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Le Sommet sur l'enseignement supérieur était petit, sans ambition, et ne visait qu'à confirmer le sondage de Léger-Marketing de février 2013 donnant l'indexation gagnante. Bref, ce sommet était digne d'un gouvernement animé d'une mentalité de petit comptable, car obsédé par l'équilibre budgétaire qui, ultimement, est une commande des agences de notation financières américaines comme Moody's. « Maître chez nous » disions-nous il y a de cela pas si longtemps?
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Le Sommet sur l'éducation, ou plutôt la publicité en faveur du «bon gouvernement», aura été au final une entreprise de marketing politique réussie. En effet, il s'agissait de faire connaître davantage les propositions péquistes de l'indexation des frais de scolarité et d'un nouveau calcul devant déterminer la part des deniers publics que chaque université recevra. Ce calcul innovateur, émanant de l'entourage du ministre Pierre Duchesne, va réduire les désavantages des universités, comme l'UQAM, où le nombre d'étudiant-e-s de première génération est plus important que dans une université comme McGill. Elle plaît donc au nouveau recteur de l'UQAM, Robert Proulx, mais elle est décriée par la rectrice de McGill, Heather Munroe-Blum, ainsi que par le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton.

Faute de trouver de nouvelles sources de revenus, ou de vouloir vraiment le tenter et s'attirer les foudres des milieux d'affaires, le PQ a donc décidé de réaménager les fonds disponibles. Une telle approche comptable peut donc passer pour une mesure de justice sociale, ce qui permet dès lors de redorer le blason social-démocrate du PQ terni par ses nombreux reculs depuis son arrivée au pouvoir. On peut penser à la volte-face du gouvernement sur l'augmentation rétroactive des impôts des plus fortunés, l'abolition de la régressive taxe santé et la mise sur pied d'un Sommet sur l'éducation où l'option de la gratuité scolaire serait exclue des travaux, ou du moins, considérée comme un scénario non crédible. Cela détone avec les propos que tenait Pauline Marois au début du mois d'août 2012, lorsqu'elle disait ne vouloir écarter aucune avenue, et vouloir entendre toutes les parties.

Connaissant bien la position de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) sur la question de la gratuité scolaire, il était bien évident que les associations étudiantes locales qui en sont membres se rebuteraient à participer à ce sommet. C'était donc un choix conscient de la part du PQ d'exclure l'ASSÉ des débats, ce qui contribuait à la décrédibiliser au profit de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Les deux fédérations s'avèrent être deux alliés indéfectibles du PQ, et elles lui ont fourni de nombreux élu-e-s comme François Rebello (ancien président de la FEUQ), André Boisclair (ex-président de la FAECQ, ancêtre de la FECQ) et Léo Bureau-Blouin (président sortant de la FECQ). Autre exemple plus récent, le président de la FEUQ pendant la grève étudiante de 2005, Pier-André Bouchard St-Amant, tristement célèbre pour ses positions trop conciliantes avec le PLQ lors des négociations, a été nommé président du «chantier sur l'accessibilité et la participation aux études» par le gouvernement péquiste.

Au Québec, en 2012, la machine ayant permis de mobiliser tant de cégeps, collèges et campus universitaires, a été la Coalition Large de l'ASSÉ, la CLASSE. En intégrant l'association nationale de la CLASSE, de nombreuses associations étudiantes universitaires ou collégiales avaient décidé de ne plus attendre plus que leur association nationale, la FEUQ ou la FECQ, se décide de rejoindre le mouvement de grève. Ces associations ont donc pu connaître le mode d'organisation plus démocratique et plus combatif de la CLASSE. La grève étudiante de 2012 a donc aussi eu comme résultat de miner l'emprise tranquille de la FECQ et la FEUQ sur de nombreuses associations qui aujourd'hui rejettent leur mode de gouvernance plus centralisée marquée par les libertés que s'offre l'exécutif national avec les mandats adoptés en congrès.

