'est plus. Longue vie au Prince!

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