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Un spectre d'invalidité hante les lois du Québec

La négligence envers les textes anglais à l'Assemblée nationale aura des résultats néfastes pour les francophones et les anglophones durant des décennies.
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L'anglais à l'Assemblée nationale du Québec a été comprimé en deçà du minimum constitutionnel. La Cour suprême du Canada menace notamment d'invalidité les lois entachés de ce genre de vice (par exemple, dans le jugement Québec (P.G.) c. Blaikie et le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba).

Mise à part les vices constitutionnels, cette négligence des textes anglais aura des résultats néfastes pour les francophones et les anglophones. Les embûches linguistiques et les discordances avec le texte français répandront des coûts durant des décennies. Les citoyens et les entreprises devront faire les frais de ces incertitudes juridiques et de ces litiges inutiles.

Tant le texte français que le texte anglais des lois du Québec font autorité. Les tribunaux québécois prennent donc en compte les deux textes et tentent de les harmoniser. Devant une ambiguïté ou une divergence, les tribunaux ne peuvent pas présumer que l'un ou l'autre texte exprimera mieux l'intention du législateur.

Un texte anglais maladroit, avec une terminologie mal choisie, des discordances, des obscurités et des ambiguïtés, compromet l'accès au droit. Pourtant chaque année le problème de l'accès à la justice devient plus pressant au Québec, alors qu'une plus grande proportion de gens se représente devant les tribunaux sans l'aide d'un avocat.

La législation au Québec paraît en français et en anglais depuis le 18e siècle. La Constitution de 1867 a consacré le statut du français et de l'anglais dans la législation fédérale et québécoise, comme l'ont consacré des lois constitutionnelles subséquentes pour le Manitoba et le Nouveau-Brunswick. Ainsi, la Constitution exige une présence simultanée des textes français et anglais à chaque étape dans le processus d'adoption des projets de loi à l'Assemblée nationale.

Par le vote de première lecture, l'Assemblée nationale reçoit les textes français et anglais initiaux d'un projet de loi. Le texte français est alors étudié par une commission ou un comité de l'Assemblée. Le résultat de l'étude sera une série de propositions d'amendements au projet de loi.

Cependant, le texte anglais des amendements n'est pas couramment disponible avant le vote sur l'intégration des amendements dans le projet de loi. Les membres de l'Assemblée ne disposent que du texte français. Selon les directives actuellement en vigueur, si un membre demande un texte anglais avant le vote, l'Assemblée refusera de le lui en remettre.

Le vice-président de l'Assemblée a expressément refusé de tenir compte de la Constitution en tranchant ainsi, malgré le plaidoyer éloquent de Thomas Mulcair (alors membre de l'Assemblée nationale). Cette directive fut plus tard confirmée par le président de l'Assemblée.

Les entraves à la surveillance du texte anglais par les députés expliquent probablement pourquoi des erreurs se glissent même dans les lois intimement liées à la régie interne de l'Assemblée. Par exemple, la loi édictant le Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale (dont on fait grand cas dans le dossier de M. Péladeau) établit simplement dans son texte français que le commissaire à l'éthique et à la déontologie ne peut pas avoir des liens de parenté avec certaines personnes. Mais le texte anglais précise que le commissaire ne peut pas avoir ces liens de parenté par le sang, by blood (ce qui semble permettre ces liens de parenté par l'adoption).

Le texte anglais n'est pas nécessairement disponible, même quand l'Assemblée donne son approbation finale à une loi, au moment du vote de troisième lecture. Ceci est notamment le cas pour les projets de loi adoptés sous le bâillon, procédure réduisant les débats au minimum, ou adoptés dans l'empressement avant les vacances hivernales ou estivales. Cette négligence envers le texte anglais impose des délais très serrés aux traducteurs de l'Assemblée, une course contre la montre avant le moment de la brève cérémonie de signature par le lieutenant-gouverneur.

La situation est toute autre au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et au Parlement fédéral. Toute proposition d'amendement doit y être présentée avec ses textes français et anglais, avant que la proposition puisse être discutée et avant que le vote puisse avoir lieu.

L'Assemblée nationale devrait s'inspirer de ces exemples; elle devrait assumer ses devoirs constitutionnels et ses devoirs de transparence démocratique. Certaines voix suggéreront peut-être que les impératifs de la productivité interdisent une telle réforme de la procédure législative. Pourtant, une vénération trop assidue du rendement et de la rapidité peut doucement mener plus loin que l'on ne pense, même à l'oubli de sages balises constitutionnelles.

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