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CEIC: un rapport qui ne passera pas à l'histoire, mais...

Il y a deux manières de voir les choses, celle du verre à moitié vide et celle du verre à moitié plein...
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Nombreux sont les Québécois déçus du contenu du rapport de la Commission Charbonneau. Il y a cependant deux manières de voir les choses, celle du verre à moitié vide et celle du verre à moitié plein...

Le verre à moitié vide

Plus de 45 millions $ engloutis dans cette Commission, trois années de travaux, quelque 300 témoins, etc. On s'attendait à davantage et surtout à plus de mordant. C'est une baleine qui a accouché d'un poisson des chenaux. Voici les grandes faiblesses du rapport :

(1)Aucun blâme formel: afin de rehausser l'imputabilité de nos dirigeants politiques et d'affaires, il y a effectivement les peines criminelles et pénales, mais lorsque celles-ci sont difficiles à appliquer, la réprimande sociale demeure une peine minimale aux yeux des citoyens. C'est un minimum pour que la société ait le sentiment que les gens fautifs soient identifiés et ne s'en sortent pas impunément. Des dizaines de politiciens et gens d'affaires se réjouissent de s'en être sorti aussi bien. Tout au plus ont-ils eu quelques cauchemars...

(2)Très peu d'outils pratiques: des centaines d'entreprises de construction et d'ingénierie ont été impliquées dans la corruption, la collusion, les retours d'ascenseurs, les prête-noms, etc. Nous aurions souhaité que soient proposées des recommandations concrètes pour inciter ces organisations à rehausser leurs structures et leur culture : conseil d'administration ou comité consultatif; programme interne d'intégrité; nouveaux modèles d'affaires; système de pointage favorisant les entreprises honnêtes; etc.

(3)Trop peu de tapes sur les doigts pour nos politiciens: Jean Charest a été mentionné quatre petites fois dans les 1 700 pages, rien d'embarrassant. D'ailleurs, la Commission ne l'a même pas interrogé. Mais tous les Québécois savent que le système était vicié : des ministres qui avaient un objectif de financement de 100 000 $, des entrepreneurs qui incorporaient les prête-noms à leur stratégie de développement des affaires, les comportements critiquables des ministres Normandeau et Beauchamp, etc. Pire, on apprenait hier que des reproches visant le PLQ et le PQ avaient été abandonnés après que les deux formations politiques eurent fait des représentations en ce sens!

Le verre à moitié plein

Saluons le courage des Québécois d'avoir tenu une telle commission d'enquête. Au lieu de nous taire ou de nous cacher la tête dans le sable, nous avons agi. Quelques faits saillants de ce rapport :

(1)La vigilance citoyenne: la vigilance citoyenne est le plus important bouclier d'intégrité de notre société. Le PDG d'une grande firme d'ingénierie me disait il y a quelques années: «maudits baby-boomers... Maintenant, ils posent des questions quand on essaye de refaire leurs trottoirs à chaque cinq ans...» La vigilance citoyenne, le travail des journalistes et les médias sociaux sont devenus de puissantes armes garantissant un certain niveau de transparence. Certes, la collusion sera de retour, mais elle sera plus difficile dans un tel contexte. La Commission Charbonneau ainsi que l'éveil citoyen permettent de réduire ces pratiques et de contrôler le germe de cupidité qui sommeille en chacun de nous.

(2)Remise en question de la loi du plus bas soumissionnaire: aucun politicien n'a osé changer cette règle politiquement avantageuse auprès des électeurs. Pourtant tout le milieu des affaires est d'avis que cette règle est pernicieuse et est en partie responsable de la collusion et d'un bon nombre de nids de poules au Québec. Cette règle incite les entrepreneurs à miser bas, faisant en sorte que les critères de sécurité et de compétence sont relégués au second plan. Arrêtons l'angélisme et la recherche du prix Wal-Mart pour tout. Devrions-nous nous offusquer que des entrepreneurs reçoivent des marges de profit de 20 % ou 30 % si la compétence, la qualité et l'éthique sont au rendez-vous? Il est temps d'instaurer un système de pointage assurant un meilleur équilibre entre le prix et la qualité.

(3)Après l'AMF, l'AMP: la première recommandation et sans doute la plus importante aux yeux des commissaires, est la création d'une Autorité des Marchés Publics (AMP). Cette dernière serait à la fois responsable de l'encadrement et de la gestion des contrats publics. Cette recommandation a du sens, mais l'on compte déjà de nombreuses structures telles que l'UPAC, la RBQ, la CCQ, la CMQ, le DGE, etc. Depuis 2011, plusieurs autorités réglementaires et instances de gouvernance se sont beaucoup améliorées. Qu'est-ce que l'AMP apportera de plus? Risque-t-elle de déresponsabiliser certains organismes publics? Pourquoi cet organisme serait-il plus efficace que ceux déjà existants? Mais bon, laissons la chance au coureur...

(4)Plus de pouvoirs à certaines instances: saluons les recommandations haussant les pouvoirs du Vérificateur général du Québec (VGQ) auprès des villes de moins de 100 000 habitants, du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et du Commissaire à l'éthique et au lobbyisme.

(5)Financement politique: bien que les mesures soient timides, nous accueillons favorablement les recommandations voulant placer le financement politique à l'abri des influences, une plus grande imputabilité du chef du parti dans le financement, la transparence des bénévoles pour décourager les élections clés en main, l'interdiction de faire des promesses en infrastructure lors des élections, etc.

Les impacts de la Commission

Depuis trois ans le marché de la construction s'est contracté de plus de 10 % et le milieu de l'ingénierie a mis à pied plus de 20 % de sa main d'œuvre. Malgré ces impacts négatifs, c'est l'ensemble de la société qui bénéficiera de la Commission.

Plusieurs l'ont considérée comme trop longue, mais cette durée était nécessaire. Elle était nécessaire pour faire changer nos comportements et faire évoluer nos valeurs.

La Commission n'est pas une solution miracle, elle constitue un pas de plus sur le chemin de l'intégrité. Nous devons nous rappeler que la Commission n'a dressé qu'un diagnostic partiel du monde des affaires au Québec. Nous devons tous nous sentir concernés.

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Tony Accurso

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