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Devant la remise en question de certains engagements des États-Unis sous la présidence de Trump, il est possible que la Chine cherche à intervenir dans l’arène politique internationale.
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La Chine vise à égaler ou dépasser le niveau technologique et économique des Américains.
Darwel via Getty Images
La Chine vise à égaler ou dépasser le niveau technologique et économique des Américains.

Je me souviens d'un petit-déjeuner au cours duquel feu le ministre fédéral des transports, Jean Lapierre, me confiait sa grande satisfaction d'avoir effectué un investissement majeur à Prince Rupert en Colombie-Britannique, lequel devait permettre d'économiser du temps avec les cargaisons maritimes provenant d'Asie.

Lorsque je lui fis remarquer qu'il s'agissait en fait de permettre l'importation de dizaines de milliers de conteneurs qui arriveraient pleins et repartaient quasiment vides, il me répondit qu'il avait comme beaucoup d'autres émis des réserves, mais que les économistes avaient insisté pour souligner qu'il n'y avait pas de souci.

Avec le recul, il semble que peu d'analystes avaient prédit l'expansion formidable de l'économie chinoise, et encore moins l'importance géopolitique qui accompagne cette expansion à l'échelle de la planète tout entière. Le consensus était que la Chine représentait un défi, certes, mais un défi acceptable et maîtrisable. On supposait aussi que le libéralisme économique aurait un effet d'entrainement sur les libertés individuelles.

Toutefois, la vision corporatiste qui pousse à montrer aux investisseurs des profits à court terme n'a généralement pas été accompagnée d'une vision globale quant à l'effet à long terme des délocalisations des usines en Extrême-Orient, et plus particulièrement celui de leurs retombées politiques.

Une expansion économique fulgurante

La Chine est devenue une superpuissance économique dans les années 90 et les conditions de misère qui y prévalaient lors de la révolution communiste de 1948 ne sont plus qu'un souvenir. Quelques indices mettent en exergue cet essor économique chinois.

Depuis 2005, les exportations canadiennes vers la Chine ont plus que doublé pour atteindre 25 milliards tandis que les importations ont augmenté de 66% pour atteindre 71 milliards de dollars. Le commerce de la Chine avec les États-Unis a été multiplié par 30 en 30 ans pour atteindre 578 milliards de dollars en 2016, les importations étant quatre fois plus importantes que les exportations.

Dans son ouvrage The Thucydides Trap, Graham Allison's note que la taille de l'économie chinoise par rapport à l'économie américaine est passée de 10% en 1981, à 60% en 2007, à 100% en 2014, puis 115% aujourd'hui. Au rythme actuel, elle devrait passer à 150% en 2023, et à 300% en 2040.

Avancées technologiques et militaires

La Chine vise à égaler ou dépasser le niveau technologique et économique des Américains. Néanmoins, quelques paramètres montrent que l'avancée des États-Unis est encore marquée: le budget de recherche militaire américain, qui est de l'ordre de 70 billions de dollars, est 11,5 fois plus élevé que celui de la Chine. Chaque année, les États-Unis déposent 14 000 brevets comparés à 2000 pour la Chine.

Depuis 1990, deux prix Nobel ont été octroyés à la Chine contre 114 décernés aux Américains.

Néanmoins, la Chine produit aujourd'hui 87% des produits électroniques, dispose de ses propres réseaux satellitaires, a un programme spatial ambitieux, développe son propre réseau GPS, ses propres sous-marins nucléaires, son premier porte-avions et détient une expertise avancée dans la destruction de satellites.

La nouvelle route de la soie

Les surplus monétaires de la Chine lui ont permis d'entreprendre des investissements majeurs dans une nouvelle route de la soie (One Belt One Road) à l'échelle planétaire, qui est terrestre, maritime, aérienne et numérique.

La route de la soie terrestre est en fait double, car deux routes alternatives sont construites pour pallier les aléas de l'incertitude politique. Le tonnage des cargos ferroviaires vers l'Europe a été multiplié par huit ces cinq dernières années.

Le port de Shanghai est devenu le plus achalandé au monde. La Chine est également active dans la construction et la gestion de ports, y compris en Méditerranée.

Des projets de plusieurs dizaines de milliards sont entrepris dans le domaine de l'approvisionnement gazier et pétrolifère à partir de la Russie, du Turkménistan et du Moyen-Orient.

La route de la soie numérique a un centre de contrôle au Centre logiciel de Xiang construit par le géant des télécommunications chinois Huawei. Ce centre devrait employer un quart de millions d'informaticiens d'ici 2021.

Les abus des droits de la personne

Le fichage des données individuelles traitées par l'intelligence artificielle donne des pouvoirs discrétionnaires inégalés au gouvernement chinois. Le logiciel de reconnaissance faciale et 170 millions de caméras de surveillance permettent d'identifier 1,37 milliard de Chinois en l'espace de minutes.

La Chine, où la peine de mort est appliquée le plus fréquemment, a exécuté plus de détenus que le reste de la planète l'an dernier.

Les critiques concernant l'arrestation de centaines d'avocats et d'activistes des droits de la personne en Chine ou même le traitement des Ouïghours du Xinjiang se font plus discrètes dans les démocraties occidentales qui sont de plus en plus dépendantes des investissements chinois.

Ombres chinoises

Des données provenant de 700 millions de téléphones Android auraient été transmises en Chine et des allégations d'activité d'espionnage informatique ont été rapportées, ciblant des banques canadiennes. Par ailleurs, bien des compagnies de Silicon Valley sont achetées par la Chine, qui bénéficie ainsi légalement de secrets technologiques. La compagnie Google, qui a développé le moteur de recherche le plus utilisé au monde, s'est retirée de contrats militaires américains, mais coopère avec le gouvernement chinois dans ses activités de censure et de localisation.

À la différence des démocraties libérales dans lesquelles les économies sont régies dans un cadre législatif bien défini et où les politiciens ne sont pas à l'abri des critiques, le parti communiste chinois agit en maître d'œuvre incontesté, dirige à son gré les activités économiques et orchestre les interventions politiques.

Le théâtre d'ombres chinois est une mise en scène qui laisse paraître des silhouettes tout en masquant leur arrière-plan. Il a été de même pour la politique chinoise jusqu'à présent.

La Chine d'aujourd'hui agit plus ouvertement. La prise d'otages politiques canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor en Chine suite à l'arrestation —en toute légalité de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei —, est un chantage qui veut outrepasser le processus légal de l'État de droit. C'est un test qui est fait sur un petit pays pour donner le ton à ceux qui s'avanceraient à critiquer ou à s'opposer à certaines politiques chinoises.

Par le passé, la Chine a pris des initiatives qui ont nui à son développement. La révolution culturelle dans les années 60 a envoyé les chercheurs universitaires en rééducation dans le lointain Sinkiang. Le massacre de Tian'anmen a découragé bien des étudiants chinois de l'étranger de rentrer chez eux.

L'affirmation militaire de la Chine en mer de Chine et la réclamation de droits territoriaux sur des îles flottantes armées de missiles ont semé la panique dans les États du Sud-est asiatique qui réclament encore plus de protection américaine.

Devant la remise en question de certains engagements des États-Unis sous la présidence de Trump, il est fort possible que la Chine cherche à intervenir prochainement dans l'arène politique internationale et nuance bien moins son jeu d'ombres.

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