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Moyen-Orient, trois erreurs et une seule solution collective

On a besoin d'un vrai débat. Un débat à propos des réalités de terrain, des options possibles, des étapes à franchir. Le discours remarquable que le Président Obama avait tenu au Caire il y a trois ans est retombé dans les limbes. Le prochain mandat sera l'occasion d'aider le Moyen-Orient à établir une nouvelle ère de paix, de prospérité et de démocratie. Avec l'aide des Etats-Unis et de l'Europe.
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La politique étrangère est désormais au centre du débat présidentiel. Comment pourrait-il en être autrement, quand la télévision déborde d'obus explosant à la Mosquée omeyyade d'Alep, de menaces de marées noires dans le Détroit d'Ormuz, de la douleur d'avoir perdu un fonctionnaire exemplaire, qui a donné sa vie pour son pays et sa vision d'un nouveau Moyen-Orient démocratique et pacifié.

Le moment est venu pour les Etats-Unis de faire face à l'héritage d'un demi-siècle de politique au Moyen-Orient, l'héritage laissé par la Guerre Froide, ainsi que celui d'une décennie de néo-conservatisme. Certes, des erreurs ont été commises. Les changements sont nécessaires, maintenant. Et ils peuvent avoir lieu.

La première erreur est d'avoir légitimé la politique du changement de régime. "El sueno de la razon produce monstruos" représente Goya dans l'un de ses dessins fantastiques. Le sommeil de la raison engendre des monstres. Le néo-conservatisme a bien été l'un des derniers "sommeils de la raison".

Y a-t-il eu un avènement de la démocratie dans les pays où les Etats-Unis se sont efforcés de l'établir une fois pour toutes ? Non. Ni l'Irak, ni l'Afghanistan, ni la Somalie ne sont aujourd'hui des démocraties.

Le Printemps arabe a eu lieu dans des pays où les Etats-Unis, comme d'autres pays occidentaux, ont soutenu des régimes qui paraissaient garantir un statu quo. Citons simplement le milliard de dollars annuel dépensés par les Etats-Unis pour procurer une assistance militaire à l'Egypte. Onze ans plus tard, le bilan est négatif. Les Etats-Unis ont moins d'influence, moins de légitimité, moins de perspectives.

La deuxième erreur a été de choisir d'incarner l'Occident. En réalité, ce n'est pas la vocation originelle de l'Amérique. Ce n'est pas l'image qu'avait ce pays soixante ans auparavant en Afrique et en Afrique du Nord. Alors que l'Europe se débattait avec les conséquences du colonialisme, l'Amérique symbolisait l'émancipation et la liberté, grâce à sa propre histoire.

Depuis le début du XXIème siècle, l'Amérique se voit de moins en moins comme l'image du Nouveau monde et se présente de plus en plus comme l'avant-garde de l'Occident. C'est la négation même de son passé de melting-pot et de refuge mondial. C'est aussi la négation de son avenir en tant que pays où le monde se sent chez lui, où la diversité des cultures cohabitent en paix.

La troisième erreur a été la diabolisation de l'ennemi. Je n'ai aucune sympathie pour le régime iranien. Mais regardez la situation actuelle. La communauté internationale perd son ascendant sur cette affaire, parce qu'elle ne comprend pas les dynamiques de la région. La situation iranienne n'est pas seulement celle d'une nation. C'est aussi celle d'un équilibre régional entre les pouvoir chiites et sunnites. Un Iran affaibli n'est pas un avantage pour le Moyen-Orient. Aujourd'hui, les chiites ont le sentiment de devenir des proscrits, en Syrie, au Liban, dans la Péninsule arabe, où leur destin ne semble pas autant peser dans la balance de l'opinion mondiale que les soulèvements sunnites de la région.

Diaboliser l'Iran fait aussi passer à côté des Iraniens eux-mêmes, parce que cette attitude a créé un sentiment d'humiliation chez un peuple fier et endurant. Cela a permis une dangereuse radicalisation et a placé les Iraniens démocrates et les modérés dans des situations difficiles.

Alors, où nous dirigeons-nous concernant le Moyen-Orient ? Les forces jointes du néo-conservatisme historique et du fondamentalisme sunnite créent aujourd'hui plusieurs menaces immédiates.

La balkanisation du Moyen-Orient avec encore plus d'états divisés entre des populations qui ne se voient plus vivre ensemble, comme l'Irak qui, depuis des années maintenant, se sépare en trois parties autonomes. Comme la Libye divisée en trois entre la Cyrénaïque, la Tripolitaine, et Fezzan. Comme le Soudan, coupé en deux ; comme le Mali, avec un nord indépendant et dominé par les Touaregs.

