Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Ces mères adolescentes à qui on enlève l'enfant

Parmi les adolescentes prises en charge au moment de l’accouchement, 49% de leurs enfants étaient placés avant l’âge de deux ans, et 25% l’étaient dans leur première semaine de vie.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
ollinka via Getty Images

Il existe un lien bien établi entre la grossesse chez les adolescentes et les services de protection de l'enfance. Les filles qui passent du temps dans les services de protection de l'enfance ont des taux plus élevés de grossesse à l'adolescence, et ces mères adolescentes sont plus susceptibles de voir leur enfant pris en charge. Pour leur part, celles qui donnent naissance pendant une prise en charge par les services publics sont encore plus susceptibles de voir leurs enfants placés.

Jusqu'à tout récemment, nous n'avions aucune donnée à cet égard.

On se rend compte maintenant que cette situation se produit très souvent. Dans une étude publiée récemment dans Pediatrics, mes collègues et moi-même avons suivi les enfants de 5942 mères adolescentes du Manitoba jusqu'à leur deuxième anniversaire pour savoir combien d'entre eux avaient été pris en charge.

Notre constat: parmi les mères adolescentes prises en charge au moment de l'accouchement, 49% de leurs enfants étaient placés avant l'âge de deux ans, et 25% l'étaient dans leur première semaine de vie.

Par comparaison, dans le cas de mères adolescentes qui n'étaient pas prises en charge au moment de l'accouchement, 10% de leurs enfants étaient placés avant leur deuxième anniversaire, et 2,5% d'entre eux l'étaient dans leur première semaine de vie.

Ces données nous indiquent que les mères adolescentes prises en charge lors de l'accouchement sont plus de 11 fois plus susceptibles de voir leur enfant placé pendant la première semaine de vie et plus de 7 fois plus susceptibles de voir leurs enfants placés avant qu'ils atteignent leur deuxième anniversaire.

Pourquoi cette différence?

Même si toutes les mères adolescentes courent un risque élevé de voir leur enfant placé, pourquoi celles qui accouchent pendant leur prise en charge courent-elles un risque significativement plus élevé?

Les jeunes femmes en foyer d'accueil font face à de nombreux défis et n'ont souvent pas le soutien financier et parental que les mères adolescentes trouvent auprès de leur famille. Bien que le fait de devenir mère puisse être une période joyeuse et donner aux jeunes femmes l'occasion de créer une famille qu'elles n'ont peut-être pas eue, leur rôle parental pendant leur prise en charge s'accompagne de défis supplémentaires.

Ces jeunes mères ont souvent l'impression d'être constamment surveillées par leurs travailleurs sociaux et elles doivent toujours prouver à tout le monde qu'elles sont capables de devenir parents.

Le programme mère-enfant de Portage à Montréal a connu du succès en offrant des logements aux mères et à leurs enfants dans le cadre de programme de réadaptation.

Le placement en institution pendant la première semaine de vie est parfois associé à la consommation de substances chez les mères biologiques, une situation que l'on voit plus souvent chez les adolescentes prises en charge. Cependant, le traitement de la toxicomanie est moins efficace lorsque les femmes sont séparées de leurs enfants. Des programmes tels que le programme mère-enfant de Portage à Montréal ont connu du succès en offrant des logements aux mères et à leurs enfants dans le cadre de programme de réadaptation. On devrait créer davantage d'établissements de la sorte partout au Canada.

Le gouvernement échoue dans son rôle de parent substitution et, dans ces cas, de grands-parents de substitution.

Lorsqu'un jeune est pris en charge, le gouvernement assume le rôle de parent de substitution pour cet enfant. En séparant le quart des jeunes mères de leur bébé au cours de la première semaine de vie, et presque la moitié d'entre elles avant que l'enfant n'atteigne ses deux ans, le gouvernement échoue dans son rôle de parent substitution et, dans ces cas, de grands-parents de substitution.

Il faut mettre davantage l'accent sur les placements jumelés, dans la mesure du possible: les mères et les enfants devraient être placés ensemble. Cela permettrait aux mères et à leurs enfants de créer le lien parental. Pour ce type de placement, il faut offrir des soutiens particuliers aux jeunes mères (finances, logement, garde d'enfants et éducation) pour les aider à faire une transition dans leur rôle parental.

Pour notre étude, nous avons utilisé les données du Manitoba, qui affiche le taux le plus élevé d'enfants pris en charge par la province. Or, le problème n'est pas propre à cette province.

Les provinces canadiennes qui montrent un taux relativement bas d'enfants pris en charge par rapport aux autres provinces ont encore des taux plus élevés que ceux de beaucoup d'autres pays, et les enfants autochtones sont extrêmement surreprésentés dans le système de protection de l'enfance à travers le pays.

Le travail acharné de nombreux défenseurs des droits de l'enfant a donné un nouvel élan pour relever les défis du système canadien de protection de l'enfance, en particulier dans les communautés autochtones. Le fait de ne pas soutenir les jeunes mères prises en charge contribue à ce que l'on appelle la «rafle du millénaire», tristement semblable à l'élimination systématique des enfants dans les années soixante.

Faisons en sorte que ces familles obtiennent le soutien dont elles ont besoin pour s'assurer qu'elles sont la dernière génération à vivre cette expérience de séparation.

À VOIR AUSSI:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.