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Accord entre les 5+1 et l'Iran: risque calculé ou erreur historique?

Le scepticisme au sujet de l'accord conclu entre les 5+1 et l'Iran traduit la pensée de nombreux politiciens et commentateurs. Les ambitions régionales de l'Iran, sa déstabilisation au Moyen-Orient et l'ampleur de son programme nucléaire ont inquiété la communauté internationale. Les sanctions progressives ont amené l'Iran à chercher un accord conclu en novembre 2013. En ressort-on gagnant?
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Accord entre les 5+1 et l'Iran: risque calculé ou une erreur historique?

Le scepticisme au sujet de l'accord conclu entre les 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, Angleterre, France et Allemagne) et l'Iran traduit la pensée de nombreux politiciens et commentateurs. Les ambitions régionales de l'Iran, sa déstabilisation au Moyen-Orient et l'ampleur de son programme nucléaire ont inquiété la communauté internationale. Les sanctions progressives américaines, onusiennes et européennes ont amené l'Iran à chercher un accord conclu en novembre 2013. En ressort-on gagnant?

Le gouvernement iranien

L'Iran un pays qui est géré par deux gouvernements: le premier élu se compose du Parlement et le président Rouhani. Toutefois, les candidats éligibles au Parlement et à la présidence doivent être préalablement approuvés par le second palier de gouvernement non élu, dominé par les mullahs dont le guide suprême est Khameini. Ce dernier détermine les grandes orientations du gouvernement et a à sa solde une armée de 125 000 gardes révolutionnaires qui agissent indépendamment du parlement. Diverses opérations dont les confiscations des avoirs de «criminels» ont permis aux mullahs d'amasser une fortune de près de 95 milliards dans un consortium, le SETAD. Ce consortium n'est pas supervisé par le parlement sous prétexte qu'il gère des œuvres de charité.

Les ambitions iraniennes

L'Iran se considère comme une puissance majeure et s'est investi considérablement pour s'allier aux chiites du Moyen-Orient: en Irak, au Liban, en Syrie et dans les émirats du Golfe. Au Liban, le Hezbollah dispose de sa propre armée et de son propre agenda, indépendamment du gouvernement libanais. En Syrie, le régime d'Assad est soutenu économiquement et militairement par l'Iran. Le conflit entre sunnites et chiites perdure depuis des siècles et la politique viscéralement anti-israélienne de l'Iran vise à amadouer les populations arabes majoritairement sunnites. La propagande anti-occidentale et anti-israélienne du régime iranien est particulièrement violente, allant jusqu'à nier l'existence de l'holocauste et à se promettre d'annihiler l'État d'Israël.

L'Iran est un pays riche en ressources naturelles et possède 25% des réserves mondiales en gaz et 9% des réserves mondiales du pétrole. Pourtant, l'Iran s'est lancé pleins feux dans le développement du nucléaire. Le nombre de centrifugeuses est passé de 3000 en 2007 à 19 000 en 2013. Il serait capable de se doter de l'arme nucléaire d'ici un an à trois ans. Il possède 186 kilos d'uranium enrichi à 20% dans les centrales de Natnz et de Fordow alors qu'il suffit d'avoir 240 kilos pour produire une bombe. Une mégacentrale est en construction à Bouchehr et celle d'Arak devrait produire 9 kilos de plutonium en 2014. En outre, un programme de production de missiles longue portée progresse en collaboration avec la Corée du Nord.

Les sanctions

Durant plus de 10 ans, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIAE) et l'Union européenne ont manifesté plus d'une fois la frustration à l'effet que l'Iran cachait ses centrales souterraines et faisant de tout pour empêcher les inspections de l'AIAE bien que l'Iran soit un des membres signataires du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires depuis 1968. Les années de négociations ont semé la méfiance et le doute et par la suite de nombreuses sanctions furent prises graduellement: par les États-Unis depuis 1979 (touchant le commerce, les relations bancaires, les transactions reliées à l'essence, la monnaie iranienne et le secteur automobile) par l'ONU depuis 2006 (relativement aux matériaux pouvant servir aux armements nucléaires ou au développement des missiles, à la vigilance en regard des banques iraniennes, et au gel des avoirs iraniens) et par l'Union européenne (ayant trait à l'assistance technique dans le domaine pétrolier, et aux relations bancaires).

Le résultat ne s'est pas fait attendre: dévaluation de la monnaie iranienne de 100%, augmentation du coût des denrées de base (bœuf : 560%; riz : 720%; lait : 45%) et un manque à gagner de 50 G$ par an durant les deux dernières années. 30% des jeunes sont au chômage et la Chine s'implante de plus en plus dans le marché iranien, mettant l'artisanat iranien en péril.

Les négociations récentes

En mai 2012, il a été proposé à l'Iran de cesser l'enrichissement de l'uranium à 20% et de stocker à l'étranger le matériau déjà produit. En février 2013, il a été proposé que l'Iran conserve une partie de l'uranium enrichi à des fins de recherche. La réponse iranienne fut ambiguë, parlant de rétablissement de la confiance durant une période de 6 mois et d'assurer la transparence en regard du programme nucléaire. Suite à l'élection du président Rouhani, une campagne tout sourires a voulu projeter une image différente de son prédécesseur Ahmadinejad. On a expliqué par des acrobaties typiquement orientales que les dizaines de milliers d'Iraniens hurlant «Mort à l'Amérique» s'en prennent plutôt à une certaine image de l'Amérique.

Selon l'accord du mois de novembre 2013, l'Iran cesse de construire des centrifugeuses, limite l'enrichissement de l'uranium à 5%, neutralise l'uranium enrichi à 20% et cesse la construction du réacteur d'Arak. Le programme nucléaire iranien est donc ralenti, mais non pas gelé. En contrepartie, les sanctions sont réduites d'un montant équivalant à 7 G$. La situation sera réévaluée dans six mois.

Accord bénéfique ou préjudiciable?

Au lendemain de l'accord, Rouhani prétendait que le droit de l'Iran d'enrichir l'uranium a été reconnu, ce que le secrétaire d'État américain Kerry a réfuté. Pour le premier ministre israélien, il n'y a aucune confiance à faire à l'Iran qui continue de déstabiliser la région et d'abuser des droits de la personne. Le prince saoudien Abdel Aziz déclare ne pas comprendre l'urgence de réduire les sanctions et rajoute que pour l'Arabie saoudite, toutes les options sont sur la table. En Amérique même, on craint que le scénario nord-coréen ne se répète, la Corée du Nord ayant développé l'arme atomique après avoir réussi à obtenir la levée des sanctions. Le scepticisme est à l'ordre du jour.

Les six prochains mois seront déterminants: si les libéraux arrivent à desserrer l'emprise des conservateurs, il y aura une faible chance que l'Iran finisse par rejoindre le concert des nations. Si les conservateurs décident de bloquer l'accord ou encore de recourir à de nouvelles dissimulations des activités relatives au nucléaire, on reviendra alors à la case départ. Toutefois, le dégel des sanctions aura créé une dynamique qu'il sera difficile de freiner et l'Iran pourra en tout temps recourir à l'enrichissement de l'uranium. Si tel est le cas, on pourra faire le post mortem de l'accord comme étant une erreur historique similaire à celle qui prévalut lorsque Chamberlain revint de sa rencontre avec Hitler à Munich en proclamant avoir obtenu la paix.

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