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L'affaire KPMG et la création de voleurs

Il y a là un message d'injustice qui encourage la révolte des classes moyennes. Quelle est la solution?
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La semaine dernière, j'assistais au dévoilement annuel du Baromètre de confiance de la firme Edelman, un sondage réalisé aux quatre coins de la planète qui mesure la confiance de la population. Le principal constat? Les inégalités deviennent de plus en plus importantes dans les pays développés. Le fossé se creuse.

L'affaire KPMG, qui fait couler beaucoup d'encre depuis quelques semaines, est un exemple frappant de cette iniquité. Des millionnaires qui, grâce à leur argent, paient les stratagèmes de grandes firmes comptables qui au passage s'enrichissent, et dont les associés deviennent à leur tour millionnaires... On appelle cela de la création de valeurs... Ou plutôt : de la création de voleurs!

Il est difficile d'imaginer que cette affaire puisse se produire à une époque où l'on ne cesse de parler d'éthique.

En effet, de la main droite, plusieurs dirigeants de grandes entreprises et des professionnels de firmes prestigieuses tentent de faire entrer dans la gorge de millions d'employés des codes d'éthique interdisant les petits dîners, les petits cadeaux, etc. De la main gauche, ils mettent en place des stratagèmes juridiques et comptables permettant aux plus riches d'éviter de payer leur juste part d'impôts...

Les Canadiens ont été secoués lorsque des rumeurs suggéraient que l'Agence de revenu du Canada s'apprêtait à donner une amnistie ou absolution à une vingtaine de millionnaires qui auraient fait usage de stratagèmes pour mettre plus de 130 millions de dollars à l'abri du fisc. En vertu de cette possible entente, ceux-ci n'auraient rien de plus à payer que ce qu'ils devaient payer originairement.

Quel message et quel impact? D'abord, une forme d'incitatif pour les millionnaires et les firmes de professionnels de multiplier de tels stratagèmes, puisque les risques sont à peu près nuls. Ensuite, une perte de confiance dans la justice et dans les organismes gouvernementaux.

Également, il y a là un message d'injustice qui encourage la révolte des classes moyennes et défavorisées ou qui justifient celles-ci à recourir à leur tour à toutes les tricheries disponibles pour épargner quelques dollars.

Finalement, une immense hypocrisie collective s'installe, en plus de mettre à jour la fausse profondeur de l'éthique, de nos lois et de nos codes.

Quelle est la solution? Plusieurs gestes contribueraient à rétablir la confiance des citoyens.

Premièrement, que les médias et gens d'influence ne se détournent pas de cette affaire. Nos médias et influenceurs doivent intensifier leurs efforts et mettre de la pression sur TOUS les acteurs dans cette histoire, soit : le clan de millionnaires au cœur du litige, KPMG, les ordres professionnels, nos gouvernements, Revenu Canada, Revenu Québec, etc. Il faut s'armer de courage, car oser dénoncer l'élite peut entraîner la perte de contrats ou s'attirer des ennemis. L'Institut de la confiance dans les organisations (ICO) ne lâchera pas le morceau...

Deuxièmement, rendre public les noms de ces millionnaires ayant triché, une fois leur responsabilité établie. Ce qui peut arriver de pire pour un millionnaire qui camoufle ses gestes, dans l'ombre de ses avocats et comptables, est d'entacher sa réputation. Ainsi, ces individus qui dirigent et siègent probablement sur les conseils d'administration de nos plus grands fleurons (approuvant au passage des codes d'éthique...) perdraient une bonne part de leur crédibilité. Ceux qui voudront la récupérer devront changer leur façon d'agir et véritablement démontrer qu'ils ont compris. Cela lancerait un message à plusieurs des 20 000 multimillionnaires canadiens qui posent potentiellement les mêmes gestes... La transparence est une arme redoutable et la crainte est souvent le commencement de la sagesse.

Troisièmement, intervenir auprès des comptables et avocats qui ont été les cerveaux derrière cette affaire. Je me rappelle, il y a dix ans, d'un comptable que j'avais rencontré qui me demandait pourquoi je déclarais seulement 15 000 km de frais de déplacement par année alors que je pouvais en déclarer 25 000. Il m'assurait que je ne courais aucun risque de me faire prendre et que la quasi-totalité de ses 600 clients procédait ainsi. Je crois que je l'ai secoué en lui répondant : «C'est certain si tu leur proposes de poser ces gestes!». Cet exemple illustre qu'outre ces clients millionnaires qui ont potentiellement triché, il y a également plusieurs comptables et avocats qui ont dansé avec eux dans ce gros party. Sans leur intelligence créatrice et les «fling-flangs fiscaux» (Yves Boisvert, La Presse) qu'ils proposent, ces clients auraient eu de la difficulté à contourner les règles.

Il n'y a ici rien de personnel contre KPMG, car il y a des centaines d'autres firmes au sein desquelles certains professionnels agissent de la même manière. Il faut encourager tous les professionnels qui désapprouvent ces façons de faire de leur firme et certains de leurs collègues à mettre de la pression pour que ces pratiques changent. Un changement de culture peut également provenir de l'interne. Tout au moins, que ces firmes cessent de vendre des services-conseils en intégrité!

Quatrièmement, que nos ordres professionnels aient le courage de dénoncer cette situation et faire enquête. Leur mutisme dans les médias est inquiétant, car n'oublions pas que leur mission est de «protéger le public». On ne sera pas surpris d'apprendre que seulement 12 % de la population croit que la raison d'être d'un ordre professionnel est la protection du public (sondage de l'Office des professions)! Alors que plusieurs entrepreneurs en construction ou dans des firmes d'ingénierie font la manchette et sont poursuivis, pourquoi personne n'ose poursuivre les avocats et comptables pour ces actes dérogatoires à l'honneur et à la dignité de la profession?

Cinquièmement, que monsieur et madame tout le monde n'agissent pas comme «tout le monde» et se tienne debout. Que ceux-ci ne tombent pas dans le réflexe facile de se justifier et, finalement, de faire pareil. Cependant, comprenons leur découragement. Un trop grand nombre d'employés ne croient plus aux paroles et gestes de leurs dirigeants. Ils ne sont pas naïfs, ils ne croient plus aux fameux titres d'employeurs de choix ou de l'entreprise la plus éthique. D'ailleurs, ces outils sont souvent développés par des firmes qui assistent les plus nantis et les grandes entreprises dans leur alchimie comptable et juridique. D'ailleurs, Volkswagen et KPMG figurent sur plusieurs de ces palmarès...

Sixièmement, que nos politiciens osent agir en implantant des mesures pour dissuader de telles pratiques. Au moins pour le futur, s'ils n'osent agir pour le passé par peur de déplaire aux forces de l'ombre qui les ont aidés à accéder au pouvoir et qui leur donneront de beaux contrats lorsqu'ils quitteront la politique.

Septièmement et, pour terminer, que tous les acteurs dans cette affaire fassent chacun un pas dans la bonne direction. Personne n'est parfait. Le millionnaire, l'avocat et le comptable doivent apprendre et se transformer. Il est possible de changer. J'ai eu l'immense privilège d'accompagner des entrepreneurs qui n'avaient pas toujours été intègres en affaires, mais qui ont réussi à changer. Ils ont découvert toute la fierté et la confiance que cela apporte.

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