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La diplomatie chinoise en Eurasie: une chance pour la région

Dans cet environnement eurasiatique marqué par une compétition toujours aussi dure entre l'Ouest et l'Est, un nouvel acteur commence à apparaître: la Chine. Or Beijing semble avoir une logique radicalement différente de Moscou et Washington.
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Le problème des grandes puissances, c'est qu'elles sont vieux jeu. Les penseurs français, que la Terre entière nous envie, ont beau clamer que les frontières n'existent plus, que les valeurs sont plus importantes que les intérêts égoïstes de chaque nation, que nous sommes tous des "citoyens du monde"... elles ne veulent rien entendre. Elles continuent à s'imposer aux pays plus faibles, et à être dans une concurrence acharnée les unes avec les autres. Et cela, on le voit bien dans la zone eurasiatique. Depuis la fin de la Guerre froide, au lieu d'accepter la Russie comme un État normal, les pays occidentaux, les États-Unis en tête, ont tout fait pour contrer toute ambition de sa part, fantasmant presque sur sa possible balkanisation dans les années 1990. Et Moscou a toujours considéré comme normal, en tant que grande puissance traditionnelle de la région, d'avoir une influence importante sur son voisinage. Bien sûr, cette analyse ne prend pas toujours en compte le fait que certains territoires, devenus États souverains, aimeraient prendre un peu d'indépendance face à ce grand Frère historique... En bref, à Washington et à Moscou, on pense toujours en termes de contrôle et de compétition. Parce que c'est la réalité géopolitique des relations internationales, depuis bien longtemps.

Dans cet environnement eurasiatique marqué par une compétition toujours aussi dure entre l'Ouest et l'Est, un nouvel acteur commence à apparaître: la Chine. Or Beijing semble avoir une logique radicalement différente de Moscou et Washington. Les Chinois apparaissent comme les seuls à avoir compris que la Guerre froide appartient au passé, que le rideau de fer, malgré ce qu'en pensent les faucons américains et les nationalistes/néo-eurasistes russes, c'est fini. Ce qui fait de leur pays un authentique espoir pour la stabilité de la région eurasiatique.

Bien sûr, il ne s'agit pas d'avoir une vision idyllique ou naïve de la grande puissance asiatique. C'est au contraire une analyse réaliste qui amène à la voir comme une influence positive pour la région, capable d'aider à une plus grande stabilité. Après tout, ici comme ailleurs, la Chine ne cherche qu'à préserver ses intérêts. Or que recherche-t-elle en Eurasie? À développer la nouvelle "Route de la Soie" voulue par le président Xi Jinping, un projet économique permettant de connecter Europe, Eurasie, et Chine. Ce n'est pas un projet idéologique, comme les croisades démocratiques occidentales (marquées par les "succès" irakien, afghan, libyen...), ou une simple projection de puissance classique, comme la politique russe menée dans le Caucase, en Asie Centrale, en Ukraine. C'est le produit d'une analyse concrète: la façade pacifique chinoise a su se développer économiquement depuis un certain temps.

La situation de l'Ouest est moins enviable. La priorité de la Chine est d'assurer la stabilité économique et sécuritaire sur l'ensemble de son territoire. La nouvelle Route de la Soie doit offrir à l'Ouest chinois une possibilité historique de se développer économiquement et de renforcer ses connexions avec l'économie mondiale. Une politique qui profitera à la paix et au développement intérieur de la Chine, c'est sûr; qui renforcera son influence à l'extérieur, probablement, et rien de choquant ou d'étonnant ici; mais surtout, qui pourrait être très positive pour les pays eurasiatiques également. La Chine arrive en Eurasie (mais aussi au Moyen-Orient) sans présupposé géopolitique; la nouvelle Route de la Soie ne peut marcher que si Beijing parle à tout le monde, sans exclusive, et si les territoires touchés par ce projet sont stables et en paix à l'intérieur comme à l'extérieur de leurs frontières. Alors que les Américains, et leurs alliés européens, sont obsédés par un "néo-impérialisme" russe qu'ils exagèrent; alors que les Russes se sentent en conséquence comme une citadelle assiégée, et restent dans le schéma classique de la grande puissance qui n'hésite pas à user de pressions ou de manipulations pour conserver leur influence; les Chinois arrivent en Eurasie en étant "géopolitiquement" neutre, et en n'ayant aucun intérêt à un jeu à somme nulle.

Pour fonctionner, le projet de "route de la Soie" ne peut pas se limiter à son aspect strictement économique; il ne peut pas chercher la domination à court terme dans un schéma géopolitique classique non plus, sous peine de voir les autres grandes puissances et des acteurs locaux attiser la xénophobie, la peur de cette nouvelle influence qui, de fait, est gênante autant pour les Américains que pour les Russes. Xi Jinping lui-même a mis ce point en avant: la nouvelle route de la Soie a besoin d'une convergence des routes, du commerce, des politiques, des monnaies, et des cœurs des peuples. Les Américains comme les Russes n'ont pas été très bons, sur ce, dernier point. Souvent parce qu'ils ont joué un jeu géopolitique traditionnel, où les locaux, en Eurasie ou ailleurs, n'étaient que des pions... des points qui souffraient souvent pour des gains à court terme obtenus par Washington et Moscou. Une politique qui ne marche pas quand, comme les Chinois, il y a le désir de créer un projet sur la longue durée ayant besoin d'infrastructures certes, mais aussi de paix, de stabilité, de développement économique.

On a déjà analysé l'impact plutôt positif de cette vision diplomatique de Xi Jinping dans une chronique d'Asie du Sud-Ouest, à propos de l'Afghanistan. Mais de fait, on peut faire la même analyse sur la politique chinoise vers l'Eurasie, quand on accepte de se débarrasser de tout préjugé. On abordera ce sujet plus en détail dans un prochain billet.

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Avril 2018

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