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La nouvelle présidente de l'Association étudiante nationale du Québec, Émilie Lévesque, s'est dit outrée hier en conférence de presse du comportement dictatorial du gouvernement québécois lors du vote jeudi d'une énième loi spéciale obligeant les travailleurs intellectuels à mettre fin à leur grève et à accepter des reculs salariaux importants.
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Conflit étudiant : dérive antidémocratique du gouvernement et perte de légitimité? Par Marie-Andrée Gervais, Le Jour, 25 septembre 2025.

La nouvelle présidente de l'Association étudiante nationale du Québec (AENQ), Émilie Lévesque, s'est dit outrée hier en conférence de presse du comportement dictatorial du gouvernement québécois lors du vote jeudi d'une énième loi spéciale obligeant les travailleurs et travailleuses intellectuel(le) à mettre fin à leur grève et à accepter des reculs salariaux importants. Depuis l'instauration du salariat étudiant et la reconnaissance du droit de grève étudiant en 2015, Mme Lévesque a rappelé que « les gouvernements du Parti québécois [PQ] et du Parti libertarien du Québec [PLQ] ont toujours fait usage d'une loi spéciale pour bâillonner les syndiqués étudiants, ont toujours refusé de négocier de bonne foi et ont toujours refusé la demande raisonnable de l'AENQ d'indexer au coût de la vie le salaire étudiant. »

La présidente de l'AENQ a souligné que son organisation avait supporté le PLQ lors des dernières élections, car « il s'était vivement opposé à l'approche autoritaire et à la politique économique d'austérité du premier ministre péquiste Pierre-Karl Péladeau et promettait un réinvestissement massif dans les secteurs de l'éducation et la culture. » Pour elle, le PLQ ne possède donc pas la légitimité nécessaire pour poursuivre de manière encore plus drastique la politique d'austérité du précédent gouvernement du PQ. Selon Mme Lévesque, « pour rétablir la confiance de la population envers les institutions politiques, le gouvernement a trois options : changer sa politique économique, démissionner ou consulter la population par référendum. »

La récente étude publiée par le Centre de recherche sur les comportements politiques (CRCP) donne raison à Mme Lévesque et illustre une perte de confiance massive de la part de la population envers le système parlementaire québécois. Selon la directrice du CRCP, la professeure Clara Bélanger, quatre problèmes majeurs ont été soulignés systématiquement par les 1 000 personnes sondées sur une période de dix ans.

L'étude du CRCP identifie donc les problèmes suivants : (i) « le mode de scrutin non proportionnel qui permet à un gouvernement de contrôler une majorité de sièges en Chambre sans jouir du support d'une majorité absolue de votes ; (ii) le vote à main levée au Parlement qui permet aux partis politiques d'imposer une ligne de parti de fer à ses députés ; (iii) le peu de représentativité d'une députation majoritairement masculine et âgée ; enfin, (iv) le fait que les partis, lors des élections, n'informent pas clairement et honnêtement la population sur leurs intentions politiques une fois au pouvoir. »

Selon Mme Bélanger, « il est aberrant en 2025 que des gouvernements conçoivent encore leur élection comme un chèque en blanc pour faire ce que bon leur semble et ce, sans tenir compte des mandats que leur ont donné leurs militants en congrès et sans se sentir liés par le programme qu'ils ont présenté à la population lors des élections générales. » Pour elle, « les partis politiques, une fois au pouvoir, invoquent constamment le changement de la conjoncture économique mondiale et la découverte d'un déficit imprévu dans les finances publiques pour gouverner comme ils l'entendent. » Or, s'il est vrai qu'un gouvernement doit pouvoir bénéficier d'un certain pouvoir discrétionnaire pour faire face à des très rares situations de crises, pour tous les autres motifs, nous dit Mme Bélanger, « le gouvernement du Québec devrait s'inspirer du modèle dominant et consulter la population par référendum pour faire valider tout changement de politique important. »

En citant l'étude du CRCP, Gabriel Legault, le secrétaire général du Regroupement syndical étudiant (RSE) a, quant à lui, remis en question les procédures de vote à l'Assemblée nationale qui empêche l'expression de toute dissidence et qui date d'un autre âge. Il a rappelé qu'une des grandes avancées du régime politique libéral est le scrutin secret qui permet aux citoyens et citoyennes de voter selon leur conscience sans subir de pression extérieure. En ce sens, nous dit-il, « le vote à main levée à l'Assemblée nationale empêche les députés de voter librement, donc sans subir d'intimidation de la part du gouvernement. » M. Legault allègue que « l'opinion publique condamne massivement ce comportement archaïque qui rend caduque le fonctionnement du système parlementaire. » Le secrétaire général du RSE affirme même que « le Parlement doit pouvoir contrôler le gouvernement et le forcer à rendre des comptes de sa gouverne. Avec le vote à main levée en Chambre, c'est plutôt le gouvernement qui contrôle le Parlement en forçant une majorité de députés, intimidés, à le soutenir sur chaque vote. »

