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Les luttes sociales et environnementales sont un réel enjeu sur le plan des affaires et de la réputation

Acceptabilité sociale, lutte contre les contre les changements climatiques, droit à la défense de l’environnement… le périmètre des enjeux s’élargit de jour en jour pour bon nombre d'entreprises.
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Au Québec, la pression du mouvement global divestment se fait sentir de plus en plus et force les acteurs du secteur financier à prendre des mesures concrètes même si, parfois, elles sont frappées du sceau de la pieuse obligation.
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Au Québec, la pression du mouvement global divestment se fait sentir de plus en plus et force les acteurs du secteur financier à prendre des mesures concrètes même si, parfois, elles sont frappées du sceau de la pieuse obligation.

Le mois d'octobre aura été riche en rebondissements sur le plan des mobilisations citoyennes et environnementales. Mis en perspective, une série de victoires et de revirements devraient – à tout le moins – alerter bien des entreprises sur leur manière d'évaluer et de gérer leurs risques sur le plan de la réputation. Acceptabilité sociale, lutte contre les contre les changements climatiques, droit à la défense de l'environnement... le périmètre des enjeux s'élargit de jour en jour pour bon nombre d'entre elles et ce mois d'octobre 2017 en est la parfaite illustration, au Québec comme dans le reste de l'Amérique du Nord.

Des fronts de déstabilisation multiples

Au Québec, la pression du mouvement global divestment se fait sentir de plus en plus et force les acteurs du secteur financier à prendre des mesures concrètes même si, parfois, elles sont frappées du sceau de la pieuse obligation.

C'est le cas par exemple de la Caisse de Dépôt et de Placements du Québec (CDPQ) qui, visée depuis des mois par la campagne « sortons la caisse du carbone » a annoncé la semaine passée qu'elle allait dorénavant greffer la question des changements climatiques au cœur de toutes ses décisions d'investissements.

Le Mouvement des caisses Desjardins avait également senti la soupe chaude et avait décrété en juillet dernier, après de multiples pressions, un moratoire sur les investissements dans les projets d'hydrocarbures (qui a mené à un retrait du projet Trans Mountain).

Une décision qui fait sens lorsqu'on se doit de répondre avec cohérence à la double injonction que sont le respect des objectifs de la COP 21 et celui des communautés qui composent en partie sa clientèle. À un moment donné, le grand écart entre l'affichage d'entreprise socialement responsable (la fameuse RSE) et la réalité des opérations financières devient une faille informationnelle dans laquelle les défenseurs environnementaux ne peuvent que s'engouffrer...

Il n'est d'ailleurs pas étonnant de constater qu'une grande variété d'acteurs aient investi le combat du divestment, puisque celui-ci leur permet de continuer à faire avancer leur cause originelle. C'est sous cet angle, celui des super stakeholders, qu'il faut comprendre la mobilisation mondiale des peuples autochtones sur la question climatique. Cette dernière connaitra un nouveau point d'orgue cette semaine à l'occasion du sommet des Principes de l'Équateur où il sera demandé à près de 90 banques de mettre un terme à tout financement ayant pour conséquence le non-respect ou la dégradation de leur cadre de vie. Entre évidemment dans ledit cadre l'ensemble des projets d'hydrocarbure, mais pas seulement. Il faut noter qu'au total, ce sont 17 banques qui sont désignées comme étant « des cibles prioritaires » sur qui mettre la pression.

Des recours légaux de plus en plus incertains

Nombre de ces pressions se sont traduites ces dernières années par une plus grande radicalisation et sont allées au-delà des simples tactiques de désobéissance civile. Et, fait tout à fait remarquable, les entreprises semblent désormais ne plus pouvoir jouer avec assurance la carte de la poursuite en justice en ayant la conviction que celle-ci sera suffisamment efficace pour protéger leur réputation et leurs opérations.

Produits forestiers Résolu vient d'en faire l'amère expérience dans la guerre qui l'oppose à Greenpeace. Sa poursuite la plus récente, intentée aux États-Unis, vient d'être classée sans suite par la justice californienne, celle-ci ayant considéré que malgré quelques solides munitions détenues par la forestière, "le tribunal n'est pas l'endroit approprié pour résoudre les désaccords scientifiques de ce genre" et que les propos de Greenpeace, qui sont loin d'avoir été innocents et sans effets sur le plan des affaires, ont été tenus dans le périmètre de la liberté d'expression. C'est sans aucun doute un signal que les avocats, dirigeants – et investisseurs - du Dakota Access Pipeline ne manqueront pas de prendre en considération, ces derniers ayant eu recours à la même stratégie juridique que Résolu (procédure RICO) qui, pour nombre d'observateurs avisés, a été une intéressante innovation stratégique.

Mais l'innovation et le darwinisme opérationnel ne sont pas l'apanage des grands bureaux d'avocats, tant s'en faut. Une décision d'une cour du Minnesota vient de le prouver en relâchant, le 11 octobre dernier, 3 activistes poursuivis pour un délit sérieux (avoir stoppé le débit d'un pipeline) sur la base juridique de « l'état de nécessité ». En retenant les arguments de la défense, le juge a reconnu que les activistes n'avaient pas eu d'autre choix que d'enfreindre la loi afin d'empêcher un préjudice à venir encore plus grand : exposer la communauté aux changements climatiques... Décision osée, qui sera probablement portée en appel (tout comme pour Résolu), mais qui illustre parfaitement qu'aujourd'hui, le niveau d'incertitude pour les chefs d'entreprise et leur entourage atteint des sommets.

Alors, que retenir de ce mois d'octobre très chargé sur le plan des luttes sociales et environnementales ? 4 points devraient désormais être pris en considération de manières permanentes par les entreprises :

  1. De manière générale, on assiste à un élargissement du périmètre des risques d'enjeux et de réputation;
  2. Le phénomène des super stakeholders engendre une multiplication des angles d'attaques et décuple la force de frappe disponible contre les entreprises cibles;
  3. La justice est de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux et la voie des poursuites juridiques pour adresser un enjeu risque d'être un choix de moins en moins pertinent (si tant est qu'il l'ait déjà été);
  4. Le cumul des victoires environnementalistes ne peut que renforcer leur détermination et, la nature ayant horreur du vide, il est fort probable que l'abandon de projets comme Énergie Est, pour ne citer que celui-là au Québec, mette au centre de la cible d'autres projets jusqu'alors passés sous le radar. On prend les paris ?
Avril 2018

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