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Les interventions de l'ONU en Afrique subsaharienne

Les nombreux conflits en Afrique depuis la décolonisation nous amènent à nous interroger sur l'efficacité des interventions des Casques bleus.
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Les conflits en Afrique ont été nombreux depuis la décolonisation. Mais ce constat nous permet de nous interroger sur l'efficacité des interventions des Casques bleus de l'Organisation des Nations unies en Afrique subsaharienne. Sur ce sujet, il est important de préciser qu'il n'y a pas une seule Afrique, mais des Afriques, car chaque pays, chaque région de ce continent extrêmement hétérogène n'a pas eu le même parcours dans son histoire postcoloniale. Il ne faut ainsi pas généraliser à tous les pays, même si, «parmi les onze pays membres de la C.E.E.A.C. (Communauté économique des États de l'Afrique centrale), plus de la moitié a régulièrement été confrontée, pendant des périodes plus ou moins récentes, à des conflits armés avec leurs cortèges de pertes en vies humaines, de vagues de réfugiés, de populations déplacées et de destructions de grande ampleur».

Le mandat des Nations unies

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Organisation des Nations unies (ONU) a été créée pour le maintien de la paix et de la sécurité. Et, vers le milieu des années 1990, avec la fin de la guerre froide et l'élargissement du concept de sécurité, la sécurité n'est plus seulement liée à la sécurité de l'État, de ses frontières et de ses communautés. La notion de sécurité humaine apparaît et englobe la sécurité économique (pauvreté), alimentaire (famine), sanitaire (maladies infectieuses), environnementale, personnelle (violence, terrorisme), communautaire (tensions ethniques) et politique (droits de la personne).

Les conflits en Afrique subsaharienne

«Dans les années 1990, la fin du patronage de guerre froide et la mondialisation économique ont vu naître, en Afrique, toute une série de conflits nouveaux, longtemps en gestation, et qui sont les symptômes de la fragilité des États africains». Il est évident que le modèle de colonisation (direct ou indirect) a eu un impact sur l'héritage de la violence sur le continent, mais n'est pas le seul facteur à l'autoritarisme des États africains.

Dans un contexte de troisième vague de démocratisation et de retour au pluralisme démocratique, les modes de transition (par pacte, arrachée, contrôlée, par réforme et la conférence nationale) ont eu un impact sur les résultats des processus démocratiques. Les acteurs politiques et leurs velléités sont une explication complémentaire. Le rôle des élites est aussi fondamental, car leur volonté d'accepter la compétition et la défaite électorales a une incidence sur la survenue d'événements tels que les guerres civiles, par exemple. D'ailleurs, leur refus du processus démocratique entraîne fréquemment des coups d'État menés par un autre acteur incontournable: l'armée.

Enfin, pour clore le chapitre des acteurs comme facteur de violence, les partis politiques ont une part de responsabilité, principalement dans les idéologies et discours nationalistes ainsi que dans la pratique du clientèlisme.

Les interventions de l'ONU sont elles efficaces?

Il est nécessaire alors de s'interroger sur l'efficacité des interventions des Casques bleus onusiens. En effet, les chercheurs sont partagés sur ce point. Légaré et Garon jugent que «le maintien de la paix s'est rapidement avéré inadapté aux nouveaux défis que s'était donnés l'ONU, comme l'a démontré l'incapacité des interventions internationales à contenir les violences et à gérer les conflits en Somalie, en Yougoslavie et au Rwanda». D'un point de vue positif, d'autres auteurs considèrent ainsi l'action des Casques bleus plutôt comme un succès. Williams considère que «malgré diverses critiques valables et de graves imperfections, les opérations de maintien de la paix n'en restent pas moins le principal outil de gestion des conflits dont dispose la société internationale, et les preuves empiriques suggèrent qu'elles ont contribué au déclin des conflits dans un grand nombre de territoires déchirés par la guerre».

