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Le vote stratégique péquiste

L'argument péquiste est simple : un vote pour Québec solidaire (QS) est un vote perdu pour la souveraineté. Le problème avec ce raisonnement: il relègue au second rang la dimension de classe (ou socioéconomique) du vote pour QS.
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Nous sommes dans la dernière ligne droite de la campagne électorale. Tous les partis politiques ont rameuté leurs partisan(e)s et vont chercher à faire sortir leur vote. Il reste les indécis(e)s ou les partisan(e)s tièdes à attirer dans leur giron, soit par des offres politiques très ciblées, ou en reculant sur certaines positions jugées trop radicales, ou encore en peignant l'adversaire comme l'incarnation de l'injuste et de l'inefficacité.

Il reste également une dernière mesure qui est constamment utilisée par les partis politiques pouvant aspirer à court terme à conserver ou à prendre le pouvoir : l'appel au vote stratégique qui est surtout évoqué par le Parti québécois (PQ) dans cette campagne.

L'argument péquiste est simple : un vote pour Québec solidaire (QS) est un vote perdu pour la souveraineté. Cela facilitera d'autant plus la prise du pouvoir par le corrompu Parti libéral, qui n'hésitera pas à sacrifier les demandes constitutionnelles du Québec et à y affaiblir le statut du français, donc à miner l'identité et la culture québécoise. Il fallait lire la chronique de Michel David de ce mardi 1er avril pour avoir un résumé efficace de l'argument péquiste.

Le problème avec cet argument est qu'il relègue au second rang la dimension de classe (ou socioéconomique) du vote pour QS. En effet, QS, contrairement au PQ, propose notamment des mesures pour enrayer la pauvreté, démocratiser l'accès à une éducation postsecondaire, développer les services publics de première ligne en santé, etc. Bref, l'argument péquiste reprend la vieille rengaine nationaliste qui nous demande de mettre en veilleuse les questions sociales au nom de la question nationale.

Depuis plus de 30 ans en Occident, les enjeux identitaires (multiculturalisme, interculturalisme, etc.) ont pris peu à peu la relève des questions liées aux intérêts des classes sociales moins favorisées (au profit des intérêts des plus riches). La politique économique se résumant, tout parti politique confondu, à l'austérité budgétaire (commandée notamment par des agences de notation et le patronat) et à la croissance économique.

On sait les effets que ces politiques économiques ont eus sur l'accroissement des inégalités et sur l'accaparement de la richesse créée par une élite (et je ne parle même pas des ravages écologiques d'une telle politique). Mais, cela n'empêche pas que le discours dominant, bien présent dans les médias de masse, veut que les questions identitaires et néolibérales occupent légitimement toute la place dans le débat public, ce qui revient à dire que les intérêts de classe divergents sont évacués, comme si nous formions une belle grande classe moyenne dont les demandes sont compatibles.

Une fois évacuée la dimension de classe du vote pour QS, il est facile d'avancer que l'électorat de QS est plus proche de celui PQ sur la question nationale, comme le fait Michel David. En effet, ces deux électorats ne veulent-ils pas la même chose, soit que le Québec soit un État indépendant où le statut du français serait assuré et où la population francophone aurait une sécurité identitaire ?

Cependant, même en secondarisant la dimension socioéconomique du vote de QS, l'argument péquiste omet que si les électorats du PQ et de QS s'entendent grosso modo et abstraitement sur les fins du projet national québécois, concrètement ils diffèrent sur les moyens, et ce, de manière très importante.

  1. Contrairement à l'approche élitiste du PQ dont la direction veut garder le contrôle du processus référendaire, QS propose un mode d'accès à l'indépendance décentralisée et inclusive passant notamment par une assemblée constituante citoyenne représentative de la population québécoise.
  2. Pour QS, il ne s'agit pas d'un projet politique visant uniquement la population francophone de souche, mais d'une approche inclusive qui prend en compte le visage pluriel du corps civique québécois.
  3. Pour QS, l'indépendance doit viser à créer un régime politique donné, il faut donc en parler avant d'enclencher le processus référendaire. À quoi bon changer uniquement l'adresse du pouvoir s'il s'agit uniquement de maintenir un régime politique monarchiste, centralisé et inégalitaire d'héritage britannique ?
  4. La démarche de QS s'appuie sur un ensemble de résolutions prises démocratiquement en congrès ; résolutions auxquelles les chefs de QS se sentent liées et qu'ils défendent publiquement, et ce, sans constamment changer d'avis de manière unilatérale (sans passer par leur congrès) en suivant l'évolution de l'opinion publique dans les sondages.

Ce qui ressort de tout cela, c'est que l'appel au vote stratégique lancé par le PQ à l'électorat potentiel de QS ne prend pas en compte trois valeurs fondamentales inhérentes au projet politique de QS : la démocratie (au sens fort du terme), l'égalité sociale (sans laquelle l'égalité politique n'est qu'une illusion) et l'inclusion culturelle (parce qu'il faut prendre acte du Québec pluriel d'aujourd'hui). Pour répondre à ces valeurs, le PQ n'a rien à offrir, et ce depuis longtemps, lui qui a lié sa politique budgétaire aux demandes des agences de notation américaines, a subordonné sa politique économique aux demandes des milieux d'affaires, a calqué sa politique de redevance minière sur les « besoins » des multinationales qui extraient nos ressources à bon compte, nous laissant en échange des terres polluées pour de multiples générations.

De plus, dernièrement, le PQ nous a proposé un bel exemple de politique qui divise les communautés du Québec avec sa « charte des valeurs » (mais où est allé le PQ de Gérald Godin ?).

Alors, un vote stratégique pour le PQ ?

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