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Un jour ou l'autre, il est possible qu'il soit discrètement retiré et, surtout, remplacé par rien, ou à peu près. N'avez-vous pas la responsabilité d'éviter que ce «rien» n'arrive?
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Assemblée des évêques catholiques du Québec,

Messeigneurs,

Le 10 juin dernier, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, déposait son projet de loi sur la neutralité de l'État. Ce projet de loi vise à mettre un terme au débat politique amorcé le 22 mai 2008 avec le dépôt du rapport Bouchard-Taylor, lesquels commissaires recommandaient ce qu'ils ont appelé la «laïcité ouverte». Celle-ci se résumait à interdire les signes religieux exclusivement aux fonctionnaires qui incarnent l'autorité et/ou le pouvoir de l'État. Et le principal lieu de ce pouvoir étant l'Assemblée nationale, ils recommandaient également que le crucifix au-dessus de la tête du président y soit retiré.

Vous vous étiez prononcés en faveur d'une telle approche. Tout en spécifiant clairement à l'automne 2013, dès l'amorce du débat sur la Charte des valeurs, que vous ne demanderiez pas le retrait du crucifix, celui-ci ayant été placé à cet endroit en 1936 par Maurice Duplessis, un élu. Qu'il revenait donc aux élus de prendre, s'ils le désiraient, la décision inverse. À l'époque, dans le tumulte politique qui n'a pas tardé, il s'agissait de votre part d'une sage décision.

Mais aujourd'hui, le tumulte s'est transformé en échec pour les tenants du projet de loi 60 ou d'une laïcité stricte et universelle, et pour les opposants en une victoire du statu quo, que le projet de loi 62 de la ministre consacre tout en interdisant une seule inconvenance: le visage couvert pour donner ou recevoir un service de l'État.

Après des années de réflexions et de débats au sujet de la laïcité de nos institutions et avec aussi peu de résultats, force est de constater que, comme société, nous avons échoué à trouver la voie de passage qui aurait permis une évolution stimulante et valorisante de notre identité nationale, une identité ouverte et inclusive.

Par contre, j'estime que tout n'est pas perdu, car nous avons joué à qui serait les plus forts des laïques ou des religieux, et qu'à aucun moment un véritable dialogue n'est apparu. La bonne nouvelle, c'est donc que cette game est finie. Mais il faut que quelqu'un de crédible invite maintenant au dialogue. Et là, messeigneurs, non seulement vous pouvez jouer un rôle, mais vous devez jouer ce rôle. Un rôle dans les limites de vos prérogatives, bien sûr, mais néanmoins qui peut être fort interpellant et invitant.

Mais comment?

La façon la plus appropriée serait, à mon avis, la suivante: demander au premier ministre que le crucifix de l'Assemblée nationale vous soit remis officiellement pour que vous y trouviez, en tout respect, la place qui lui conviendrait le mieux. Mais, surtout, qu'il soit remplacé par l'inscription de trois valeurs universelles qui ont été depuis toujours au coeur de notre identité, une identité marquée non seulement par la langue française, mais bien sûr par le catholicisme qui en a été une source d'inspiration historique importante, jumelée à l'apport des cultures autochtones et à celle des Anglais d'origine britannique qui sont avec nous depuis la conquête. Ces valeurs sont, à mon avis, la liberté, la fidélité et le partage.

Par un tel geste, vous contribueriez positivement à la laïcisation de l'Assemblée nationale. D'autres groupes, d'autres personnalités feraient sans doute, à votre suite, un pas en direction d'un modèle de laïcité qui rassemble les Québécois.

Ce ne sera pas le modèle républicain de type français qui fait reposer la neutralité de l'État sur un look de citoyen sans allure religieuse. Ne faudrait-il pas, en fait, dépasser ce modèle pour imaginer un modèle capable de concilier allure religieuse et laïcité authentique, c'est-à-dire qui met au premier plan dans les institutions de l'État la liberté de conscience ?

Vous ne vous opposez pas, certes, au retrait du crucifix et certains partis politiques l'envisagent. Un jour ou l'autre, la politique étant parfois imprévisible, il est possible qu'il soit discrètement retiré et, surtout, remplacé par rien, ou à peu près. N'avez-vous pas la responsabilité d'éviter que ce «rien» n'arrive et de vous assurer plutôt qu'il laisse une trace historique signifiante ?

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