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La faune sauvage gagne en cour, mais perd sur le terrain

La loi sur les espèces en péril a été adoptée en 2002 afin de protéger la faune et la flore sauvages du Canada. Même si la loi en tant que telle est bien formée, c'est plutôt son exécution qui laisse à désirer.
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Des 345 espèces menacées au Canada, plus de 160 ont attendu beaucoup trop longtemps à des programmes de rétablissement. Grâce à une récente décision de la cour fédérale, quatre espèces vont finalement bénéficier de plans détaillant les différentes étapes nécessaires à leur protection, incluant l'identification des habitats essentiels à leur survie. Cet accomplissement a cependant nécessité l'implication de plusieurs groupes environnementaux incluant la Fondation David Suzuki qui, avec l'aide d'avocats d'Écojustice, ont dû amener le gouvernement fédéral devant les tribunaux. Ce n'est pas la première fois que nous devons aller devant la justice afin de protéger la faune sauvage.

Dans ce que le juge appela « la pointe de l'iceberg », la cour a trouvé qu'il y avait un énorme problème systémique dans les deux ministères responsables de la protection des espèces menacées et vulnérables. Le ministère de l'environnement et celui des pêches ont tous les deux enfreint la loi pour les espèces en question en permettant des délais de plusieurs années dans l'atteinte des cibles requises par la Loi sur les espèces en péril.

Ce gain juridique est une bonne nouvelle pour la baleine à bosses du Pacifique, le guillemot marbré, l'esturgeon blanc de Nechako et le caribou des montagnes du Sud. Leur destin, ainsi que celui de plusieurs autres espèces menacées et vulnérables reconnues par le gouvernement fédéral, reste toujours en péril. Une victoire juridique n'est qu'un début. Une volonté politique est aussi requise afin d'assurer que ces espèces et leur habitat reçoivent la protection nécessaire.

La paruline polyglotte, l'autour des palombes et la tortue ponctuée ne sont que quelques-unes des espèces menacées qui restent dans l'attente d'une protection adéquate, certaine depuis déjà sept ans. L'engoulevent bois-pourri -- connu pour ses cris nocturnes très distincts -- lutte à sa survie contre la pollution, les pesticides et les changements climatiques alors que le renard gris et la pie-grièche migratrice des prairies, menacée par l'agriculture et les pesticides, sont confrontés par des délais dans les stratégies de rétablissement.

Lorsque des plans arrivent aussi tardivement, les impacts de larges projets de développement comme l'oléoduc du Northern Gateway ne sont pas considérés de façon adéquate avant que ces projets ne soient approuvés. Nous ne saurons jamais si les recommandations par la commission d'examen conjoint de supporter le projet Enbridge auraient été différentes si les impacts de rétablissement d'espèces menacées comme la baleine à bosse avaient été considérés par cette même commission.

Dans le processus de protection des espèces en péril, les stratégies de rétablissement ne sont pas la seule composante qui fonctionne au ralenti. L'évaluation du statut des espèces peut prendre à elle seule jusqu'à cinq ans. Cinq années additionnelles peuvent également être requises par le gouvernement afin d'accepter ou non ces évaluations scientifiques et de fournir la protection nécessaire à une espèce. Viennent ensuite les délais juridiques, suivis par les stratégies de rétablissement - plusieurs étant retardées - et finalement plusieurs années additionnelles pour les plans d'action qui n'ont pas de dates précises pour prendre effet. Pour les épaulards, dont le plan d'action tant attendue vient seulement d'être publié, le processus a pris 13 ans, accompagné d'une contestation juridique de la Fondation David Suzuki et d'autres organisations, afin de finalement conclure que le gouvernement a manqué dans ses responsabilités de protéger les habitats principaux de cette espèce. Plusieurs autres espèces sont même en attente depuis plus longtemps.

La loi sur les espèces en péril a été adoptée en 2002 afin de protéger la faune et la flore sauvages du Canada. Même si la loi en tant que telle est bien formée, c'est plutôt son exécution qui laisse à désirer. Certaines espèces ayant besoin d'être protégées, comme c'est le cas du requin-taupe, sont exclues de la liste, ainsi que d'autres espèces de poisson ayant une forte valeur commerciale. Malgré un déclin de 90 % de sa population, la protection du requin-taupe fut refusée à cause des impacts potentiels sur l'industrie de la pêche.

La loi ne s'applique automatiquement qu'à une petite proportion des espèces en péril. La plupart de ces espèces n'étant pas garanties d'une protection sur les territoires provinciaux, la loi autorise l'intervention du gouvernement fédéral si une province manque à protéger une espèce en péril en particulier. Jusqu'à maintenant, l'intervention du gouvernement fédéral n'est arrivée qu'une seule fois, dans le cas du tétras des armoises. Malgré un récent ordre d'urgence du gouvernement fédéral afin d'améliorer la protection de cet oiseau et de son habitat des prairies, plusieurs inquiétudes demeurent concernant des délais en lien avec les activités de rétablissement.

La menace principale de plus de 85 % des espèces en péril est la perte ou la dégradation de leur habitat. Les plans de rétablissement identifient cet habitat qui peut ainsi, par la suite, être protégé et restauré afin d'aider la survie de la faune sauvage. Des stratégies de rétablissement sont maintenant requises pour 192 espèces. Des contestations juridiques victorieuses -- tel que notre dossier de 2009 du naseux de Nooksack, impliquant un petit vairon au bord de l'extinction -- aident à renforcer les exigences de la loi sur l'identification des habitats essentiels par le gouvernement fédéral. Le gouvernement peut accélérer le processus en suivant une approche de précaution en l'absence de certitude scientifique.

Ne serait-il pas merveilleux si nous n'avions pas à recourir à des contestations juridiques afin de protéger la faune sauvage menacée? Les espèces en péril prises dans de longs délais sont comparables à des patients en situation d'urgence à qui l'on refuse un support d'assistance à la vie. Si nous nous soucions vraiment de ces espèces, nous devons travailler davantage à leur protection.

Avec la collaboration de Theresa Beer, spécialiste en communications à la Fondation David Suzuki.

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