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Hormonothérapie féminine: contrer l'ignorance et la peur

Actuellement, pour traiter l'insuffisance en hormones féminines, le gouvernement québécois couvre sans restriction des médicaments risqués pour notre santé, au lieu de médicaments plus sécuritaires.
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Depuis des années, plusieurs femmes, dont j'en suis, se battent pour avoir accès à des traitements respectueux de nos corps. Actuellement, pour traiter l'insuffisance en hormones féminines, le gouvernement québécois couvre sans restriction des médicaments risqués pour notre santé, au lieu de médicaments plus sécuritaires, c'est-à-dire des hormones identiques à nos propres hormones. Les hommes, eux, ont accès, pour traiter l'insuffisance en testostérone, à une hormonothérapie bioidentique.

Ce traitement différencié entre les sexes est basé sur un phénomène que j'ai appelé la «misogynie hormonale», phénomène sociologique qui nous amène à craindre, à mépriser et à dénigrer les hormones féminines (contrairement à la testostérone, qui est de manière générale valorisée), les accusant de causer un tas de problèmes, incluant les cancers. Ce qui est contraire aux données de la science, ainsi que du plus élémentaire bon sens.

Au cours des dernières années, plusieurs interventions ont été faites, la dernière concerne la présente lettre envoyée à l'INESSS le 23 juin dernier (lettre qui fait suite à des communications précédentes). Plusieurs personnalités politiques sont au courant de nos démarches, et nous croyons qu'il est important que la population soit dorénavant informée, car le manque d'informations nous apparaît inacceptable. Les conséquences pour les femmes, et la société en général, sont trop importantes.

Lettre adressée à l'INESSS (première de trois parties)

À l'intention des membres du comité scientifique de l'INESSS (Institut national d'excellence en santé et en services sociaux), chargés de promouvoir l'excellence clinique et une bonne utilisation des ressources en santé,

Bonjour,

Je tiens d'abord à remercier Madame Linda Croisetière pour l'occasion qu'elle me donne de m'adresser à vous, qui avez une tâche difficile et noble: faire des recommandations au gouvernement du Québec quant à une bonne utilisation des médicaments, en tenant compte de la capacité de payer des Québécois.

Je suis une médecin de famille clinicienne-chercheure spécialisée en hormonothérapie (féminine et masculine) et docteure en médecine expérimentale, et je milite depuis longtemps pour que les femmes aient accès à une hormonothérapie bien prescrite. Ma demande est la suivante: en hormonothérapie féminine, vos recommandations doivent être changées.

J'axerai ma lettre autour de trois points (qui ne s'adressent pas seulement à vous, mais également aux médecins et autres professionnels de la santé): d'abord, il faut mettre à jour nos connaissances sur les hormones féminines; ensuite, il est primordial de bien prescrire l'hormonothérapie féminine; finalement, il faut réaliser l'immense impact positif, tant du point de vue humain que financier, d'une telle approche.

1- Il faut mettre à jour nos connaissances sur les hormones féminines: ces hormones jouent des rôles inestimables dans le bien-être et la santé des femmes.

Plusieurs croient, encore en 2015, que les hormones féminines ne servent qu'à la reproduction. Ainsi, selon cette croyance, lorsque les femmes ne désirent plus se reproduire, ou ne le peuvent plus, prendre des hormones ne procurerait aucun bénéfique réel pour leur santé et serait même dangereux.

À la lumière des connaissances actuelles, cette conception doit radicalement changer. Comme le veut la démarche scientifique: «Quand les faits changent, je change».

Depuis les années 1930, au cours desquelles les hormones féminines ont été isolées et caractérisées, jusqu'aux années 1960, avec la mise au point d'un premier contraceptif oral, les hormones féminines (estrogènes et progestérone) n'avaient été étudiées que sous l'angle de la reproduction. Mais les temps ont bien changé.

