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Ce que signifie être parents gais en France

Nous vivons dans le centre de Paris et nous n'avons pas réalisé à quel point nous avions de la chance d'être dans un environnement mixte et tolérant. Robert fait partie du conseil d'école, et nos enfants n'ont presque jamais été confrontés à des incidents clairement homophobes.
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Rear view of a boy walking with two men in a park
Getty Images
Rear view of a boy walking with two men in a park

Edwin est un Américain vivant en France depuis treize ans. Robert est un fonctionnaire français. Ils sont ensemble depuis vingt-quatre ans, et ont des jumeaux de 7 ans, nés d'une mère porteuse aux États-Unis. Les enfants appellent Edwin "daddy" et Robert, "papa".

Comme beaucoup de parents, notre principal objectif est de fournir un environnement sûr et rassurant au sein duquel nos enfants peuvent développer leur personnalité et leurs intérêts. Des enfants qui se sentent aimés et protégés seront des enfants confiants, prêts à expérimenter des choses différentes et à affronter de nouveaux défis.

Quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois, Edwin avait déjà évoqué son désir d'avoir des enfants, mais venant tous les deux de familles très traditionnelles, nous avions du mal à imaginer dans quel genre d'environnement un enfant avec des parents homosexuels pourrait s'épanouir, et se sentir accepté par la communauté dans laquelle nous vivons.

Dix-sept ans plus tard, nous nous sommes retrouvés à annoncer que nous attendions des jumeaux à nos amis, familles et collègues, mais aussi à la mairie, à la crèche, et plus tard, à l'école maternelle. Une chose bien naturelle, et pourtant... Nos amis ont eu des réactions mitigées, allant de : "Vous faites la plus belle chose du monde" à "Vous avez déjà réussi votre une carrière, votre couple, pourquoi ce besoin d'enfant ?". Dans nos relations avec les services publics en revanche, nous avons toujours été traités avec respect et professionnalisme, même si la plupart du temps, on nous confiait que nous étions le premier couple ouvertement homosexuel à les contacter.

Nous vivons dans le centre de Paris et nous n'avons pas réalisé à quel point nous avions de la chance d'être dans un environnement mixte et tolérant. Robert fait partie du conseil d'école, et nos enfants n'ont presque jamais été confrontés à des incidents clairement homophobes. Une fois, pendant des vacances d'été, un petit garçon de 5 ans a lancé à notre fille : "Ce n'est pas bien d'avoir deux papas !" Notre fille a répliqué dédaigneusement : "C'est génial ! Mais qu'est-ce que tu en sais, toi, de toute façon ?" Remis à sa place, l'enfant n'a pas su quoi répondre et s'est éclipsé.

Nous savons malheureusement que ce n'est que le début. Nos jumeaux sont en CP et plus ils vont grandir, plus ils se sentiront obligés de se plier aux normes sociales. Nous nous inquiétons déjà du climat violent qui règne sur le terrain de jeux. Les enfants peuvent se montrer cruels et choisiront comme prétexte toute particularité - poids, taille, ethnie - pour s'en prendre à d'autres enfants. C'est donc à nous de les armer de confiance et d'estime de soi pour qu'ils puissent répondre à ces attaques.

Le 17 mai dernier, Journée internationale contre l'homophobie, notre fils nous a demandé ce que signifiait ce mot. Cela nous a donné l'opportunité de discuter pour la première fois avec nos enfants de la manière dont il fallait répondre à ces moqueries. Ils ont eu du mal au début à comprendre ce qui n'allait pas dans le fait d'avoir deux papas. "C'est génial", nous ont-ils dit, mais notre fille a ajouté : "Parfois, quand j'essaie de parler de ma famille avec d'autres enfants, ils ne comprennent pas toujours." Nous lui avons demandé : "Mais est-ce que toi, tu comprends ?" "Oui", a-t-elle répondu.

Leurs enseignants nous ont dit que dès leur plus jeune âge, ils ont toujours été ceux qui savaient le mieux identifier les membres de leur famille, leurs grands-parents maternels, leurs grands-parents du côté de daddy, leurs grands-parents du côté de papa. Nous ne leur avons jamais caché la façon dont ils étaient nés, car nous pensons non seulement que c'est leur droit, mais que cela les aide aussi à être solides et se sentir protégés. Bien sûr, nous employons un langage adapté à leur âge : "Votre daddy et son amie Marelle ont donné chacun une petite graine que nous avons mise dans le ventre de notre mère porteuse, Girlie. Girlie vous a portés pendant neuf mois, pour que Daddy et Papa puissent prendre soin de vous après votre naissance."

La reconnaissance va bien au-delà de la simple tolérance, et en cela, nous avons beaucoup de chance. Un petit groupe de parents prennent un café ensemble tous les matins après avoir posé les enfants à l'école. Quand trois ou quatre de ces parents nous ont demandé si nous aimerions aller défiler avec eux en faveur de la loi pour le mariage homosexuel, nous nous sommes rendu compte que nous vivions dans une communauté partageant nos valeurs. Aujourd'hui, c'est ce qui nous importe le plus.

Alors que nous avions accueilli avec joie la loi autorisant le mariage homosexuel, nous avons été refroidis par l'ampleur du mouvement contre l'égalité dans le mariage, et aussi étonnés que tristes de voir comment l'idée d'étendre ces droits pouvait pousser les gens à descendre dans la rue manifester contre des familles comme la nôtre. Plus grave encore, nous nous sommes demandé dans quelle mesure la visibilité de la "Manif pour tous" ne facilitait pas l'émergence d'une nouvelle vague homophobe, sous prétexte de protéger les valeurs familiales. En regardant toutes ces familles défiler, fières d'elles-mêmes, pour priver notre famille de ses droits, nous nous sommes demandé si elles savaient comme elles nous faisaient peur et comme elles nous semblaient représenter une bien plus grande menace pour nous que nous ne représentions un danger (imaginaire) pour elles. Nous nous sommes demandé si elles avaient vraiment pris le temps de parler avec et de chercher à comprendre les familles homosexuelles qu'elles veulent diaboliser. Enfin, nous nous sommes demandé ce qu'elles pouvaient bien dire à leurs enfants chez eux, que nos enfants réentendraient peut-être un jour dans la cour de l'école.

L'Unesco a présenté un rapport l'année dernière sur le harcèlement homophobe, qui montre les effets destructeurs de ce type de comportements sur le moral d'un enfant, sa capacité à apprendre, et son estime de soi. Nous avons entendu des évangélistes fondamentalistes américains s'opposer à des mesures anti-harcèlement parce qu'ils jugeaient qu'elles affaiblissaient l'ordre social en rendant l'homosexualité plus acceptable. Le fait que les garçons efféminés, les filles un peu masculines, ou les enfants venant de familles non traditionnelles sont terrifiés et ostracisés ne semblent pas les émouvoir. Quand on fait une démonstration de force pour impressionner, intimider et empêcher les gens de bien agir, comme lors des "Manifs pour tous", cela ressemble beaucoup à du harcèlement. Quand des parents font leur possible pour que leurs enfants se sentent aimés et acceptés, cela ressemble plutôt à une famille, qu'elle soit homosexuelle ou hétérosexuelle.

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