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Le Sommet sur l'enseignement supérieur en photos

Le PQ, en élevant la FEUQ et la FECQ au rang d'interlocuteurs crédibles, et en éloignant l'ASSÉ du sommet, stigmatisée à nouveau en tant qu'association extrémiste et radicale, s'invite donc dans un débat interne au mouvement étudiant en faisant peser tout son poids du côté de la balance des fédérations étudiantes. Le gouvernement de Pauline Marois a donc cherché à renforcer le leadership ébranlé de la FEUQ et de la FECQ qui défendent toutes deux une approche de concertation des rapports État société ainsi qu'une position dite modérée sur la question des frais de scolarité en défendant le gel. L'avantage pour le gouvernement est évident.

Mais il y a plus. En écartant l'ASSÉ, ce n'est pas qu'une turbulente adversaire que le PQ a implicitement mis à la porte de son sommet, c'est l'idée même de gratuité scolaire qui lui est associée. Cela a contribué à renforcer la perception que le projet de gratuité scolaire est minoritaire, sous haute escorte policière. Pourtant, cette idée si radicale défendue par une si extrémiste organisation, l'ASSÉ, est aussi partagée par un ancien ministre péquiste, Jean Garon, un ex-premier ministre, Jacques Parizeau, un éminent sociologue québécois, Guy Rocher, deux partis politiques, Québec solidaire et Option nationale, de nombreuses centrales syndicales telle la Confédération des syndicats nationaux et par la Commission Parent qui fit entrer le Québec dans la modernité en éducation.

En fait, les médias de masse le soulignent rarement, mais le statu quo est en faveur de la hausse et non du gel, et ce, depuis le dégel décrété par le gouvernement libéral de Robert Bourassa en 1989. Dès lors, faire campagne pour le gel ou pour la gratuité scolaire, c'est devoir s'opposer à 25 ans de discours affairistes prônant le régime minceur pour les politiques sociales de l'État touchant la santé, la culture et l'éducation. D'ailleurs, si le PQ avait réussi à gagner les élections de 1985, les frais de scolarité auraient rejoint la moyenne canadienne. On peut donc dire que le gouvernement libéral de Jean Charest s'est inspiré en 2012 d'une vieille idée péquiste qu'il a dépoussiérée.

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Et, ce sommet sur l'éducation: succès ou échec? Les médias de masse nous dirons succès. Vraiment? Je pose la question: n'est-ce pas plutôt l'épuisement du mouvement étudiant, notamment sa partie combative, qui est cause de ce «non-échec» de la part du PQ ?

Autre question: est-ce que ce sommet aura permis au PQ de faire cesser l'hémorragie continue qui lui fait perdre des voix vers les tiers partis souverainistes à sa gauche et vers l'abstentionnisme? Non, pas vraiment, c'est le PQ que l'on connaît, le PQ des discours démocratiques et des pratiques technocratiques, le PQ tel que René Lévesque l'a créé, soit un parti où l'aile sociale-démocrate est toujours muselée par une direction pragmatique n'ayant comme seul objectif, non pas la souveraineté, mais la prise et la conservation du pouvoir. Le PQ aussi qui cherche à équilibrer la question nationale et la question sociale, mais ce faisant néglige constamment la seconde en croyant bien servir la première, notamment en courtisant les milieux d'affaires. Le PQ enfin des consensus imposés comme celui sur le déficit zéro sous Lucien Bouchard.

Ce sommet était donc petit, sans ambition, et ne visait qu'à confirmer le sondage de Léger-Marketing de février 2013 donnant l'indexation gagnante. Bref, ce sommet était digne d'un gouvernement animé d'une mentalité de petit comptable, car obsédé par l'équilibre budgétaire qui, ultimement, est une commande des agences de notation financières américaines comme Moody's. « Maître chez nous » disions-nous il y a de cela pas si longtemps?

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La manif post-sommet de l'ASSÉ

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