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La désacralisation de la famille

Comment expliquer la perception des générations plus âgées, qui est d'ailleurs en partie vraie, voulant que les générations plus jeunes accordent moins d'importance à la famille?
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Les individus qui appartiennent aux générations plus âgées émettent souvent l'affirmation à l'effet que la famille, entendue au sens d'institution, n'est plus ce qu'elle était. Auparavant considérée comme importante, voire sacrée, elle n'aurait aujourd'hui plus cette signification pour les générations plus jeunes. Certains sont accusés de considérer la famille comme une valeur parmi tant d'autres. D'autres se font reprocher littéralement de ne pas y accorder d'importance.

Il est vrai que la famille a subi des modifications majeures au cours du dernier siècle, particulièrement dans les années 1960. Les changements survenus sont nombreux et leurs causes sont multiples. La laïcisation des institutions, la diminution de la place de la religion dans la société, les changements dans les mœurs et de nouvelles législations civiles et sociales ont eu des impacts directs sur la famille. Par exemple, la légalité du divorce, le rôle de la femme dans la société et la libération des mœurs ont eu des répercussions évidentes sur la famille.

Comment expliquer la perception des générations plus âgées, qui est d'ailleurs en partie vraie, voulant que les générations plus jeunes accordent moins d'importance à la famille?

Il faut comprendre que les nombreuses modifications qu'a subies la famille au siècle dernier ont engendré de nouvelles structures familiales. Celles-ci ont modifié à leur tour non seulement les relations entre les membres d'une même famille, mais aussi la perception que les individus ont de la famille. Les exemples des familles recomposées, des gardes partagées et des enfants uniques peuvent être pertinents pour illustrer ces nouvelles relations et, par ricochet, pour comprendre la perception qu'ont les générations plus jeunes à l'endroit de la famille.

Les familles recomposées sont maintenant monnaie courante. Un adulte peut ne pas avoir d'enfant et aller habiter avec son nouveau conjoint qui, lui, a deux enfants qui habitent sous son toit. Un adulte peut avoir deux enfants et aller habiter avec son nouveau conjoint qui en a lui aussi deux, mais seulement un habitant chez lui, car le deuxième demeure chez son autre parent. Un couple peut avoir des enfants ensemble, et avoir chacun de leur côté des enfants provenant de relations antérieures, qui habitent ou non chez le couple. Les scénarios sont nombreux.

Ces nouvelles structures et pratiques ont évidemment un impact sur la famille. Sans aucunement porter de jugement sur les familles recomposées, il faut toutefois reconnaître que leurs formes les plus extrêmes peuvent faire de la famille une réalité très abstraite, éclatée, et même loufoque.

Un des premiers aspects à considérer pour comprendre la perception qu'ont les générations plus jeunes à l'endroit de la famille sont les liens dans les nouvelles structures familiales, qui sont parfois très faibles. Imaginons une famille recomposée habitant sous un même toit et constituée de deux adultes, qui ont chacun deux enfants d'une union précédente. Les deux enfants du père ont une mère différente. Mettons-nous un peu à la place de l'un des enfants du père.

La nouvelle femme de son père n'est non seulement pas sa mère, elle n'est pas non plus la mère de son demi-frère. Il n'a aucun lien de sang avec les deux enfants de la mère. Il les voit d'ailleurs seulement une semaine sur deux, car ils sont chez leur père, qui en a la garde partagée, la moitié du temps.

Une fête « familiale » de Noël est prévue. Son père insiste pour qu'il y soit, car toute la famille élargie y sera, y compris les parents, les sœurs et les frères de tout le monde et les cousins et les cousines des enfants. Il ne veut pas y aller, car il affirme ne connaître personne. Son père rétorque qu'il doit venir. N'ayant pas d'autres choix, il s'y rend. Une fois à table, il a dû s'asseoir à côté d'une fille qu'il ne connaissait pas, qui était la cousine de la fille de la nouvelle conjointe à son père. Les invités se parlaient très peu entre eux pendant la soirée, si bien qu'un adulte s'est exclamé : « Les jeunes ne sont plus « famille » comme on l'était avant! ».

Évidemment, il s'agit d'un exemple exagéré pour les besoins de la cause. Mais même dans les nouvelles structures familiales les plus répandues, les liens familiaux peuvent être très faibles. Que représente, pour un enfant, la grand-mère de son demi-frère? Qui est, pour un enfant, le demi-frère de sa demi-sœur?

En affaiblissant les liens familiaux, les nouvelles formes de familles peuvent conséquemment engendrer un désintéressement de la part de ses membres et expliquer, en partie, la faible valeur attribuée à la famille.

Un autre aspect à considérer pour comprendre la perception qu'ont les générations plus jeunes à l'endroit de la famille est la pratique répandue des gardes partagées. Les gardes partagées peuvent amplifier l'effet des liens « invisibles » et très lointains entre les membres des familles recomposées. Elles font des relations souvent peu significatives des relations qui le sont encore moins. La pratique de faire « maison à part », c'est-à-dire deux familles ne faisant pas même ménage, a le même effet.

Le phénomène des enfants uniques est aussi une réalité relativement nouvelle. Évidemment, cela n'est pas sans causer d'effets sur les dynamiques familiales. Si, pour certaines familles, l'enfant unique renforce les liens entre les membres de par l'intimité du petit nombre, pour d'autres, il sacre la relativité de la famille en tant que valeur. Certains enfants uniques ont des parents qui sont eux-mêmes des enfants uniques. Ils n'ont donc ni frère ni sœur, mais également ni cousin et ni cousine, ni oncle et ni tante. Comment pourrait-on les blâmer de ne pas élever la famille au rang des valeurs suprêmes? Plusieurs individus, issus des générations actuelles, ont seulement un père et une mère, souvent séparés.

Les impacts de ces nouvelles structures sur les relations familiales et la perte de signification qu'ils engendrent sont, en partie, à l'origine de la désacralisation de la famille. Il est probable qu'une fois adultes, les enfants issus de ces structures familiales accordent à leur tour moins d'importance à la famille.

Les enfants grandissent dans les structures et les valeurs familiales qui leur ont été laissées. La perte de la signification familiale est une conséquence, et non une cause.

Il est possible que le cercle d'amis vienne remplacer progressivement la famille sur l'échelle des valeurs. La nouvelle tendance à choisir la marraine et le parrain d'un enfant parmi son cercle d'amis plutôt que parmi sa famille en constitue peut-être une manifestation. Autrefois, la famille était immuable, l'amitié était davantage éphémère. Peut-être qu'aujourd'hui, c'est l'inverse qui est vrai.

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