Le secrétaire général a aussi rappelé que plusieurs députés du parti gouvernemental avaient annoncé dans les médias cette semaine leur souhait de s'opposer à ce projet de loi spéciale, invoquant la dérive autoritaire du gouvernement libertarien. Or, le vote d'hier matin en Chambre s'est soldé par un support unanime des élus du PLQ à la loi spéciale, ce qui signifie, selon M. Legault, que « l'expulsion du caucus libertarien de deux députés par le premier ministre Coiteux a envoyé un message clair à la députation : faites taire votre conscience politique et suivez aveuglément la ligne de parti! »

Le député de Laurier-Dorion, Alex Kostas, qui était le porte-parole de la faction dissidente du parti gouvernemental, et qui a été expulsé du caucus libertarien mardi, a dit en entrevue hier soir : « J'ai fait campagne en promettant à mon électorat un programme économique plus social, après 30 ans d'austérité, et l'abandon du recours systématique à des lois spéciales lors des conflits de travail. Je ne peux pas me parjurer devant toutes ces personnes. Je me sens lié par mes promesses électorales que je vois comme des mandats que mes électeurs et électrices m'ont donnés. Et ça, c'est sans compter que lors du dernier congrès du PLQ, la base militante a adopté à forte majorité un réinvestissement en éducation et en culture ainsi qu'une approche plus libérale des conflits sociaux. » Ainsi, pour le député dissident Kostas, « le premier ministre a trahi la population ainsi que sa base militante et se laisse dicter sa politique par des agences de notations new-yorkaises. » Il en appelle donc à la démission de son ancien chef et à l'instauration du scrutin secret à l'Assemblée nationale : « Avec le vote à main levée, les députés dissidents qui me soutenaient n'ont pas osé se manifester, par peur d'être exclu du parti et, sans le support du PLQ, de mettre en jeu leur réélection future. [Selon M. Kostas], le scrutin secret, en permettant à mes collègues de voter sans risque selon leur conscience, aurait vu la majorité gouvernementale s'effondrer en Chambre et aurait permis au Parlement de rejeter le projet de loi spéciale. »

Les leaders du PQ, de Québec solidaire (QS), d'Option nationale et des Verts, lors d'une rare conférence de presse conjointe, ont offert leur soutien à M. Kostas et encouragé ses collègues dissidents, qui ont été réprimés par le premier ministre, à cesser de se taire et à traverser la Chambre pour rejoindre l'Opposition. Le nouveau chef du PQ, Alexandre Cloutier a annoncé « la fin de la politique du parti unique au pouvoir, qui n'a pas bien servi les Québécois par le passé. » Un des chefs de QS, Simon Tremblay-Pepin, a annoncé que les quatre partis, avec le support des députés dissidents, vont « chercher à faire tomber le gouvernement sur un vote confiance et proposer un cabinet de coalition qui aura l'appui d'une majorité absolue de citoyens et de citoyennes. » Quant à Jean-Martin Aussant, le chef d'ON, il a énuméré les points sur lesquels les quatre partis s'entendent : «le vote secret en Chambre (donc le relâchement de la ligne de parti), une politique économique plus sociale, un mode de scrutin proportionnel mixte ainsi que l'instauration de référendums d'initiative populaire.» Selon M. Aussant, «il est temps de donner au peuple le contrôle sur les grandes orientations politiques et de redonner au Parlement la possibilité réelle de contrôler les actions du gouvernement.»

En réponse à toutes ces critiques, une porte-parole du premier ministre a réitéré que « le gouvernement Coiteux continuera à agir de manière responsable en créant un environnement fiscal et économique favorable à l'investissement étranger. » Elle a qualifié l'ensemble de ces critiques « d'idéologues qui veulent nuire à la politique fonctionnelle du gouvernement et qui cherchent à se faire du capital politique. » La porte-parole du premier ministre Coiteux a même désavoué l'étude du CRCP qui, selon elle, « n'a aucune crédibilité. » « Le CRCP, a poursuivi la porte parole, ne fait preuve d'aucune rigueur scientifique », car, a-t-elle bien voulu insister, « ce centre de recherche de l'UQAM est connu pour son biais de gauche et ses affiliations avec l'irresponsable Groupe d'étude sur la répression politique de l'UQAM qui est financé notamment par les syndicats étudiants et coordonné par le professeur Marc-André Lamarche, connu pour ses professions de foi anarchistes et anticapitalistes. »

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