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Stéphanie Vallée devrait retirer son projet de loi

Si le projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État est adopté en l'état, le débat sur la laïcité qui a passionné les Québécois pendant près d'une année sera clôt dans la honte et le déni.
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La ministre Stéphanie Vallée a déposé mercredi dernier son projet de loi 62 intitulé Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État... Pour y arriver, la ministre ne propose que deux obligations, l'une, un simple rappel éthique: « Un membre du personnel doit faire preuve de neutralité religieuse en ne favorisant ni ne défavorisant une personne en raison de son appartenance ou non à une religion », l'autre plus pragmatique, et seule nouveauté : « Un membre du personnel doit exercer ses fonctions à visage découvert... tout comme la personne à qui est fourni le service ».

C'est tout en termes de contenu si on exclut le balisage des accommodements religieux prévus au projet et qui faisait déjà consensus. Par contre, dans sa conclusion, lors de la présentation, la ministre a laissé échapper le seul principe apparemment fondateur de son projet, mais qui est lourd de conséquences: « Nous remplissons aujourd'hui un engagement électoral important. Comme l'a déclaré notre premier ministre, Philippe Couillard, les Québécoises et les Québécois veulent que les valeurs de la société d'accueil s'affirment et soient préservées, dans l'expression de la liberté religieuse de toutes et de tous, dans le respect de ce que nous sommes et de ce qui nous définit collectivement ».

Ainsi, selon la ministre et son chef, nos valeurs s'affirmeraient et seraient préservées « dans l'expression de la liberté religieuse de toutes et de tous ». Ce qui veut dire, si on comprend bien, que nos valeurs seraient affirmées et préservées par le choix que pourrait faire une femme de porter le tchador, un vêtement archaïque, symbole reconnu par Philippe Couillard en 2014 comme un signe de soumission et d'oppression des femmes. Incroyable!

Avec un tel principe, on comprend mieux que la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, aussi responsable de la condition féminine, ait refusé, par gêne sans doute, à dix reprises, au micro de Paul Arcand, au lendemain de la présentation de son projet, de confirmer qu'elle voulait autoriser le tchador, car c'est bien la conséquence possible du principe qu'elle émettait. Inacceptable! Avec un tel principe, ce projet comporte un vice de conception évident.

Aussi, je pense qu'une Fatima Houda Pepin qui a réagi fortement et négativement à ce projet, et avec raison, devrait réunir une coalition de femmes féministes, voilées et non voilées, pour d'une part, demander le retrait immédiat du projet de loi 62 et, d'autre part, faire une proposition de remplacement qui viserait à doter le Québec d'un régime de laïcité signifiant et plus respectueux de ses valeurs. Peut-être pas le modèle français, peut-être au moins celui de Bouchard-Taylor. Et pourquoi pas, peut-être, le mien, si on voulait bien l'examiner. Il a été présenté le 23 janvier 2014 en Commission parlementaire. En ont été témoins Françoise David (QS) et Nathalie Roy (CAQ), qui pourraient être invitées par madame Pepin à faire partie de sa coalition, de même qu'Agnès Maltais, qui porte le dossier de la laïcité pour le Parti québécois.

Si rien n'est fait dans ce sens, il est fort à parier que le projet de loi 62 sera adopté tel quel, à l'automne, à l'ombre du projet de loi 59 sur la radicalisation déposé le même jour et qui par son intérêt est susceptible d'attirer davantage l'attention. À moins que la réprobation publique à l'égard du tchador ne convainque la ministre de finalement l'interdire. Ce qui serait un moindre mal, mais ce qui est aussi peu probable.

Dans ce cas, le débat sur la laïcité qui a passionné les Québécois pendant près d'une année sera clôt dans la honte et le déni, Philippe Couillard ayant déclaré, ce 10 juin dernier, pour soutenir sa ministre, qu'il n'y a jamais eu de crise du linge au Québec.

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