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Francophonie et succession d'Abdou Diouf: fin des mythes et principe de réalité

À moins d'un mois du sommet de Dakar, la question du choix du successeur d'Abdou Diouf à la tête de la Francophonie commence à enflammer les passions.
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À moins d'un mois du sommet de Dakar, la question du choix du successeur d'Abdou Diouf à la tête de la Francophonie commence à enflammer les passions.

Contrairement à ce qui avait été imaginé il y a un an, à Paris comme en Afrique, aucun dirigeant ne s'est imposé, qui serait passé sans presque faire campagne de son bureau présidentiel africain à l'avenue Bosquet. Malgré les sollicitations des Chancelleries, la Francophonie n'a pas fait recette auprès du cercle restreint des chefs d'Etat du Sud susceptibles de rechercher sur les berges de la Seine un nouveau cadre de vie et de travail.

Avec cette réalité nouvelle est venu le temps de mettre un terme à une prétention d'inspiration monarchique supposée compenser le recul de la langue française dans le monde par le prestige d'une personnalité aux pouvoirs thaumaturges. En effet, pas plus que le Roi de France ne guérissait les écrouelles, le fait d'avoir été président dans son pays ne donne au Secrétaire général de l'OIF le pouvoir de replacer d'un coup de baguette magique notre langue au centre du monde.

Au demeurant ne devenait-il pas incompréhensible que la Francophonie persiste à s'imposer le choix systématique d'un ancien chef d'Etat alors même qu'aucune obligation semblable n'est en usage au plus haut niveau des Nations unies, de l'Unesco ou du Commonwealth?

Oui, l'heure est venue d'un débat adulte et nous avons en quelques mois fait des pas de géant en convenant qu'avec le départ d'Abdou Diouf il nous faut passer à la tête de l'OIF d'une "légitimité charismatique" à une "légitimité légale rationnelle" pour reprendre la classification fameuse du sociologue allemand Max Weber.

Cette évolution n'est pas, loin s'en faut, symbole de médiocrité et d'affaissement. Le refus de la "grandeur", au sens ironique que lui donnent les américains, doit impliquer en retour une capacité d'analyse, de propositions et d'action du candidat sur le monde réel.

A cet égard, deux candidats au moins ont heureusement apporté un renouveau programmatique. Le mauricien Jean-Claude de l'Estrac a, le premier, compris la nécessité et l'intérêt d'une campagne de contenu et non de seule communication. Il a donné le la et a su imposer ses thèmes et leur donner de la consistance, notamment sur la francophonie économique et la gestion de la diversité. Le burundais Pierre Buyoya a suivi également, mais plus tardivement, la ligne de son concurrent est-africain. Hélas, malgré une approche non dépourvue d'intérêt, son projet demeure victime d'un inexplicable sentiment de "placage" d'un discours construit à son attention mais auquel ne correspond guère le passé du candidat.

Après le "statut présidentiel" du candidat, une autre fausse valeur est tombée au champ d'honneur de cette campagne inédite, celle de la taille et du poids du pays candidat. Force est de reconnaître que cette conviction-là renvoyait curieusement ses promoteurs -et promotrices!- à une forme de vanité masculine aussi incurable que naïve.

"Plus grand, plus riche, plus puissant donc plus légitime" semblait être la devise de la nouvelle République francophone universelle. Eh bien non, la puissance véritable, celle de l'esprit s'entend, ne se mesure pas à l'étendue des plaines et des déserts, au niveau des ressources pétrolières ou à la solidité supposée d'un système bancaire!

Comme l'écrivait Federico Mayor Zaragoza dans sa postface à l'ouvrage de Jean Claude de l'Estrac sur l'histoire de l'île Maurice "Au sein de la communauté internationale, il n'est de pays si grand qu'il n'ait de leçon à apprendre, de même qu'il n'est de pays si petit qui n'ait de leçon à donner: c'est ce que je n'ai cessé de répéter durant mes deux mandats à l'UNESCO". Pour incarner ce soft power de la culture et de l'humanisme francophones, l'exemple de Maurice, qui a su en moins de cinquante ans assurer une coexistence heureuse sur son territoire à toutes les cultures du monde et créer les conditions d'un exceptionnel développement économique, ne manque pas de sens.

Si "la responsabilité des grands États est de servir et non pas de dominer les peuples du monde" pour reprendre la formule de Truman, celle des plus petits est d'incarner par l'exemple des voies à suivre, notamment en matière de gestion de la diversité. A cette aune, l'ancienne Ile de France, devenue Maurice, un des rares pays dans le monde où le Français gagne chaque année des positions, satisfait à l'évidence tous les critères pour porter un message de paix et de tolérance à valeur universelle.

En revanche, on ne manquera pas de s'interroger sur la signification d'une candidature à la Francophonie d'un grand pays, le Canada pour ne pas le nommer, qui vient de supprimer au 30 septembre le bénéfice traditionnellement accordé à l'immigration d'origine francophone!

Dernier bastion d'un politiquement correct qui vise à inhiber la réflexion collective, la question de la femme, qu'il convient de ne pas confondre avec celle de la promotion d'une femme. Depuis plusieurs mois, le débat vise à faire accroire que l'un des candidats, parce que femme, est naturellement plus qualifié pour occuper le Secrétariat général de la Francophonie que ses compétiteurs. Il s'agit là d'une erreur de logique qui est porteuse d'effets négatifs à venir pour la cause des femmes.

Ce qui importe est de valoriser l'éducation des jeunes filles pour les insérer au meilleur niveau en tant que femmes dans le monde professionnel. Le combat pour l'égalité des sexes et la promotion des femmes ne se portera pas bien si les Etats et les hommes d'Etat s'achètent une bonne conscience par des mesures symboliques sans effet d'entrainement sur les structures de la société. Dilma Roussef n'a pas gagné dans son pays en se prévalant du fait d'être femme. Elle s'est soumise à une exigence démocratique et l'a emporté parce qu'elle a été jugé plus compétente que son adversaire. A Dakar, la Francophonie ne gagnerait pas à instaurer une "discrimination positive" qui relèguerait de facto le débat de fond à un second plan.

Pour la première fois depuis la création de l'OIF, la France semble avoir décidé de ne pas faire le roi et entend s'en remettre à la sagesse de l'Afrique. C'est un choix qui ne devrait pas perturber les consciences, bien au contraire. On ne peut pas, en effet, clamer urbi et orbi sa détestation du post-colonialisme et venir chercher le soir venu l'onction élyséenne. La posture du président Hollande est, en ce sens, moderne et responsabilisante, en particulier pour l'Afrique francophone.

Elle devrait appeler de nos chefs d'Etat une réponse guidée par quelques critères simples: le souci de l'unité africaine, le respect des valeurs démocratiques, la promotion et la place effective du français dans nos pays et, naturellement, un examen critique des projets en lice.

Faire caïman (Côte d'Ivoire)

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