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Le destin de la Grèce moderne ou le malaise de l'Europe actuelle

Plus qu'un demi-siècle après sa première publication, on éprouve un sentiment étrange en pensant qu'on pourrait par-ci et par-là remplacer "la Grèce" par "l'Europe" et aboutir aux mêmes conclusions inquiétantes.
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A European Union flag billows in the wind as the ruins of the 5th century BC Parthenon temple is seen in the background on the Acropolis in Athens, on Monday, Nov. 26, 2012. The ministers of the 17 countries that use the euro are meeting in Brussels later Monday to try to reach an agreement on disbursement of Greece's next rescue loan installment, after several delays. Athens faces bankruptcy without the cash. (AP Photo/Petros Giannakouris)
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A European Union flag billows in the wind as the ruins of the 5th century BC Parthenon temple is seen in the background on the Acropolis in Athens, on Monday, Nov. 26, 2012. The ministers of the 17 countries that use the euro are meeting in Brussels later Monday to try to reach an agreement on disbursement of Greece's next rescue loan installment, after several delays. Athens faces bankruptcy without the cash. (AP Photo/Petros Giannakouris)

Le destin de la Grèce moderne ou le malaise de l'Europe actuelle

(un texte prémonitoire du philosophe Kostas Axelos récemment réédité)

Désormais, on commence à en prendre conscience : la "crise grecque" n'est que le sommet de l'iceberg, car une crise plus profonde, une crise européenne (et même plus vaste aussi) se révèle comme un véritable malaise de notre culture, qui outrepasse le seul "cas grec".

La Grèce actuelle en crise, reflète aussi l'insuffisance et les failles d'une Europe qui devient de plus en plus impuissante et "provinciale" dans le cadre planétaire de la "mondialisation".

N'est pas provincial ce qui semble inférieur aux créations et aux manifestations des grandes villes cosmopolites, mais ce qui ne possède pas de rythme qui lui soit propre, écrivait en juillet 1954 Kostas Axelos, dans un texte prémonitoire intitulée Le destin de la Grèce moderne qui vient d'être réédité aux éditions Les Belles Lettres (collection "encre marine"). Est-ce que l'Europe actuelle continue à posséder "le rythme qui lui soit propre"? Voilà une première question à (se) poser à travers la lecture de ce texte qui jette une lumière étonnante sur le problème grec actuel et aide à comprendre les défis auxquels doit faire face notre vieux continent épuisé.

Nous choisissons quelques extraits de ce texte d'une actualité poignante et douloureuse, significatifs de la pensée clairvoyante et anticipatrice d'Axelos. Plus qu'un demi-siècle après sa première publication, on éprouve un sentiment étrange en pensant qu'on pourrait par-ci et par-là remplacer "la Grèce" par "l'Europe" et aboutir aux mêmes conclusions inquiétantes :

L'Antiquité grecque n'est qu'Antiquité qui lègue son héritage. Et c'est un héritage difficile à gérer. [...] L'Hellade moderne est plus qu'un musée et plus qu'un pays simplement pittoresque. Pourtant, moins qu'une réalité vraiment moderne.

Moderne est ce qui est fondé sur la subjectivité agissante, sur la conscience de soi, qui s'interprète et interprète le monde ; la modernité se nourrit de la volonté de puissance qui se lance à la conquête du monde. [...] Moderne signifie puissant, conscient, organisateur et technique.

L'Hellade moderne restera-t-elle fidèle envers sa propre essence en affrontant victorieusement tous les dangers qui la menacent ? Et aura-t-elle le courage de faire front à la menace en la saisissant comme une menace intrinsèque ? Car incapable de former seule un centre rayonnant, elle se détourne les yeux du central et se perd dans le provincial.

Elle est le pays d'une beauté superbe, beauté qui transcende toute opposition entre le laid et le joli ; et avec un peu d'effort, elle se souviendra, peut-être, que la beauté n'est pas une réalité "esthétique" mais un des signes sous lesquels se manifeste l'absolu.

Les pays qui n'ont pas créé le monde moderne doivent refaire pour eux ces conquêtes, s'ils ne veulent vivre continuellement comme des parents pauvres, visités de temps à autre (ou même souvent), par leurs parents riches, qui viennent goûter au charme de leur vie pittoresque. Il faut que les grains qui furent transplantés poussent sur un sol fertile et, qui plus est, s'enracinent. Pour que la Grèce devienne véritablement moderne, il faudrait qu'un mouvement provenant de sa propre essence la pousse non pas vers la "modernisation" mais vers la modernité.

Au sein du Monde moderne dominé par les grandes puissances, comment établira-t-elle [la Grèce] l'harmonie entre sa puissance et son impuissance ? Et pour s'approprier son être ne vendra-t-elle son âme au diable? S'assurera-t-elle s place dans le monde sans abandonner sa nature et saura-t-elle maintenir l'équilibre entre la physis et la techné ?

Ce livre prophétique de Kostas Axelos dont sont extraites les lignes que vous venez de lire, alors que le philosophe (né à Athènes en 1924 et décédé à Paris en 2010) venait d'avoir trente ans. Parce que plus actuel sur son analyse de la crise, plus global dans sa vision que bien d'autres ouvrages actuels, il vient d'être réédité. (Les Belles Lettres, collection "encre marine").

Choisir des extraits d'un livre pour les assembler de manière arbitraire en un texte ne peut constituer qu'une trahison, même (et surtout) quand ceci est fait avec la meilleure intention. Il serait donc plus prudent de lire l'original.

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