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Syrie : intervenir militairement ou non ?

En définissant une ligne rouge à partir de laquelle les États-Unis ne pourront rester indifférents au carnage syrien, le président Obama a engagé la crédibilité des États-Unis. Cette ligne rouge relative à l'introduction d'armes chimiques dans la guerre civile syrienne a été franchie.
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En définissant une ligne rouge à partir de laquelle les États-Unis ne pourront rester indifférents au carnage syrien, le président Obama a engagé la crédibilité des États-Unis. Cette ligne rouge relative à l'introduction d'armes chimiques dans la guerre civile syrienne a été franchie. Ne pas agir serait mettre fin à la pax americana qui, malgré ses hauts et ses bas, a maintenu un certain équilibre mondial depuis plus d'un demi-siècle. Ne pas agir reviendrait à donner le feu vert aux États voyous tels la Corée du Nord et l'Iran qui franchiraient d'autres seuils critiques en rendant les armes nucléaires de plus en plus opérationnelles. Une intervention militaire est devenue un impératif moral : si Assad n'hésite pas à gazer les siens, pourquoi se gênerait-il pour gazer ses ennemis ? La barbarie syrienne déborderait ses frontières dans une logique suicidaire. L'humanité reviendrait à la barbarie de la Seconde Guerre mondiale comme si elle n'en avait tiré aucune leçon.

Une opération chirurgique contre les installations d'armement chimiques relèverait de l'utopie, car ces armes ont été cachées dans des superbunkers souterrains et il sera difficile d'être assuré qu'elles auront été toutes détruites. Or, l'armée syrienne dispose de missiles de longue portée qu'elle pourrait mettre en action. Détruire les rampes de lancement de missiles deviendrait vite une nécessité pour ne pas être pris au dépourvu par une attaque-surprise en représailles. Détruire les ports et les pistes d'atterrissage pourrait faire cesser l'approvisionnement en armes de la Syrie pour un temps. Engager des combats terrestres n'enthousiasme guère les pays qui se remettent difficilement de l'invasion terrestre de l'Irak et de l'Afghanistan. Bien qu'affaiblie par les désertions et l'attrition de la guerre civile, la capacité opérationnelle de l'armée syrienne est loin d'être négligeable. L'armée syrienne dispose de près de 5000 tanks. À titre comparatif, les plus grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale impliquèrent près de 1500 tanks à Koursk, près d'un millier à la bataille d'Al Alamein et plus d'un millier à celle qui se tint au plateau du Golan en 1973. En 2009, l'armée syrienne disposait de deux fois plus d'avions de combat que la France.

Les conséquences d'une intervention militaire sont encore plus à redouter : des dommages collatéraux - il y en a toujours - seraient montés en épingle par les médias, d'autant plus que le maquillage médiatique visant à mettre l'opinion publique de son côté a été raffiné à l'extrême au Proche-Orient durant ces deux dernières décennies. Il faudrait prendre en considération des actes terroristes qui pourraient être déclenchés par des cellules dormantes du Hezbollah ou de l'Iran en Occident, voire même la possibilité que des missiles de longue portée atteignent des capitales européennes peu préparées à la défense civile. On ne peut chasser de l'esprit un autre précédent : durant la première guerre du Golfe, Saddam Hussein cerné par une grande coalition se défendit en envoyant des missiles sur ... Tel-Aviv alors qu'Israël n'était pas impliqué dans le conflit. Si c'est à nouveau le cas, Israël réagira certainement. Le Hezbollah, que l'Iran a doté de dizaines de milliers de missiles, sera à nouveau en guerre contre Israël et le Liban payera cher une autre guerre déclenchée par une milice terroriste qui y fait la pluie et le beau temps avec ses élus, son armée et son agenda indépendant de celui du gouvernement libanais.

La réaction de l'Iran serait déterminante, car son pouvoir de perturbation est important : l'Iran qui a des visées sur certains états de Golfe, essaie d'embrigader les minorités chiites du Moyen-Orient. Il a investi des dizaines de milliards pour déstabiliser cette région du monde et fait de la surenchère anti-israélienne pour mieux ouater les masses arabes. L'Iran dispose de 200 à 300 missiles de type Shahab-1 et Shahab-2 ainsi que des missiles de longue portée Shahab-3 et Ghadr qui peuvent atteindre des cibles au Sud de l'Europe ; à cet inventaire s'ajoutent des centaines de roquettes Zelzal et Fateh -110, de drones Karar porteurs de charges de 500 kg et un arsenal de missiles sol-mer de fabrication chinoise. Si l'Iran décide de bloquer le détroit d'Ormuz par lequel transite près de 20 % du pétrole mondial, il en résulterait une crise économique à l'échelle de la planète.

La Russie n'offrira pas aux Occidentaux la garantie d'une sanction de l'ONU, car elle ne veut pas perdre des atouts stratégiques et économiques importants : une base navale sur le littoral syrien et des ventes d'armes essentiellement financées par l'Iran. Si l'on se fie à la façon dont l'insurrection tchétchène a été matée, les considérations de nature morale ou éthique ont peu de poids dans les priorités du Kremlin. En misant sur Khadafi, la Russie s'est aliénée le nouveau gouvernement libyen qui l'a remplacé et les ventes d'armes russes à la Libye de l'ordre de plusieurs G$ ont été annulées. Depuis la guerre du Golfe, les ventes d'armes russes ont décliné de façon notoire alors que celles des États-Unis ont augmenté considérablement. En outre, la Russie et l'Iran disposent de la majorité des réserves gazières mondiales. Un conflit régional accompagné d'une hausse effrénée du prix du pétrole enrichirait grandement la Russie par ailleurs prospère en pétrole.

Il n'y a guère de solution magique au présent dilemme, tant l'action ou l'inaction sont lourdes de conséquences. Toutefois, il y a moyen de minimiser les impacts de plusieurs façons : à commencer par la mise en commun des sources de renseignement des pays de la région qui ne souhaitent pas voir se propager les armes chimiques ou nucléaires. Le Liban qui est pris en otage par le Hezbollah pourrait apporter sa contribution s'il veut se protéger à long terme. Les négociations avec l'Iran relativement à son programme nucléaire tournent en rond depuis des années. Le temps d'une action ferme et d'un embargo bien mieux ficelé est venu. Un message non équivoque doit être émis en direction de la Russie et de la Chine, pays sur lesquels l'Occident peut encore faire levier[1]. Une force de dissuasion internationale prête à agir en cas de récidive pourrait donner à réfléchir ceux qui sont en possession d'armes chimiques.

Il y aura peut-être une chance d'évoluer vers un avenir meilleur lorsque les masses de la région cesseront de se faire berner par les émissions qui déversent de la haine à profusion au Moyen-Orient. Un message tout aussi clair envers les médias qui propagent la haine pourrait endiguer la dérive vers la violence assassine.

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[1] La Russie soutient également le développement du nucléaire iranien, a livré le système de défense anti-aérien Tor-1 et la vente d'un système de défense encore plus sophistiqué, S-300 est à l'ordre du jour. Cette vente se serait probablement déjà réalisée ne fut-ce la crainte de représailles américaines contre les compagnies exportatrices.

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