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Affaire Jutra: pourquoi s'«auto-alzheimeriser»?

Pourquoi ne pas profiter de la situation pour s'assumer comme société et faire les efforts nécessaires pour tirer le meilleur du pire?
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La réaction spontanée de grande désolation, voire d'écœurement, qui a suivi le reportage de La Presse, le 17 février, dans lequel on apprenait que Claude Jutra avait abusé sexuellement d'un enfant de six ans, et ce, jusqu'à l'âge de seize ans, a eu des conséquences immédiates.

Le Devoir rapportait le 18 février, en première page, sous le titre «Jutra rayé de la mémoire collective», que le Québec fera table rase de la mémoire du cinéaste Claude Jutra. «Exit le gala et les prix éponymes, de même que les rues, les places et les parcs qui, aux quatre coins du Québec, portaient son nom jusqu'à aujourd'hui».

Le même jour, Brian Myles concluait en éditorial : «Le nom de Claude Jutra est toxique. Le milieu culturel doit accepter qu'il soit gommé de l'espace public.» Et dans Le Journal de Montréal, le maire Denis Coderre réagissait ainsi : «On ne va pas défendre l'indéfendable. Je suis tout à fait d'accord qu'on enlève le nom du gala et qu'on l'efface de la toponymie montréalaise.»

Le soir même de cette révélation de La Presse, le 17 février, à 24/60, j'écoutais Roger Frappier, co-fondateur du gala des Jutra, dire qu'en quelques jours, on avait accusé, jugé et à nouveau tué Claude Jutra, et qu'il s'estimait être en deuil, en conséquence de quoi il souhaitait que le gala prévu pour le 20 mars soit reporté au 20 juin, le temps de voir clair dans toute cette affaire et de prendre les bonnes décisions.

Je crois qu'il a raison.

Et voici pourquoi.

1) D'abord, il faut investiguer et chercher toutes les victimes possibles de Claude Jutra, dès maintenant. C'est une affaire de justice pour le ou les enfant(s) abusé(s) et oublié(s), volontairement ou non, depuis 30 ans.

2) Vouloir oublier définitivement Claude Jutra, instantanément et pour toujours, c'est de l'«auto-alzheimerisation» ; il y a quelque chose dans ce phénomène qui relève de la lâcheté ou d'une sorte de primitivisme, surtout que cet oubli fera oublier aussi sa pédophilie et, du même coup, toutes ses victimes et toutes les autres victimes anonymes des abuseurs pour qui une biographie n'a pas été écrite.

Alors, justement, pourquoi ne pas profiter de la notoriété assombrie de Claude Jutra pour s'assumer comme société et faire les efforts nécessaires pour tirer le meilleur du pire ? En ce sens, ne pourrait-on pas voir les choses autrement et évaluer calmement et dignement les options qui s'offrent ? Je suggère les miennes, à titre d'exemples.

1) Que le gala des Jutra devienne le «gala des 2 Jutra», et les rues et autre monuments soient rebaptisées «Les 2 Jutra».

2) Qu'une statuette soit créée à l'effigie d'un enfant, et présentée à chaque année en fin de Gala soit à un organisme, à un groupe ou autre qui s'est signalé pour son travail visant à protéger les enfants des tueurs ou d'abus sexuels.

Note: Cette statuette pourrait peut-être être la représentation artistique d'Olivier et Anne-Sophie, si Isabelle Gaston, leur mère, était d'accord.

3) À la suite du témoignage de la deuxième victime, Bernard Dansereau, le comité des sages présidé par Suzanne Coupal devrait peut-être considérer, entre autres, la possibilité de nommer le Gala des Jutra, le Gala des Bernard, si monsieur Dansereau était d'accord. Et dans ce cas, le nom Jutra pourrait être conservé pour les rues, parcs etc, ceci dans un esprit de justice, pour ce créateur de chez-nous et pour ses victimes.

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