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Un modèle alternatif de laïcité pour le Québec

Le 7 avril 2014, le projet de laïcité défendu par Bernard Drainville a disparu de l'écran-radar politique avec la défaite du Parti québécois. Depuis, plus personne ou presque ne veut parler de laïcité.
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Le 7 avril 2014, le projet de laïcité porté et défendu par le ministre Bernard Drainville a disparu de l'écran-radar politique avec la défaite du Parti québécois. Depuis, plus personne ou presque ne veut parler de laïcité, sur la place publique, il ne reste qu'incompréhension, tensions et règlements de compte. Triste situation dont il faut tenter de sortir. Pour ce faire, j'aimerais faire connaître le concept de laïcité que j'ai présenté en Commission parlementaire le 23 janvier dernier et qui n'a eu, alors, aucun écho dans les médias, celui-ci ayant été jugé ,sans doute, trop marginal ou divergent. J'y présentais effectivement un modèle alternatif de laïcité qui me semblait plus rassembleur au point de vue identitaire que le modèle proposé par le Parti québécois.

Je m'opposais donc à l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans le but d'instaurer une discrétion religieuse et de ce fait, une visibilité pour la laïcité dans les institutions publiques et parapubliques . Cette disposition était, à mon avis,discriminatoire. En effet, il aurait été facile pour une chrétienne de porter uniquement une boucle d'oreille en forme de croix mais impossible à une musulmane de porter un modèle de voile réduit accroché à l'oreille, ce type d'objet n'existant sans doute pas dans la culture religieuse musulmane contrairement à ce que l'on trouve dans la culture chrétienne, surtout catholique, très portée sur l'imagerie en tout genre. Le même argument s'appliquant également pour le turban sikh et la kippa juive.

Donc ce projet de loi 60 ou Charte de la laïcité avec son approche discriminatoire était,selon moi, voué à l'échec. D'ailleurs,dès le départ, le philosophe Charles Taylor , co-auteur du rapport Bouchard - Taylor a pointé cet aspect discriminatoire en dénonçant cette volonté d'interdire les signes religieux ostentatoires tout en voulant conserver, comme objet du patrimoine, le crucifix catholique de l'Assemblée nationale. Et le reste fut malheureusement une guerre idéologique entre les tenants du modèle français de laïcité qui interdit les signes religieux dans les institutions publiques et les chartistes ,la plupart fédéralistes, qui les tolèrent , et même quasi sans aucune limite ,au nom des Chartes québécoise et surtout canadienne des droits. Heureusement ou malheureusement, en perdant l'élection le Parti québécois a concédé à ces derniers la victoire.

Mais je me demande si les femmes musulmanes voilées qui ont été au cœur de cette lutte, et qui en ont souvent payé le prix, éprouvent un réel sentiment de victoire pour la liberté de religion au détriment d'une laïcité toujours souhaitée, je pense, par une majorité de Québécois? Je me permets d'en douter. C'est pourquoi, je rappelle ici mon modèle alternatif de laïcité et ses cinq assises fondamentales. Pourrait-il intéresser les québécoises musulmanes d'abord, mais aussi tous les québécois qui souhaitent un État laïque qui met au premier plan dans ses institutions la liberté de conscience? Un consensus québécois serait-il possible autour de la proposition suivante :

1) Pour instaurer la laïcité , plutôt que réduire la taille matérielle des signes, nous choisissons comme Québécois plutôt d'en réduire le sens. 2) Nous décidons donc d'occulter le sens religieux et politique de notre crucifix (alliance entre l'Église et l'État depuis son installation par Duplessis en 1936) pour leurs substituer un sens patriotique par lequel cet objet de notre patrimoine collectif devient le porteur de nos valeurs ancestrales les plus significatives, et nous mentionnons ici : la liberté, la fidélité et le partage. 3) En conséquence de cela, nous décidons également que tous les signes religieux présents ou portés par des personnes dans les institutions publiques seront prioritairement aussi porteurs de ces mêmes valeurs ,protégeant ainsi le patrimoine collectif mais aussi personnel de chacun et chacune qui y œuvre. 4) Mais, comme la visibilité de la laïcité doit être assurée, nous décidons aussi d'instituer une journée de la laïcité lors de laquelle les signes religieux portés par les personnes dans les institutions publiques seront obligatoirement laissés à la maison démontrant ainsi, hors de tout doute, la liberté des personnes à l'égard de l'obligation de porter ces signes. 5) Tous les Québécois et les Québécoises seront invités pour cette journée de la laïcité à faire de même, mais librement; et pour inaugurer cette journée de la laïcité, le 7 avril de chaque année, ce jour-là, le crucifix de l'Assemblée nationale sera retiré pour célébrer l'importance de la liberté de conscience comme préalable à la liberté de religion mais surtout parce qu'elle est la pierre angulaire de la dignité humaine.

Je souhaite que cette proposition soit l'objet d'un débat dans les médias le plus rapidement possible et surtout qu'elle soit retenue pour être au cœur de la loi que se propose de présenter à l'automne, pour clore cette question de la laïcité, la ministre de la Justice et de la condition féminine, Stéphanie Vallée .Peut-être sera-t-il possible de cette façon et ,surtout, souhaitable qu'elle reçoive l'appui de tous les députés de l'Assemblée nationale et donc de tous les Québécois.

Note: Ce texte a été écrit avant celui qui a été présenté samedi le 21 février et qui s'intitulait : Mettre à l'essai un modèle de laïcité évolutif. Si ce dernier était plus simple et plus politique, celui-ci est plus philosophique, un peu puriste et comporte plus d'ancrages historiques. Les deux sont cependant réalistes et réfèrent à la même approche concernant un modèle de laïcité à la québécoise qui serait basé non pas sur l'interdiction des signes religieux, mais sur la modification de leur sens dans l'espace déclaré laïc. Une liberté que les Québécois pourraient se donner par consensus, et je parle de tous les Québécois. Merci!

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Avril 2018

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