L'islamisation radicale des sociétés du Moyen-Orient est l'autre menace. Les mouvements salafistes prennent de l'ampleur, ils grandissent au milieu des frustrations sociales et des mécontentements, depuis l'Egypte où ils ont déjà gagné un quart des sièges du parlement. Quand l'Etat s'affaiblit, ils sont les premiers à portée de main, établissant une justice populaire dans les rues, contrôlant l'accès aux hôpitaux, distribuant l'aumône aux pauvres. Ce type de pouvoir a besoin d'ennemis, ils ont besoin de faire de l'Occident une figure diabolique, ils ont besoin d'avoir les chiites comme cibles de leurs prêches quotidiens.

Oui, le futur de cette région est peut être sombre. Et les enjeux pour le monde sont élevés. Mais la démocratie n'a pas encore perdu. Le moment est venu de montrer notre solidarité aux populations du Moyen-Orient.

Une quatrième erreur ne doit pas venir s'ajouter à cette liste, celle de l'inaction. L'Amérique a longtemps rêvé d'un Moyen-Orient qui se refaçonnerait tout seul. Mais une Amérique qui ne ferait rien ne ferait pas mieux. Et personne ne s'en porterait mieux. L'Amérique a un rôle à jouer, il y a une place pour son engagement. Son rôle est celui d'une action collective, celui de conduire les forces de toutes les initiatives diplomatiques de cette région.

Il faut s'engager à agir. Parce que les actions diplomatiques doivent correspondre aux discours. Aujourd'hui, en Syrie, personne ne peut accepter de rester passif ou indifférent. Ce qui arrive là-bas nous concerne tous. Mais il n'y a pas de solution facile. C'est pourquoi nous devons trouver le courage d'avancer pas à pas, petit à petit. Il y a des pistes à explorer, comme reconnaître un nouveau gouvernement formé par l'opposition unie et devant être aussi ouvert que possible ; comme créer des couloirs humanitaires aux frontières de la Turquie ou de la Jordanie ; comme créer les conditions nécessaires à une future unification du pays.

Il faut aussi s'engager au réalisme. Ce serait un formidable pas en avant de se débarrasser des fausses images ou des caricatures de l'Islam et des cultures arabes. Il n'existe pas une "nature" de l'Islam la conduisant à se tourner vers la violence ou le fanatisme. Il s'agit simplement de forces sociales et historiques qui pèsent lourdement sur une région aux problèmes complexes.

Il faut s'engager à établir la paix entre l'Israël et la Palestine. Il n'y aura jamais de paix durable dans le Moyen-Orient si l'Israël et la Palestine ne font pas la paix. La revendication d'Israël pour sa sécurité est légitime, tout comme l'aspiration des Palestiniens à avoir leur propre Etat. Soyons conscients que bientôt, la solution des deux Etats sera réduite à néant par des occasions manquées et du temps perdu. Le nouveau président devra faire face à ses responsabilités sur la question, et expliquer dés le départ ce qui devra être fait. Le Processus de paix doit être ramené à la vie dés les prochaines élections parlementaires israéliennes, en janvier 2013.

Il s'agit enfin de s'engager à trouver des solutions, pas à diaboliser l'ennemi. Cela signifie, à propos de l'Iran, définir une option réaliste. Nous pouvons toujours continuer à empêcher l'Iran, par des négociations et des sanctions, à développer un arsenal nucléaire. Mais il semblerait que l'Iran possède déjà de grandes quantités d'uranium enrichi. Il n'y a donc pas vraiment de sens à définir des lignes rouges qui sont franchies jour après jour. Pour agir efficacement, nous devons donner plus de poids aux discussions 3+3. L'Amérique et l'Europe doivent avancer main dans la main et s'ouvrir aux propositions émanant de diplomaties émergentes comme le Brésil ou la Turquie.

Aujourd'hui nous ne faisons qu'entendre des accusations, des clichés, des simplifications excessives. De part et d'autre, on trouve de fausses excuses à sa passivité. On a besoin d'un vrai débat. Un débat à propos des réalités de terrain, des options possibles, des étapes à franchir. Le discours remarquable que le Président Obama avait tenu au Caire il y a trois ans est retombé dans les limbes. Le prochain mandat sera l'occasion d'aider le Moyen-Orient à établir une nouvelle ère de paix, de prospérité et de démocratie. Avec l'aide des Etats-Unis et de l'Europe.

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