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La mixité et la diversité, avenir du monde

Nos enfants seront beaucoup mieux équipés que nous pour naviguer dans une société qui est incroyablement diversifiée, et qui devient de plus en plus complexe.
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J'ai pris cette photo il y a quelques semaines. J'étais assise avec ma famille à la terrasse d'une brasserie dans le 12e arrondissement à Paris, où nous vivons.

Mon fils, Tammem (petit métis anglo-tunisien, né en France), portait de nouveaux vêtements, et jouait fièrement avec un nouveau super-héros (Superman, en cas de doute). On fêtait l'Aïd à la fin du Ramadan.

Plus tard cette année nous allons nous déguiser pour Halloween. Nous irons regarder les feux d'artifice au mois de novembre pour «Bonfire night» et nous mangerons les fish and chips.

On fêtera Noël avec un sapin et une dinde rôtie (à l'anglaise), et peut-être une deuxième fois avec des huîtres (à la française). Nous préparerons des crêpes pour la Chandeleur, et nous en referons encore pour «Shrove Tuesday». Nous fêterons Pâques avec une chasse aux œufs, et des tas de chocolat. Mon fils collera un poisson en papier au dos d'une personne qui ne se doutera de rien le 1er avril.

On fêtera la naissance du prophète Mohamed avec «la assida» aux noisettes. On achètera de la viande halal pour fêter «l'Aïd El Kébir», avant de s'offrir un cadeau en forme de mouton (petite tradition familiale un peu étrange).

Dans un an, nous regarderons encore les feux d'artifice pour la journée de la Bastille.

Aux JO, nous soutiendrons la Grande-Bretagne, la France et la Tunisie, et s'il ne reste plus personne de nos pays d'origine, nous choisirons l'Italie, ou l'Irlande, ou le Canada ou l'Australie, soit parce qu'on est attaché à ces pays grâce aux gens que nous aimons, soit tout simplement parce que nous adorons manger les pâtes ou la poutine.

Mon fils vivra tous ces moments, et il va en profiter à fond. Et surtout, il trouvera ce mélange de traditions et d'allégeances tout à fait normal.

Tout ce qui se passe dans le monde ces derniers temps, tout ce qu'on lit dans les actualités ces dernières années, semblent s'immiscer dans chaque petit coin de ma vie. Je sais que je ne suis pas la seule qui connaisse ce sentiment.

«Nos enfants seront beaucoup mieux équipés que nous pour naviguer dans une société qui est incroyablement diversifiée, et qui devient de plus en plus complexe.»

Qu'on ressente l'impact d'un évènement directement, ou qu'on lise/regarde/entende parler dans la presse, à la télé et dans les médias sociaux, nous avons chacun ce sentiment lourd au fond de nous: «Cela aurait pu être moi» ou «cela va changer ma vie, et je n'y peux rien».

Du terrorisme en France et en Tunisie, au BREXIT au Royaume-Uni; les débats autour de l'immigration, la discrimination, la radicalisation, le nationalisme n'ont jamais été aussi brûlants et violents. J'ai lu et j'ai entendu des commentaires qui m'ont choquée et qui m'ont blessée.

Dans ce contexte, il y a une étrange responsabilité pour des personnes comme moi qui vivent dans une famille multiculturelle. On s'inquiète profondément pour ses enfants, l'enfant qui est le cumul, le carrefour, d'autant de langues, religions, traditions et expériences culturelles. On se rend compte que son enfant est très vulnérable, attaquable pour tout plein de raisons infondées.

Aujourd'hui ils en sont inconscients, mais un jour ils pourraient facilement devenir victimes de tout plein d'idées fausses et de préjugés.

C'est là que j'espère me tromper. Nos enfants ont énormément de chance de vivre des vies aussi riches, et de grandir entourés par autant de variété et de diversité. Je me suis créé une petite famille assez «compliquée»; trois nationalités, deux religions. Mais les familles «compliquées» deviennent de plus en plus la norme.

Ma famille n'est pas forcément spéciale, les choix que j'ai pris ne sont pas forcément courageux. Ma vie s'est construite ainsi. Mais les conséquences sont importantes.

Toutes les choses que nous (ou nos parents ou nos grands-parents) trouvons nouvelles, étranges, ou les choses dont on ne serait pas tout à fait sûrs, ces mêmes choses sont normales pour nos enfants.

Tammem grandit avec des amis et des camarades de classe dont les parents sont français, britanniques, tunisiens, polonais, américains, grecques, italiens, chinois. Il y a Dorra, Léomil, Juliette, Clara, Andreas, Mehdi, Lily, Yassine, Lyronn, Benjamin, Kadidia, Maxime, Ruben, Asia, Giulia, Enzo...pour lui, c'est tout pareil.

Il apprend de nouveaux prénoms sans demander leurs provenances. Il ne se rend pas compte de la couleur de peau de ses amis, ou du fait qu'ils aient une origine différente de celle des parents qui les élèvent. Il s'en fiche si un papa porte la kippa et part à la synagogue, ou si une maman porte le voile et prie cinq fois par jour.

C'est tout à fait acceptable pour d'autres enfants de parler à leurs parents dans une langue qu'il ne comprend pas. S'il se trouve que sa nouvelle camarade est chinoise et qu'elle ne comprend pas encore tout à fait le français, il lui parlera en anglais, ou sinon il va mimer pour qu'elle comprenne. Il s'en fiche qu'un enfant vive avec deux mamans ou deux papas, ou dans une famille monoparentale.

Quand les gens lui disent «Waouh Tammem, tu parles anglais ET français!», il répond «ET l'arabe!». Ce n'est pas parce qu'il veut frimer (même s'il est doué pour ça aussi), c'est juste parce que c'est normal.

Nos enfants seront beaucoup mieux équipés que nous pour naviguer dans une société qui est incroyablement diversifiée, et qui devient de plus en plus complexe. Nous devons accepter et célébrer cette nouvelle dynamique, et arrêter de regarder en arrière, pensant à comment les choses «devraient» être ou comment les choses se faisaient «avant».

Nous pouvons être fiers de contribuer à une génération d'enfants pour qui toutes les origines, religions, orientations sexuelles, langues et traditions sont acceptées et tout à fait normales.

Les super-héros dans cette photo étaient présents par coïncidence. Mais avec le recul, ils sont bien à leur place. Nous élevons les super-héros de demain. Ce n'est pas rien. C'est une énorme responsabilité.

J'espère de tout mon cœur que cette petite génération pourra nous réparer. On n'y arrive pas encore super bien tous seuls. Alors, évitons de les abimer avec notre haine, avant même qu'ils aient l'occasion de commencer.

Ce billet de blogue a initialement été sur Al Huffington Post Tunisie.

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