Les facteurs de résolution des conflits

L'intervention des Casques bleus des Nations unies en zone de conflit doit regrouper un maximum d'atouts pour connaître des chances de succès. Pour Epaye «les conflits se règlent de deux manières, soit par la force, soit par la négociation», alors que pour Porteous et Jaquet «leurs décideurs continuent de considérer tout conflit violent comme la rupture anormale d'un processus politique à laquelle il doit être mis fin à tout prix, plutôt que comme un processus politique et économique tout à fait normal, caractéristique d'États fortement affaiblis». Et, «pour avoir des chances de réussir, les politiques de prévention et de résolution des conflits devraient s'attacher à faire coopérer leurs différents protagonistes, africains ou non, en vue de créer les institutions, légitimes, dont ont besoin les États africains».

Williams partage aussi ce point de vue, dans le sens où «elles ne doivent pas être déployées dans des zones de conflit actif sans s'inscrire dans un processus politique durable de gestion ou de règlement des conflits. Elles ne doivent pas non plus être déployées sans bénéficier de la coopération active du ou des gouvernements hôtes concernés».

Les chiffres

Intervient alors la notion d'efficience des missions des Casques bleus. L'investissement financier et humain des Nations Unies a-t-il un impact positif sur le succès des opérations de maintien de la paix en Afrique subsaharienne?

Après avoir analysé les opérations de maintien de la paix des Nations unies de 1988 à 2015 en Afrique subsaharienne, sur 55 pays d'Afrique noire, 32,7% (soit le tiers) connaissent ou ont connu un conflit au cours des 27 dernières années. La durée moyenne par mission est de 3,9 ans, et de 7,8 ans par pays. Actuellement, 11 opérations sur 31 sont toujours en cours soit plus d'un tiers (35,5%): en Côte d'Ivoire, au Libéria, au Mali, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, au Sahara occidental et au Soudan. Le coût financier des opérations par pays est au minimum de 1 million de $ US (GONUBA au Tchad) et au maximum de 10,15 milliards de $ US (MONUC en République démocratique du Congo). Le total cumulé représente la somme d'environ 18 milliards de dollars américains (précisément 17 893 200 000 $ US) soit un coût annuel de 666 millions de dollars US.

Le premier constat qui apparaît de manière flagrante est que la mission des Nations unies en République démocratique du Congo est celle qui fait partie des plus longues (15 ans), derrière la République centrafricaine (27,9 ans), le Sahara occidental (17,6 ans) et le Soudan (16,1 ans). C'est aussi une des plus coûteuse en globalité (10,15 milliards de dollars US) après la MINUAD au Soudan (1,6893 milliards de dollars US). Elle a aussi employé le plus grand nombre d'effectifs (24 000) derrière la Somalie (28 000) et le Soudan (27 391).

À la lecture de ces chiffres, on peut effectivement déduire que l'investissement financier et humain n'a pas eu un impact positif sur les résultats de l'opération de maintien de la paix des Nations unies dans cette région, puisque les forces onusiennes y sont présentes depuis 1999. La durée des interventions et la multiplication des opérations (MONUC et MONUSCO) sont les signes révélateurs de l'enlisement du conflit et de l'incapacité de l'ONU à achever sa mission dans des délais plus réduits.

Conclusion

Il faut tout de même rajouter que, sans ces opérations, les pertes humaines seraient amplifiées, et qu'elles sont donc indispensables. Il faut donc remettre en question le mandat des Casques bleus. Le nouveau mandat post-guerre froide n'est-il pas trop ambitieux ? Comment un contingent armé étranger peut-il mettre en place un processus de démocratisation sans rappeler de vieux souvenirs de l'époque coloniale? «Les pays africains fournissent à ce jour près de 38% des Casques bleus faisant du continent le deuxième contributeur humain de l'ONU».

La solution peut effectivement venir des pays africains eux-mêmes. Mais cette solution n'est-elle pas aussi une sorte de repli sur soi-même des pays occidentaux? N'assiste-t-on pas à un nouvel abandon, une sorte de nouvelle décolonisation, dans un contexte de mondialisation où les États connaissent de graves difficultés budgétaires? En 2014-2015, les États Unis sont le principal pays contributeur au budget des opérations de maintien de la paix des Nations unies, avec une participation de 28,38 % . Ceci renforce la position hégémonique américaine au sein même du Conseil de sécurité, a nécessairement une influence sur la priorisation du traitement des conflits, et on est en droit de s'interroger sur les réelles motivations des interventions. Sont-elles économiques et politiques avant d'être humaines?

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