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Parcours d'un laïque hétorodoxe

Le modèle de laïcité hétérodoxe vaudrait peut-être mieux que le modèle orthodoxe à la française, surtout parce que celui-ci ne reviendra pas de sitôt dans le programme politique de notre société fortement marquée maintenant par le multiculturalisme canadien.
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Je suis un simple citoyen et je me suis passionné pour le débat sur la laïcité. J'ai écrit une centaine de textes à ce sujet principalement parus dans mon journal régional, La Voix de l'Est. Le premier a été publié aussi par un journal national, soit Le Devoir du 28 décembre 2012. Il s'intitulait D'abord emmailloter le crucifix.

J'ai utilisé la métaphore du kirpan, ce couteau sikh qu'il suffisait d'emmailloter, aux yeux de la Cour suprême en 2006, pour le rendre acceptable dans une école. Alors, je suggérais d'emmailloter symboliquement le crucifix pour le rendre acceptable dans le lieu éminemment laïque que doit être l'Assemblée nationale. Je souhaitais donc que, par une simple motion, les députés conviennent de lui octroyer, en ces lieux, un sens exclusivement patrimonial, celui de représenter les trois valeurs ancestrales et universelles qui, selon moi, identifient bien le peuple québécois depuis ses origines jusqu'à nos jours et dans toute sa diversité soit la liberté, la fidélité et le partage.

Je me suis présenté aussi, à titre de simple citoyen, à la commission parlementaire sur le projet de loi 60 de Bernard Drainville, le 23 janvier 2014. J'y ai fait part de mon opposition à la possibilité qu'une enseignante, par exemple, finisse par perdre son emploi parce qu'elle refuse, même après une année de réflexion à laquelle le projet de loi invitait, finalement d'enlever son voile. Si telle chose arrivait, je proposais qu'on lui offre une dernière option, celle de se prévaloir, pour cinq ans, renouvelables, du même sauf-conduit symbolique qui aurait été accordé au crucifix, c'est-à-dire d'accepter par écrit que son signe religieux dans l'espace laïque ne représente plus que les trois valeurs québécoises précitées. Quoique singulière, ma proposition a été reçue par les députés avec respect et un certain intérêt.

Puis, au beau milieu de cette commission, il y a eu déclenchement d'élection et le débat sur la laïcité s'est subitement interrompu pour finir, principalement, en munitions électorales libérales anti Parti québécois et, par voie de conséquence, anti laïcité, vue comme une source de division et d'exclusion, voire de racisme à l'endroit des minorités religieuses. Quel dégât démocratique!

Aussi, tel que promis à la dernière élection, Philippe Couillard, pour clore le sujet, par l'entremise de Stéphanie Vallée, sa ministre de la Justice, a déposé le 10 juin dernier le projet de loi 62 dont le titre est Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État... Dans ce projet il n'est carrément plus question de laïcité et on ne sait toujours pas quand il sera étudié en commission parlementaire.

Du côté du Parti québécois, hormis l'entente survenue lors d'un débat entre les candidats à la chefferie au printemps dernier, celle d'adopter la position de la CAQ sur la laïcité, soit d'interdire le port de signes religieux qu'aux juges, policiers et enseignants, c'est plutôt motus! et bouche cousue. Bref, pour ce parti, c'est passons à autre chose.

Sauf quelques laïques depuis longtemps engagés, tel un Daniel Baril, qui, par quelques écrits occasionnels, continue à mener le combat de la laïcité, plus personne ou presque ne s'intéresse à la question. Bien sûr, il y a encore moi, et je ne lâcherai pas, mais en tant qu'hétérodoxe de la laïcité. La position de monsieur Baril est bien connue, la mienne très peu. Elle a évolué depuis 2012 et j'en présente ici le résultat en trois points:

  1. Concernant le crucifix, et à la suite du récent jugement de la Cour suprême dans l'affaire de la prière au Saguenay, je suggère maintenant à l'Assemblée des Évêques du Québec de prendre l'initiative de demander au premier ministre que celui-ci soit remplacé au-dessus du fauteuil du président de l'Assemblée nationale par l'inscription des trois mêmes valeurs et qui ne sont pas étrangères à notre passé catholique, bien au contraire: liberté, fidélité, partage.
  2. Je demande que toutes les institutions publiques soient officiellement déclarées laïques et nommément des lieux de célébration de la liberté de conscience comme préalable à toutes les autres libertés contenues dans la Charte des droits et libertés de la personne.
  3. Je demande maintenant qu'une journée, voire une semaine, à chaque année, soit dédiée à la laïcité et que, pour cette occasion, les personnels soient invités à laisser volontairement à la maison tout signe religieux. Ceci pour démontrer qu'au Québec la liberté de conscience précède toujours la liberté de religion même si l'expression de cette dernière est acceptée en territoire laïque pourvu qu'elle laisse le visage découvert.

Je termine en disant que ce modèle de laïcité, bien sûr, hétérodoxe, vaudrait peut-être mieux que le modèle orthodoxe à la française, surtout parce que celui-ci ne reviendra pas de sitôt dans le programme politique de notre société fortement marquée maintenant par le multiculturalisme canadien, celui de Philippe Couillard appuyé ostensiblement par un Justin Trudeau triomphant depuis le 19 octobre, au nom de la Constitution rapatriée en 1982 sans l'accord du Québec, ce grand oeuvre de son père.

Espérer que des figures importantes de notre société, par exemple, Gérard Bouchard et Charles Taylor, Djemila Benhabib, Dalila Awada, Julie Snyder, Fatima Houda-Pepin, Jacques Frémont, et pourquoi pas Bernard Drainville, même un Denis Coderre et quelques représentants religieux ou autres..., appuient ouvertement mes propositions pour tenter de réintroduire le concept de laïcité au coeur même du projet de loi 62 qui finira bien par refaire surface, relève non pas du fantasme ou du rêve, quoique peut-être un peu, mais, selon moi, de l'espoir et de la croyance que la démocratie est toujours vivante, malgré quelques dérapages occasionnels, et permet encore à notre peuple d'avancer.

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Mai 2017

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