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La ministre Vallée et l'avenir de la laïcité

La ministre de la Justice a laissé entendre que le projet de loi libéral concernant la Charte de la laïcité serait guidée dans sa préparation par les deux paramètres suivants : le respect des Chartes et l'obligation d'offrir les services dans les institutions publiques à visage découvert.
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On ne connaît pas encore le projet de loi libéral concernant la Charte de la laïcité et promis pour le mois de juin. Cependant, Stéphanie Vallée, ministre de la Justice, laissait entendre dans le JDM du 12 mai 2014 qu'elle serait guidée dans sa préparation par les deux paramètres suivants : le respect des Chartes et l'obligation d'offrir les services dans les institutions publiques à visage découvert.

Dans ce dernier cas, personne ne s'opposera à cela, au nom simplement du bon sens et de la politesse, sauf, scandaleusement Trudeau et Mulcair, qui, en défendant le port du niqab pour la cérémonie d'assermentation des nouveaux Canadiens, sont curieusement d'accord pour que la liberté de religion, par sa toute présence et puissance vestimentaire, gomme la liberté dont elle se réclame, c'est à dire la liberté fondamentale et première d'être et d'être reconnu , une liberté, surtout, qui doit se vivre dans la réciprocité.

Quant au respect des Chartes, québécoise et canadienne des droits, comme fondement d'un régime de laïcité dans les institutions publiques, il s'agit là d'une entreprise dont le résultat risque d'être nul ou illusoire pour deux raisons :

  1. Les Chartistes dogmatiques, tels encore Trudeau et Mulcair, sans oublier les discrets mais médiatisés, philosophe et avocat, Charles Taylor et Julius Grey, croient de façon irraisonnable que la liberté de religion doit être sans limite, inspirés en cela par les jugements de la Cour Suprême relatifs au kirpan et au niqab dont le port est justifié, s'il relève de la «croyance sincère». Par ces jugements, en effet, la liberté de religion est devenue, en quelque sorte , la liberté première de nos Chartes et, du même coup ,phagocyte la liberté de conscience, laquelle est à la base de la laïcité. Dans ce sens, les Chartes, ainsi interprétées, ne peuvent plus servir de fondement à la laïcité.
  2. En plus de cette contamination de la liberté de conscience par la liberté de religion qui invalide les Chartes comme fondement souhaitable de la laïcité, Madame Vallée devra tenir compte aussi d'un troisième paramètre , celui d'inscrire ,selon la volonté déjà exprimée du premier ministre Couillard, dans notre Charte des droits et libertés de la Personne, la neutralité de l'État pour marquer, soi-disant, son caractère laïque. En fait, ce sera un concept creux puisque cette neutralité ne s'appliquera qu'aux institutions, et sera d'abord comprise par les personnes y oeuvrant comme la garantie que l'État protégera le port de signes religieux ostentatoires autres ,bien sûr, que le niqab, la burka et le Tchador... si c'est encore l'objectif du premier ministre de les interdire.

En fait, la ministre Vallée, n' a pas beaucoup de marge de manœuvre, et si elle ne veut pas risquer d'être «Fatimanisée» par son chef, elle devra écrire, vraisemblablement, un projet de loi sur la laïcité extrêmement minimaliste qui ,tristement, mettra fin, dans l'obscurantisme, à une réflexion collective des Québécois commencée en 2006, à propos des accommodements religieux, et devenue plus intense, récemment, avec la proposition de Charte des valeurs de Bernard Drainville, et, qui surtout, malheureusement, ne permettra en rien de soutenir la liberté des femmes à l'encontre de tous les intégrismes religieux. Au contraire!

Peut-on souhaiter que la ministre Vallée, en tant que ministre de la Condition féminine, réussisse à convaincre son chef, qu'il serait sage d'envisager, une laïcité qui interpelle d'abord les personnes dans les institutions, une laïcité active qui met au premier plan, la liberté de conscience, c'est-à-dire la liberté de réfléchir et de choisir le sens approprié à donner à un signe religieux si on veut le porter dans les institutions publiques, là où les religions doivent se faire discrètes, ce qui était l'objectif raisonnable du projet de charte des valeurs du Parti québécois, mais qui a été occulté dès le départ, d'une part par l'obsession de l'interdiction des signes religieux par les laïques stricts et d'autre part par une démonétisation du projet lui-même par de nombreux chartistes québécois, bien intentionnés sans doute mais mal éclairés ?

En fait, est-il encore possible au Québec, intellectuellement et politiquement, de sortir de la polarisation religion-laïcité et proposer un modèle de laïcité opérationnel qui serait une voie raisonnable entre le dogmatisme religieux et aussi, faut-il le dire maintenant , un certain dogmatisme laïc ,tous les deux, une porte ouverte à l'intégrisme ,c'est-à-dire à des systèmes doctrinaux fermés ?

Moi, je pense encore que c'est possible, c'est pourquoi j'ai écrit à plusieurs reprises aux journaux sans trop de succès cependant, mais surtout à la ministre Vallée pour lui suggérer un modèle alternatif de laïcité, avec copies à Françoise David, Nathalie Roy, Agnès Maltais, les porteurs du dossier de la laïcité pour leur parti respectif. Cependant, la vraie question est : dans notre univers politique et médiatique dit démocratique, est-ce que la voix d'un seul citoyen peut compter et faire une différence ou même seulement être entendue et écoutée ?

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