Dans les années 1970, le lien entre un taux faible d'estrogènes et le développement de l'ostéoporose est mis en évidence. Cette importante découverte n'a jamais été exploitée à sa juste valeur, à cause de la «grande peur des hormones féminines» et qu'on croit, à tort, que la prise de calcium et/ou de vitamine D, exerce un effet protecteur contre l'ostéoporose.

Depuis les années 1960 jusqu'à ce jour, de nombreuses études cliniques, ainsi que de nombreuses études en recherche fondamentale de plus en plus sophistiquées (particulièrement depuis les années 1990 avec le développement spectaculaire de la biologie moléculaire), ont permis de mettre en évidence les multiples rôles bénéfiques des hormones féminines en santé humaine. Chez l'adulte, homme ou femme, les estrogènes sont essentiels pour la santé, notamment la santé osseuse, cardiovasculaire et cérébrale. Un taux adéquat favorise le maintien d'une bonne santé globale. Les estrogènes sont également associés à une plus grande longévité.

Pourquoi, alors, avons-nous peur d'utiliser l'hormonothérapie féminine en présence d'une insuffisance en hormones féminines (secondaire au vieillissement des ovaires ou secondaire à une autre cause)? La grande responsable est l'ignorance. Une injustifiable ignorance. Il faut dire que les préjugés tenaces envers les hormones féminines jouent un rôle prépondérant, car on croit généralement, à tort, qu'elles sont mauvaises voire dangereuses. Quel message négatif envoyé aux femmes, ne trouvez-vous pas?

L'Ignorance, avec un grand «I», vient du fait que l'on ignore les multiples rôles bénéfiques des hormones féminines en-dehors du système reproducteur, que l'on confond les différents types d'hormonothérapie féminine, et que l'on ne dose pas ces hormones. Comme je dis toujours, en hormonothérapie féminine (comme pour tout type d'hormonothérapie), il faut donner les «bonnes hormones, au bon moment et au bon dosage».

2- Il est primordial de bien prescrire l'hormonothérapie féminine: il y a deux règles d'or à respecter pour prescrire les «bonnes hormones».

Depuis plus de 10 ans de pratique intensive en hormonothérapie féminine et masculine, j'ai perfectionné l'art et la science de bien prescrire ces hormonothérapies, et cela m'est d'une inestimable utilité en médecine. Je ne pourrais plus pratiquer la médecine autrement, sans me trouver inadéquate comme soignante.

Je ne discuterai pas ici de l'importance de débuter l'hormonothérapie féminine précocement (dès l'installation du ou des déficits hormonaux), ni de l'importance de doser les hormones féminines. Notez que je suis une pionnière de l'utilisation du dosage sanguin des hormones féminines en santé humaine, dosage qui permet de maximiser les bienfaits des hormones féminines et d'en minimiser les risques. Vous savez, toute substance bénéfique est bénéfique à un certain dosage - et peut s'avérer inefficace ou néfaste à un dosage trop faible ou trop élevé.

Je vais donc me limiter ici aux deux règles d'or qui ont trait à l'importance de donner les «bonnes hormones» en hormonothérapie féminine, car cela vous concerne directement. Rappelons que c'est votre organisme, chargé de conseiller le gouvernement du Québec en matière de couverture des médicaments par la RAMQ, qui a jugé que, de manière générale, tous les types d'hormonothérapie féminine présentaient un profil d'efficacité et d'innocuité similaires. Cela est faux. Sur cette fausse prémisse, le gouvernement du Québec se dit que si tout s'équivaut en hormonothérapie féminine, sauf exception, payons d'emblée ce qui coûte le moins cher. Ainsi, la RAMQ offre actuellement une couverture complète seulement à de «mauvais types d'hormonothérapie féminine» (estrogènes oraux et acétate de médroxyprogestérone) car ils coûtent moins chers que les «bons types d'hormonothérapie féminine» (estradiol-17β transdermique et progestérone: hormones dont la composition chimique est identique aux hormones féminines) qui sont des médicaments d'exception.

Suite à venir...

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