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Des images tragiques de vieillards errant dans les décombres après le tremblement de terre en Italie

Ces vieux, on n'en parle pas dans les journaux. Ils sont perdus dans la foule de ceux qui ont eux-mêmes tout perdu. Mais leur perte est peut-être plus grande encore parce qu'en vieillissant on a moins de temps pour se reconstruire et refaire sa vie. On n'a plus le temps de s'habituer à un nouveau logement.
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Les vieux sont toujours les premières victimes des tremblements de terre. Ils vivent dans des maisons en brique, insalubres, aux murs ravagés par le temps. Des maisons qui, comme leurs habitants, étaient autrefois solides et neuves, mais croulent aujourd'hui sous le poids des années.

Certains ont vécu toute leur vie dans des maisons qui les ont ensevelis en quelques secondes. Ils ont passé d'innombrables journées à accomplir les tâches simples et banales d'une existence rurale. À boire leur minestrone en agrippant leur cuillère à soupe d'une main calleuse.

À voir leurs enfants grandir entre ces quatre murs, puis s'en aller dans l'espoir d'une vie meilleure à la ville.

Ces vieux, on n'en parle pas dans les journaux. Ils sont perdus dans la foule de ceux qui ont eux-mêmes tout perdu. Mais leur perte est peut-être plus grande encore parce qu'en vieillissant on a moins de temps pour se reconstruire et refaire sa vie. On n'a plus le temps de s'habituer à un nouveau logement.

Personne ne peut sauver leurs souvenirs, enfouis sous les décombres.

Ces vieux, je les ai déjà rencontrés, dans les décombres d'autres tremblements de terre, dans des camps construits à la hâte par les ouvriers de la protection civile italienne. Des vieux et des vieilles qui ne quittent jamais les tentes qu'on leur a assignées. Il faut partir à leur recherche, dans les coins les plus reculés du camp. Et quand on les trouve, on s'aperçoit qu'il est impossible de leur demander quoi que ce soit. Quelle question peut-on poser à ces yeux vitreux qui regardent désespérément dans le vide? Aucune. Alors on s'assoit et on tente de leur dire qu'il fait beau dehors, et que la terre a cessé de trembler. Mais ce qu'on dit ne les intéresse pas.

Ils attendent que quelqu'un vienne leur dire qu'ils peuvent rentrer chez eux. Or, dans la majorité des cas, cette bonne nouvelle n'arrive jamais. Parce qu'ils vivaient dans des maisons pleines de fissures et de crevasses, qui n'ont pas pu tenir les promesses qu'elles avaient faites à leurs propriétaires.

Les vieux qui ont perdu leur maison dans ce tremblement de terre sont vivants malgré eux. Ils sont perdus, désorientés, incrédules.

Ces maisons croulantes ont kidnappé leurs souvenirs, et aucune rançon ne les leur rendra. Elles gardent le souvenir d'étés pas si différents de celui-ci, d'hivers enneigés, de printemps fleuris. Quand elles se sont effondrées, elles ont enterré des nappes faites main, et des photos en noir et blanc qui montraient des moments heureux.

Les vieux qui ont perdu leur maison dans ce tremblement de terre sont vivants malgré eux. Ils sont perdus, désorientés, incrédules. Beaucoup sont même incapables de pleurer. Ils n'ont plus rien. Ils seront probablement recueillis par une maison de retraite, un motel, ou un hôpital. Ou bien par des parents qui seront peut-être contents de les accueillir, mais ne comprendront jamais vraiment leur tristesse. Ils tenteront de leur remonter le moral, mais leurs invités resteront apathiques.

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Ces vieux que l'on voit errer dans les décombres vous fendent le cœur. Si on a tant de mal à les trouver, c'est qu'ils sont peu nombreux. Mais ils sont là. Comme toujours. Chaque tremblement de terre en épargne quelques-uns. Ils se retrouvent seuls, et n'ont rien d'autre à faire que regarder les ruines de leur passé et méditer sur leur sombre avenir.

Ils ont perdu les photos et les nappes en dentelle qui leur permettaient de repenser aux jours heureux. Aujourd'hui, ils n'ont plus rien. Tout a disparu sous des tonnes de gravats. Personne ne peut sauver leurs souvenirs. Personne ne peut sauver ces vieux.

Cet article, publié à l'origine sur le Huffington Post italien, a été traduit de l'anglais par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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